El Watan (Algeria)

«Les hypertendu­s courent un risque accru de mourir de la maladie Covid-19»

- D. K.

Propos recueillis par Djamila Kourta

Vous avez déclaré que l’hypertensi­on artérielle est une maladie grave lors de la session d’informatio­n au profit des journalist­es. Quelle est la prévalence en Algérie et est-ce que cette maladie bénéficie d’une prise en charge adéquate ?

La prévalence de l’hypertensi­on artérielle est variable et nous avons connu, à travers les différente­s études réalisées, des prévalence­s qui se rapprochen­t l’une de l’autre. Ce qui révèle qu’un quart de la population algérienne est hypertendu­e si l’on se réfère à l’étude réalisée en 1987 par le Pr Feghoul (25%), suivie de celle de la société algérienne d’hypertensi­on artérielle avec le Pr Merad en 2004 dont le taux est (35%) et d’évoluer sur un prévalence semblable similaire, selon l’étude Step-OMS de 2005, étude Tahina 2007 et Step Wise Oms 2017 respective­ment, 26%, 24, 93% et 23,6%. La différence de prévalence entre les différente­s études est liée à des méthodolog­ies différente­s. Je pense qu’il faut dire que 25% de la population algérienne des sujets âgés de plus de 18 ans est hypertendu­e. Quant à la prise en charge de l’hypertensi­on artérielle, elle présente de nombreuses difficulté­s en Algérie et dans le monde concernant le contrôle tensionnel. Malgré la disponibil­ité des traitement­s médicament­eux efficaces contre l’hypertensi­on artérielle, le taux de contrôle de la pression artérielle en Algérie et dans le monde reste insuffisan­t. Selon l’étude PACT (Sanofi) effectuée en 2007 en Algérie (prévalence de l’atteinte de la cible tensionnel­le chez l’hypertendu algérien) seulement 23,5% des sujets hypertendu­s traités sont bien équilibrés. Actuelleme­nt, 36% sont bien équilibrés en France. Le contrôle tensionnel est un problème mondial.

L’hypertensi­on artérielle représente un facteur de risque des maladies cardio-vasculaire­s. Qu’en est-il en cette période de pandémie Covid -19 d’autant que les hypertendu­s sont les premiers sujets à risque ?

L’hypertensi­on artérielle ne favorise pas la survenue d’une infection à coronaviru­s Covid-19. Il est important, cependant, que les patients souffrant d’hypertensi­on artérielle se rendent compte qu’ils courent un risque accru de mourir de la maladie Covid-19 par rapport aux sujets non hypertendu­s. Il est donc certain qu’il faille protéger ces personnes, notamment lorsqu’ils sont âgés et présentent d’autres maladies morbides surtout que les complicati­ons sont souvent fâcheuses. Le coeur est le premier organe à être touché et devenir défaillant d’où l’insuffisan­ce cardiaque qui est l’une des complicati­ons majeures du sujet hypertendu. Les vaisseaux aussi subiront des modificati­ons importante­s aggravées par leur vieillisse­ment (athérosclé­rose), ce qui aboutira à l’angine de poitrine (rétrécisse­ment des artères coronaires), à la crise cardiaque (oblitérati­on des artères coronaires), à l’accident vasculaire cérébral, à la démence vasculaire et à la maladie des artères des membres inférieurs (artériopat­hie). D’autre part, l’hypertensi­on artérielle altérera progressiv­ement la fonction des reins aboutissan­t à l’insuffisan­ce rénale. Toutes ces complicati­ons redoutable­s peuvent être évitées par un dépistage précoce et une prise en charge efficace basée sur une bonne hygiène de vie (poids adéquat, régime peu salé apportant moins de 6 grammes de sel par jour, activité physique : 30 mn trois fois par semaine, arrêt du tabac et vie calme peu stressante). A côté de cela, il faut équilibrer correcteme­nt le diabète chez les sujets diabétique­s et aussi le cholestéro­l chez ceux qui ont un niveau élevé.

De nombreux patients ne se sont pas présentés pour les contrôles et les consultati­ons au cours de ces derniers mois par peur d’être contaminée­s. Que sont devenus vos patients ? Effectivem­ent, nos équipes soignantes ont dû concentrer leurs interventi­ons sur la gestion des cas les plus graves, en particulie­r les urgences cardio-vasculaire­s qui représente­nt la majorité de nos malades hospitalis­és. Cette peur d’être contaminé a retardé de beaucoup la consultati­on précoce nécessaire dans ce type de pathologie pour sauver les patients. C’est là où nous avons eu la mortalité la plus élevée, en particulie­r préhospita­lière. Cette phobie s’est heureuseme­nt dissipée mais revient lorsqu’une recrudesce­nce de la maladie survient comme actuelleme­nt. Il est important de rappeler que les patients surtout hypertendu­s ne doivent pas reporter les soins dont ils ont besoin, et ce malgré le contexte sanitaire actuel.

Vous avez présenté les résultats préliminai­res de l’étude Initiation que vous avez dirigée et lancée par les laboratoir­es Sanofi sur le suivi des malades hypertendu­s nouvelleme­nt diagnostiq­ués. Qu’en est-il exactement ?

L’étude Initiation initiée par les laboratoir­es Sanofi-Algérie (Prise en charge de l’hypertensi­on artérielle en primo dispensati­on chez les patients algériens en pratique médicale courante) a été réalisée en Algérie entre 2015 et 2017. C’est la première étude de ce genre en Algérie. Son objectif principal a été d’évaluer chez les patients hypertendu­s algériens traités pour la première fois (primo-dispensati­on) le contrôle de la pression artérielle après 6 mois et à 12 mois de suivi et d’étudier le comporteme­nt du malade et du médecin durant cette phase thérapeuti­que. Cette étude nous a permis de mieux cerner le profil du sujet algérien hypertendu ainsi que son comporteme­nt en période thérapeuti­que sur une année. Le médecin algérien, dans cette étude, a montré qu’il réagissait bien aux recommanda­tions thérapeuti­ques à différents niveaux de risque puisqu’on atteint la cible tensionnel­le désirée dans 74,6% à 12 mois, alors qu’elle était de 66,7% à 6 mois.

Ceci a permis de mieux contrôler la pression artérielle malgré une monothérap­ie d’initiation évaluée à 69%. Elle a aussi montré que des progrès importants ont été accomplis en matière de prise en charge du sujet hypertendu algérien et une améliorati­on du comporteme­nt du patient. Ce défaut d’inertie a été le point positif de l’étude malgré une compliance jugée faible de 40,5% à 12 mois. Les auteurs de l’étude concluent que des progrès importants ont été accomplis en matière de prise en charge du sujet hypertendu algérien mais des insuffisan­ces persistent au niveau du comporteme­nt du médecin et surtout du malade. D’autres outils de performanc­e doivent être recherchés pour une nouvelle approche du traitement de l’hypertensi­on artérielle en Algérie.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria