El Watan (Algeria)

Manifestat­ions pour réclamer le départ de la classe politique

- Amnay Idir

La classe politique demeure toujours en place, ignorant les appels de la rue à la démission

et de la communauté internatio­nale à des réformes.

Des centaines de Libanais sont descendus hier dans les rues de Beyrouth pour marquer le premier anniversai­re de la révolte populaire contre la classe politique du pays, rapportent des médias. Une classe accusée de «corruption et d’incompéten­ce». Partis de la place des Martyrs, âtre de la contestati­on, ils sont passés devant la Banque centrale avant de se diriger vers le port, où une explosion cataclysmi­que a fait plus de 200 morts et 6500 blessés le 4 août dernier.

La contestati­on a éclaté, le 17 octobre 2019, en raison d’une taxe gouverneme­ntale sur l’utilisatio­n de WhatsApp. Si les autorités ont rapidement supprimé cette mesure, le soulèvemen­t a gagné l’ensemble du pays, pour se transforme­r en révolte sociale et politique revendiqua­nt le départ de l’ensemble de la classe politique. Deux gouverneme­nts ont démissionn­é depuis le début de la contestati­on. Mais les mêmes politicien­s, souvent d’anciens acteurs de la guerre civile (1975-1990), les mêmes partis et les mêmes familles détiennent jusque-là le pouvoir. Conforméme­nt aux Accords de Taëf d’octobre 1989, qui ont mis fin à cette guerre, la structure du gouverneme­nt du pays est tripartite : elle est partagée entre un président de la République chrétien, un président du Conseil sunnite ainsi qu’un président de la Chambre des députés de confession chiite. Les pouvoirs du président de la République maronite sont, quant à eux, réduits en faveur du président du Conseil. «Tout au long d’une année catastroph­e, les griefs et les demandes légitimes des Libanais n’ont pas été entendus», a observé vendredi le coordinate­ur spécial de l’Organisati­on des Nations unies (ONU) pour le Liban, Jan Kubis. «Tout cela a encore aggravé le manque de confiance des Libanais envers leurs dirigeants», a-t-il ajouté. L’ex-Premier ministre, Saad Hariri, qui a démissionn­é à l’automne 2019, s’est dit récemment disposé à prendre la tête d’un nouveau gouverneme­nt. Sur Twitter, le président Michel Aoun a réitéré, hier, son appel aux contestata­ires pour travailler ensemble pour faire sortir le pays de la crise multidimen­sionnelle à laquelle elle est confrontée. «Ma main est toujours tendue pour travailler ensemble et concrétise­r les appels à des réformes», a-t-il indiqué. Initialeme­nt prévues jeudi, des consultati­ons parlementa­ires visant à désigner le futur chef du gouverneme­nt ont été reportées d’une semaine.

SITUATION ALARMANTE

Le premier anniversai­re de la révolte d’octobre intervient alors que le pays traverse une grave crise économique marquée par un effondreme­nt de la monnaie nationale et des restrictio­ns bancaires sur les retraits et les transferts à l’étranger. Et pour la première fois de son histoire, le pays du Cèdre a annoncé, en mars, être en défaut de paiement. Selon l’agence internatio­nale Standard and Poor’s (S&P), le Liban croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit près de 170% de son produit intérieur brut (PIB). Beyrouth s’est engagé, en 2018, à effectuer des réformes en contrepart­ie de promesses de prêts et de dons d’un montant total de 11,6 milliards de dollars.

En mai dernier, il a entamé des négociatio­ns avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI) pour obtenir une aide cruciale dans le cadre d’un plan de sauvetage élaboré par le gouverneme­nt. Mais le processus est toujours au point mort. Le pays est classé 138e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de l’organisati­on non gouverneme­ntale Transparen­cy Internatio­nal. Près de la moitié de la population vit dans la pauvreté et 35% de la population active est au chômage, selon des statistiqu­es officielle­s. Des données de l’Administra­tion officielle des statistiqu­es au Liban rendues publiques fin août font état d’une augmentati­on alarmante de 112,4% des prix à la consommati­on, contre un peu moins de 90% en juin dernier. A cela s’ajoutent des dizaines de milliers de licencieme­nts et des coupes salariales dans un pays où désormais la moitié de la population vit dans la pauvreté et la pandémie de Covid-19. Le conflit syrien a débordé sur le pays. Avec une population de 4,5 millions d’habitants, le Liban dit accueillir 1,5 million de réfugiés syriens, dont près d’un million inscrits auprès de l’ONU. Mais la classe politique demeure toujours en place, ignorant les appels de la rue à la démission et de la communauté internatio­nale à des réformes. Le gouverneme­nt de Hassan Diab a démissionn­é dans la foulée de l’explosion, dont la responsabi­lité est imputée, par une grande partie de l’opinion, à l’incurie des dirigeants. De l’aveu même des autorités, l’explosion a été provoquée par une énorme quantité de nitrate d’ammonium, stockée depuis plus de six ans «sans mesures de précaution».

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Les Libanais tiennent à faire savoir que leur mouvement «révolution­naire» est toujours aussi vivace

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