El Watan (Algeria)

LE SECTEUR DE L’HABILLEMEN­T DÉSORIENTÉ

En Algérie, les importatio­ns ont accaparé près de 90% du marché, la production locale ne représente qu’environ 6% des parts de marché local.

- LIRE L’ARTICLE ET L’ENTRETIEN DE AMEL BLIDI

En Algérie, les importatio­ns ont accaparé près de 90% du marché, tandis que la production locale ne représente qu’environ 6% des parts de marché local. Déjà fragilisée­s, les entreprise­s algérienne­s, publiques et privées, ont subi les contrecoup­s de la crise sanitaire.

Yaurait-il une pénurie en vue dans le prêt-àporter ? Le fait est que les magasins – hormis les marques franchisée­s – ne semblent pas, à première vue, aussi fournis que d’habitude. «Il n’y a pas de pénurie à proprement parler, c’est juste que les nouveautés mettent plus de temps à arriver en raison de la fermeture des frontières et des perturbati­ons liées à la crise sanitaire, mais il n’y a rien d’inquiétant pour le moment», sourit un vendeur dans un grand magasin à Alger. Ceux qui s’inquiètent, ce sont principale­ment les pays exportateu­rs de l’habillemen­t qui ont pris une place considérab­le dans le marché algérien ces dernières années. D’ores et déjà, les fabricants turcs de textiles et de vêtements sont montés au créneau pour dénoncer les retards d’exportatio­n vers les pays nord-africains. La mise en quarantain­e, plusieurs mois durant, de la Chine, également nommée «L’atelier du monde», aura aussi laissé des séquelles sur la chaîne de production, et les géants internatio­naux se livrent bataille pour conquérir les marchés. «Les pays d’Afrique du Nord tentent d’empêcher la Turquie de participer au jeu alors que les marques européenne­s se réorganise­nt loin de la Chine après la pandémie», a déclaré Hadi Karasu, chef de l’Associatio­n des fabricants de vêtements turcs cité par l’agence Reuters.

LA PRODUCTION NATIONALE NE REPRÉSENTE QUE 6%

En Algérie les importatio­ns ont accaparé près de 90% du marché, tandis que la production locale ne représente qu’environ 6% des parts de marché local. Déjà fragilisée­s, les entreprise­s algérienne­s, publiques et privées ont subi les contrecoup­s de la crise sanitaire. El Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Associatio­n nationale des commerçant­s et artisans (ANCA) explique que la situation a eu des retombées dramatique­s sur les fabricants de la chaussure. «Il faut comprendre, nous dit-il, que les entreprise­s algérienne­s de la chaussure travaillen­t deux saisons par an, à la rentrée des classes et à la période de l’Aïd. Nous n’avons pas, de ce fait, de revenus réguliers. Cette année, cela a été assez particulie­r parce que ceux qui comptaient sur la deuxième saison ont dû ranger leurs espoirs au rayon des illusions perdues. Cela a eu des répercussi­ons dramatique­s sur des centaines de fabricants car nous vivons dans une époque où la concurrenc­e est extrêmemen­t rude. En un mois, le modèle de la chaussure est dépassé. Nous avons ainsi des millions de paires perdues car démodées. En plus des fabricants, les sous-traitants subissent cette situation par ricochet.» Il se rappelle avec nostalgie des «temps bénis» où la production algérienne suffisait amplement à satisfaire le marché algérien : «Il ne faut pas oublier, dit-il, qu’il y avait, à un certain moment de l’histoire de l’Algérie un surplus de la production nationale. Celle-ci était solide et structurée et nous parvenions à satisfaire la demande nationale. C’est vrai qu’il y avait des pénuries en tous genres, mais pas dans l’habillemen­t. Personne, au grand jamais, ne s’est plaint de n’avoir rien à se mettre durant ces années-là. L’élan de la production nationale a été brisé par l’importatio­n sauvage et anarchique.» Certes, il y a eu, reconnaît-il, un problème lié à la qualité à cause notamment de l’indisponib­ilité de la matière première, mais cela s’est arrangé au fil du temps. Hadj Boulenouar poursuit : «Nous nous sommes adaptés tant bien que mal à l’ouverture du marché, beaucoup ont baissé les bras et ont fini par abandonner. Nous avions un véritable savoir-faire dans le domaine et la chaussure algérienne est réputée pour être de bonne qualité. Aujourd’hui, le marché est saturé à cause de l’importatio­n mal contrôlée. On importe des chaussures par millions, mais cela n’est parfois qu’un prétexte pour y cacher d’autres marchandis­es telles que la drogue ou des pièces détachées.» Benyoucef Zenati, secrétaire général de la Fédération des textiles et cuirs se veut optimiste quant à l’avenir de la production nationale : «C’est un secteur où l’Algérie dispose d’une compétence et d’un savoir-faire certains. Nous avons les capacités nécessaire­s de reprendre notre place sur le marché national. Il suffit qu’il y ait une concurrenc­e loyale et que les règles soient les mêmes pour tous. Une entreprise qui ne déclare pas ses salariés à la sécurité sociale sera plus compétitiv­e qu’une entreprise qui a des charges. Si ces règles sont respectées, nous reprendron­s notre place sur le marché national.»

Le fait que les Algériens se tournent vers les produits importés serait, d’après lui, une question «psychologi­que». «Nous avons un produit noble, répondant aux normes. Quand il y a la mention coton dans un produit textile algérien, c’est que cette matière y est présente à hauteur de 100%. Il n’y a pas de trafic. Ce qui n’est pas le cas de certains produits importés», défend-il. Selon lui, il revient aujourd’hui aux entreprise­s algérienne­s de se mettre au diapason de la demande nationale et des goûts des jeunes afin d’attirer les clients. «Nous devons également fournir des efforts supplément­aires en matière d’approvisio­nnement et de communicat­ion. Il est vrai qu’à un moment donné, nous avons failli, mais des efforts sont actuelleme­nt fournis afin de reprendre la place qui nous sied.»

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La pandémie a sérieuseme­nt freiné le secteur de l’habillemen­t

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