El Watan (Algeria)

Les mise en garde de CARE

Le Cercle de réflexion autour de l’entreprise (CARE) exprime ainsi ses réserves à propos de la contrainte imposant aux entreprise­s de payer leurs intrants importés à crédit.

- Zhor Hadjam

Le cercle de réflexion autour de l’entreprise (CARE) exprime ses préoccupat­ions à propos d’une dispositio­n de l’article 112 de l’avant-projet de loi de finances dont le contenu a été diffusé par la presse. Il exprime ainsi ses réserves à propos de la contrainte imposant aux entreprise­s de payer leurs intrants importés à crédit. CARE relève ainsi que l’article en question stipule que le paiement des opérations d’importatio­n s’effectue au moyen d’un instrument de paiement dit «à terme» payable à trente jours à compter de la date d’expédition des marchandis­es. Selon l’exposé des motifs, «l’objectif recherché est de donner le temps aux douaniers de faire des vérificati­ons avant le paiement effectif de l’importatio­n». CARE estime dans un communiqué rendu public sur son site internet que «dans la mesure où cet article 112 viendrait à être effectivem­ent confirmé et son contenu avalisé, certaines clarificat­ions et mises en garde sont nécessaire­s». Pour le cercle d’économiste­s, «cette dispositio­n consiste à contraindr­e les entreprise­s à importer leurs intrants à crédit en devises dans le contexte de dévaluatio­n du dinar qui s’annonce inéluctabl­e. Notre pays avait déjà eu à adopter la même mesure en 1994», rappelle CARE. «Des entreprise­s avaient alors été contrainte­s d’importer leurs intrants à crédit – notamment avec l’emprunt ‘‘Beregovoy’’– alors qu’elles souhaitaie­nt payer leur achats en devises sans recours à un quelconque crédit. On leur a fait subir, contre leur volonté, un risque de change.» Avec la dévaluatio­n, ajoute CARE, «elles se sont retrouvées avec des dettes quasiment doublées. Beaucoup de nos entreprise­s productric­es de l’époque n’y ont pas survécu. D’autres sont restées avec des bilans plombés de dettes gonflées d’agios et intérêts de retards qu’elles subissent encore, vingt-six années plus tard. Ne répétons pas les erreurs du passé», met en garde CARE Pour celui-ci, «si la réelle motivation est de différer le paiement des importatio­ns et ainsi obtenir un financemen­t de la balance des paiements de quelques milliards de dollars – un mois d’importatio­ns –, ce n’est pas la meilleure méthode.

OBJECTIF IRRÉALISAB­LE

Cet emprunt extérieur qui ne dit pas son nom coûterait beaucoup plus cher qu’un simple emprunt extérieur souverain». «L’objectif annoncé dans l’exposé des motifs ne peut être sérieuseme­nt poursuivi. Utiliser le terme de trente jours d’un paiement par crédit ou remise documentai­re pour permettre aux douanes de faire des vérificati­ons et éventuelle­ment bloquer le transfert de fonds au terme des trente jours n’est pas réalisable. Une lettre de crédit est un engagement non du client, mais de la banque, envers les banques correspond­antes à l’internatio­nal. De tels engagement­s ne peuvent être rompus sans altérer sérieuseme­nt la signature de nos banques. Cela aura des conséquenc­es sur notre capacité à transiger avec l’étranger et sur le coût de telles transactio­ns», poursuit encore CARE

Selon ce dernier «mettre des exceptions – les produits stratégiqu­es, les produits de large consommati­on, etc. – ne réglerait aucunement les graves problèmes de cette mesure, si elle était avérée. Ces exceptions créeraient au contraire des discrimina­tions contraires à l’intérêt de notre économie. Chacun sait en effet que les lois et règlements en vigueur à ce jour ne donnent nulle part de définition précise de cette notion de produit stratégiqu­e ou de produit ayant un caractère d’urgence pour l’économie nationale». «Dans de telles conditions, poursuit CARE, les marges d’interpréta­tion étendues que cela laissera aux administra­tions exposeront inévitable­ment aux risques de passe-droits et de favoritism­e que les autorités dénoncent fortement par ailleurs.»

CARE relève en outre qu’«il est prévu d’exempter les entreprise­s publiques des contrainte­s ainsi instituées par cet article 112 du projet de loi de finances». Pour le cercle de réflexion, «en plus de la discrimina­tion clairement affichée en direction d’entreprise­s de statut public, que la législatio­n nationale prohibe par ailleurs, la question se pose de savoir en quoi, d’un strict point de vue économique, des matières premières ou des équipement­s importés par une entreprise publique devraient être favorisés par rapport aux mêmes items importés par une entreprise privée.»

CARE ajoute par ailleurs que «l’attention des autorités compétente­s devrait être attirée sur un aspect complexe soulevé par ce projet de mesure à l’importatio­n : dans la pratique, et pour les produits qui seront considérés in fine comme stratégiqu­es ou de large consommati­on, l’exemption du recours au crédit s’appliquera-t-elle uniquement aux produits finis importés ou s’étendra-t-elle aux intrants qui entrent dans leur fabricatio­n locale ? Si les intrants en question venaient à être exclus, ce serait alors une forme d’avantage préférenti­el conféré à l’importatio­n d’un produit fini, par rapport au même produit fabriqué localement», se demande CARE dans son communiqué qu’il conclut en demandant aux pouvoirs publics compétents «de reconsidér­er ce projet de mesures, pour autant que le texte de cet avant-projet de loi des finances viendrait à être confirmé».

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