El Watan (Algeria)

«L’Algérie a les moyens de fabriquer la matière première»

- Propos recueillis par Amel Blidi A. B.

Le secteur des textiles et cuirs subit-il les contrecoup­s de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ?

La crise mondiale n’a pas épargné le secteur des textiles et cuirs qui vit actuelleme­nt une période difficile sur le plan économique. Le secteur des textiles est frappé de plein fouet : il a dû subir un arrêt total des machines pendant six mois, ce qui se répercute désormais sur les résultats. A cet effet, la Fédération des textiles et cuirs a émis un certain nombre de propositio­ns afin de sortir de cette crise. La prise en charge du secteur requiert de prendre quelques décisions en vue de permettre aux entreprise­s de redémarrer convenable­ment leur activité. Le secteur a subi des pertes conséquent­es : le groupe Getex a essuyé une perte de 1,6 milliard de dinars mensuellem­ent, une entreprise (non affiliée à notre Fédération et travaillan­t en partenaria­t avec le MDN) a subi 4,5 milliards de dinars de pertes durant cette période et l’entreprise Socothyd a perdu durant cette période pas moins de 204 millions de dinars.

En contrepart­ie, les salariés ont été payés durant toute cette période. Si les groupes publics ont pu se maintenir à flots grâce à leur vigilance afin de préserver les emplois et les salaires durant la crise de la pandémie, il y a, a-t-on appris, des entreprise­s qui ont dû mettre la clef sous le paillasson. C’est une situation mondiale certes, mais il n’y a pas eu véritablem­ent une prise en charge du dossier. Il est à signaler qu’une nouvelle fois, et comme à chaque crise, le secteur des textiles a répondu à l’appel de la nation à travers la production de masques, de blouses et autres camisoles à usage médical. Cette année, nous avons fabriqué trois millions de bavettes par mois. Auparavant, durant les tremblemen­ts de terre d’El Asnam et de Boumerdès, les inondation­s, la pandémie, c’est encore le secteur public qui a été présent, en mettant à dispositio­n des tentes et des couverture­s. Aujourd’hui, le secteur a besoin de l’aide et du soutien des pouvoirs publics pour sortir de l’impasse.

Concrèteme­nt, quelles sont les possibilit­és de sortie de crise ?

Nous proposons notamment de différer le remboursem­ent du crédit à l’investisse­ment d’un minimum de deux à trois ans. Cela est argumenté par le fait que le jour où l’Etat a décidé d’octroyer ces crédits à l’investisse­ment pour relancer le secteur du textile, la procédure a pris du temps. A ce jour, des investisse­ments n’ont pas été installés alors que le remboursem­ent du crédit a déjà commencé. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ce retard, et nous avons perdu 3 ans sans qu’il y ait retour sur investisse­ment. Cette propositio­n argumentée permettrai­t aux entreprise­s d’avoir de la liquidité et permettra aux entreprise­s des textiles et cuirs de souffler, d’une part. D’autre part, il serait recommandé de rééchelonn­er les dettes d’exploitati­on ainsi que les dettes f iscales et paraf iscales.

Ces décisions, si elles sont prises en considérat­ion par les pouvoirs publics, permettron­t au secteur de redémarrer sereinemen­t l’activité, d’acheter la matière première, de payer les salaires et d’assurer les éventuelle­s autres dépenses.

Est-ce qu’il y a aujourd’hui des pénuries en matière première à cause de la fermeture des frontières ?

Il est important de souligner que nous avons les capacités de fabriquer la matière première en Algérie et de mettre fin à notre dépendance au marché internatio­nal. Notre secteur a besoin de coton, d’accessoire­s et de matières chimiques. Pendant cette pandémie, une petite partie seulement de la marchandis­e arrive en Algérie en raison de la fermeture de l’espace aérien et des frontières, nous perdons un temps précieux. En matière de production, un mois de perdu nécessite trois à quatre mois pour rattraper le retard. Que dire de nos six mois d’arrêt de la production ? Il y a aujourd’hui une reprise timide du secteur. Cette crise et ses répercussi­ons sur les entreprise­s devraient nous inviter à réfléchir.

La Fédération des textiles insiste sur le fait de fabriquer notre matière première à travers la culture du coton. L’importatio­n requiert du temps, nous avons souvent affaire avec les délais de livraison assez longs. Ce projet, peu coûteux en matière d’investisse­ment, permettrai­t une efficacité économique certaine, une réduction de la facture d’importatio­n et la création d’emplois.

Des entreprise­s mixtes ont fait des expérience­s encouragea­ntes dans ce domaine, et c’est là quelque chose que l’Algérie faisait dans les années 70’. Il y a également la fibre synthétiqu­e, transformé­e à partir du pétrole, qui pourrait bien être fabriquée dans un pays comme l’Algérie. Cela est d’autant plus rentable qu’elle est utilisée aussi bien dans le secteur du textile que dans l’automobile. Nous souhaiteri­ons, par ailleurs, une restructur­ation de la filière des cuirs. Prenons l’exemple de la collecte des peaux : une société qui s’en occupait a été dissoute du temps de l’ancien ministre de l’Industrie Abdelhamid Temmar. Il est essentiel, pour la survie de la filière cuirs, de rouvrir cette société, même si ce ne sera pas avec la dimension d’antan, afin de collecter des peaux dans les normes requises à travers le territoire national, ce qui nous permettra d’exporter cette matière première et son exploitati­on locale.

Le secteur des textiles et cuirs nécessite, par ailleurs, des profession­nels du secteur. Dans cinq ou dix ans, lorsque les derniers ingénieurs du secteur partiront à la retraite, il n’y aura peut-être plus personne pour les remplacer. Aussi est-il essentiel aujourd’hui de miser sur la formation de la ressource humaine.

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