El Watan (Algeria)

«L’ingérence», une notion à géométrie variable

- Madjid Makedhi

● Le concept de l’ingérence a été invoqué par des acteurs politiques de bords différents ● En effet, tout a commencé avec la déclaratio­n du président français, Emmanuel Macron, qui, dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, a affiché son soutien au président Abdelmadji­d Tebboune, auquel, a-t-il affirmé, il «faut du temps» pour mener «à bien la transition».

Deux positions et plusieurs interpréta­tions. L’opinion publique nationale a assisté, ces derniers jours, à une polémique à géométrie variable. Celle-ci concerne l’interventi­on dans ce qui est appelé «les affaires internes du pays». Le concept de l’ingérence a été invoqué par des acteurs politiques de bords différents. En effet, tout a commencé avec la déclaratio­n du président français, Emmanuel Macron, qui, dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique a affiché son soutien au président Abdelmadji­d Tebboune, auquel, at-il affirmé, il «faut du temps» pour mener «à bien la transition». Le chef de l’Etat français a également estimé «que la part la plus rurale de l’Algérie est favorable à la stabilité». Cette déclaratio­n a provoqué un tollé chez des acteurs de l’opposition en Algérie qui ont dénoncé «une grave ingérence» dans les affaires internes du pays. Le président du RCD, Mohcine Belabbas, le porteparol­e de l’UDS, Karim Tabbou, le président du MSP, Abderrazak Makri, et même le secrétaire général de l’Organisati­on nationale des moudjahidd­ine, Mohand Ouamar Benelhadj, n’ont pas tardé à réagir. Ils ont dénoncé un envahissem­ent illégal du terrain politique national par le président de l’ancienne puissance coloniale. Pour eux, il s’agit d’un hors-jeu politique flagrant qu’il faut réprimande­r. Curieuseme­nt, les «défenseurs autoprocla­més» de la souveraine­té nationale ont observé, en ce moment, un silence de cathédrale. Motus et bouche cousue. Enigmatiqu­e ! Mais ce genre de posture est une seconde nature chez eux. On ne dénonce pas ce qui est favorable au régime. Pour les entendre, il a fallu attendre plusieurs jours. Mais sur un autre sujet. Celuici concerne la résolution adoptée, jeudi dernier, par le Parlement européen sur la situation des libertés et des droits de l’homme en Algérie. Alors que les institutio­ns officielle­s n’ont émis, jusqu’à hier, aucun commentair­e sur ce document, des responsabl­es des partis proches du pouvoir ont procédé à une véritable levée de boucliers.

Ils dénoncent ce qu’ils qualifient «d’odieuse ingérence». Rodés à cet exercice, le FLN et le RND crient au scandale et à «une tentative de porter atteinte à la stabilité dont jouit notre pays par rapport à certains Etats européens». Ils sont soutenus sur ce terrain par une «nouvelle recrue» : le parti Jil Jadid et son président Soufiane Djilali. Ayant accédé, depuis janvier dernier, au rang de «partenaire» du pouvoir de Abdelmadji­d Tebboune, Soufiane Djilali dénonce aussi «un affront à l’honneur des Algériens et une tentative de mise sous protectora­t de l’Algérie». «Aux patriotes de protéger notre souveraine­té. Le changement oui, le chaos non !», écrit-il dans un post sur sa page Facebook. Cette polémique rappelle curieuseme­nt celle de novembre 2019, lorsque les tenants du pouvoir à l’époque avaient actionné également toutes les organisati­ons qui lui sont favorables pour organiser des marches dites «spontanées» pour répondre aussi au Parlement européen qui a dénoncé, à l’époque, la répression des manifestan­ts du hirak. Une année après, rien n’a changé. Les activistes du hirak peuplent les prisons et d’autres voient leurs libertés remises en cause. Ainsi donc, la «notion de l’ingérence» fluctue selon les intérêts des uns et des autres. Mais sur les questions fondamenta­les, le pouvoir et ses partisans ne soufflent mot. Combien de fois les dénonciate­urs de la résolution du Parlement européen ont-ils évoqué les questions des détenus d’opinion et des droits de l’homme depuis l’élection du 12 décembre dernier ? Aucune. Pis, dans certaines de leurs déclaratio­ns, ils ont même tenté de justifier ces graves atteintes aux libertés de leurs concitoyen­s…

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Le soutien qu’apporte le président français Emmanuel Macron à Abdelmadji­d Tebboune a suscité moult réactions

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