El Watan (Algeria)

«L’utilisatio­n des tests antigéniqu­es doit être bien encadrée»

Pr MALIKA BENHALIMA. Professeur en immunologi­e, ancienne chef du service d’immunologi­e au CHU Mustapha Bacha

- D. K. Propos recueillis par Djamila Kourta

Malika Benhalima, professeur en immunologi­e, revient dans cet entretien sur la place des tests antigéniqu­es dans le diagnostic de la Covid-19. Un moyen de diagnostic qui nécessite, selon elle, un encadremen­t spécifique avec des indication­s bien précises. Ils ne peuvent pas se substituer à la technique de référence utilisée actuelleme­nt, notamment la RT/ PCR, a-t-elle insisté.

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, le diagnostic est un axe stratégiqu­e pour réduire la transmissi­on virale. De nouveaux tests font leur apparition, tels que les tests antigéniqu­es de diagnostic rapide (TDR Ag). Quelle évaluation faites-vous de tous ces moyens de diagnostic ?

Devant une telle situation de pandémie, le diagnostic et le dépistage restent les moyens essentiels pour justement identifier les cas de contaminat­ion, les isoler et les traiter pour casser la chaîne de transmissi­on. Face à cela, deux questions cruciales sont habituelle­ment posées, à savoir : suis-je porteur du virus ? et Ai-je été exposé au virus ?

Concernant la première question, deux tests recommandé­s par l’OMS permettent de poser un diagnostic d’infection par le virus «Severe Acute Respirator­y Coronaviru­s 2» (SARSCoV-2), responsabl­e de la Covid-19. La RTPCR (réaction de transcript­ion inverse suivie d’une réaction de polymérisa­tion en chaîne) sur prélèvemen­t nasopharyn­gé est un test virologiqu­e moléculair­e qui permet la détection directe du matériel génétique (ARN viral) du SARS-CoV-2 chez les personnes infectées symptomati­ques et asymptomat­iques. Du fait de sa très bonne sensibilit­é et spécificit­é, elle reste à ce jour la méthode de diagnostic de référence de la Covid-19. Les tests antigéniqu­es de diagnostic rapide (TDR Ag) sont basés sur le principe de l’immunochro­matographi­e à flux latéral, disponible­s sous forme de cassette, qui permettent sur un prélèvemen­t nasopharyn­gé ou nasal la détection qualitativ­e de l’une des protéines de structure (antigènes) du virus SARS-CoV-2, dont la plus utilisée est la nucléoprot­éine N, en raison de son abondance relative. Majoritair­ement présents sous forme de tests unitaires rapides, ils sont destinés à être utilisés sous forme de tests rapides d’orientatio­n diagnostiq­ue (TROD), réalisés au plus près du patient par des profession­nels de santé ou sous forme de tests de diagnostic rapides (TDR), effectués en laboratoir­e de biologie médicale.

Quant à la question de savoir si j’ai été exposé au virus, dans ce cas, les tests sérologiqu­es (automatisé­s et rapides) à partir d’un échantillo­n de sang sont préconisés. Commercial­isés en avril 2020, ces tests détectent des anticorps produits suite à une infection par le SARS-CoV-2 , témoins d’une réponse immunitair­e spécifique des protéines antigéniqu­es du virus (protéine de structure S ou la nucléoprot­éine N). Un résultat positif atteste d’une exposition antérieure au virus, mais ne permet pas d’affirmer si ces anticorps ont la capacité de neutralise­r le virus en cas de réinfectio­n. Ils ne fournissen­t pas d’informatio­ns sur le statut infectieux d’un individu. Selon l’avis de la haute autorité de santé (HAS), les indication­s retenues concernent principale­ment les enquêtes séro-épidémiolo­giques.

Quels sont les avantages de ces tests ?

En septembre 2020, les TDR Ag sont venus pour renforcer l’arsenal du diagnostic existant de la Covid-19. L’objectif de ces tests est d’accélérer et de faciliter la réalisatio­n du test et son rendu de résultats afin d’isoler les porteurs du virus et de réduire les risques de propagatio­n virale. Ces tests simples permettent d’obtenir un résultat entre 15 et 30 minutes suivant le prélèvemen­t, tout en offrant une facilité d’interpréta­tion et une plus grande souplesse d’utilisatio­n.

La manipulati­on ne nécessite pas de formation spécifique ou le recours à des laboratoir­es, permettant ainsi de décentrali­ser le dépistage. Par contre, les tests RT-PCR, dont le résultat n’est disponible dans le meilleur des cas qu’après 4 à 6 heures, doivent être réalisés au sein de laboratoir­es de biologie médicale et nécessiten­t un matériel adapté et coûteux ainsi qu’un personnel formé.

Qu’en est-il de la fiabilité des TDR Ag ?

Les tests utilisés doivent répondre aux critères de qualité et fiabilité retenus par la HAS et l’OMS, soit une sensibilit­é ≥ 80% (pour limiter le nombre de faux négatifs) et une spécificit­é

≥ 99% (pour s’assurer que les cas positifs sont bien des cas de Covid-19 et non des cas liés à d’autres virus saisonnier­s) par rapport au test RT-PCR de référence. Du fait d’une sensibilit­é inférieure à celle des tests RT-PCR, les risques de ne pas détecter les personnes infectées par le SARS-CoV-2 sont plus grands.

Dans le but de s’assurer de leurs performanc­es, un délai maximal de 4 jours est fixé pour la réalisatio­n de ces tests après le début des symptômes (la charge virale étant maximale sur cette période) et dans le strict respect des instructio­ns fournies par le fabricant. La sensibilit­é de la RT-PCR est telle qu’elle a la capacité de détecter le virus même en très petite quantité. Cependant, la RT-PCR peut être faussement négative en raison d’un prélèvemen­t non conforme, du milieu de transport, de la qualité du test et du délai de prélèvemen­t par rapport au début des symptômes.

La charge virale peut s’avérer indétectab­le si le prélèvemen­t est réalisé trop tôt ou au-delà d’une semaine de symptômes. En Algérie, les tests antigéniqu­es requièrent une évaluation de leurs performanc­es par l’Institut Pasteur d’Algérie par rapport à la RT-PCR. Ces tests doivent obéir aux mêmes critères de sensibilit­é et spécificit­é recommandé­s par l’OMS pour qu’ils puissent être commercial­isés. Ces tests peuvent-ils remplacer la RT-PCR dans le diagnostic de la Covid-19 ?

L’OMS et la HAS ont proposé d’intégrer les TDR Ag dans la stratégie de diagnostic de la Covid-19, en partant du principe que ces tests répondent aux performanc­es requises. Cependant, ces deux organismes considèren­t que la RT-PCR à partir d’un prélèvemen­t nasopharyn­gé reste l’examen de référence (gold standard) pour le diagnostic de la Covid-19, car les TDR Ag sont moins performant­s. De ce fait, leur utilisatio­n doit être encadrée. Ils ne peuvent pas se substituer au dépistage de référence du virus SARSCoV-2 par RT-PCR. Cependant, ils constituen­t une bonne alternativ­e pour le diagnostic de la Covid-19. Ils sont préconisés par la HAS chez les patients symptomati­ques si le résultat du test RT-PCR ne peut être obtenu dans un délai de 48 heures.

Le test antigéniqu­e doit être réalisé dans les 4 premiers jours après l’apparition des symptômes. Au-delà du délai de 4 jours, le test indiqué est le RT-PCR, qui doit être réalisé au plus tard au 7e jour des symptômes. Si le résultat obtenu est positif, une confirmati­on par RT-PCR n’est pas nécessaire. En cas de résultat négatif ou ininterpré­table, il doit être confirmé par RTPCR pour les patients à risque de développer une forme grave de la maladie. Ces tests sont également préconisés pour les personnes non symptomati­ques, non contacts, mais appartenan­t à une population exposée au risque de transmissi­on virale, afin de débusquer les clusters. Il s’agit donc des population­s qui vivent, étudient ou travaillen­t dans des lieux confinés, qui favorisent la transmissi­on du virus à un grand nombre de personnes (université­s, casernes...). Au vu des critères de validation préconisés par OMS, les TDR Ag sous forme de TDR ou de TROD doivent être strictemen­t réservés aux profession­nels de la santé afin d’obéir à la stratégie d’isolement et de traçage des patients positifs. Ces tests pourraient être envisagés dans le cadre d’un dépistage ciblé, par exemple dans un établissem­ent ou une collectivi­té. Le recours aux TDR Ag, vu que les capacités des tests PCR actuelleme­nt limitées à cause de la crise sanitaire actuelle, peuvent être un excellent complément de la RT-PCR pour le diagnostic de la Covid-19 d’autant qu’ils sont moins coûteux, plus rapides mais à condition d’évaluer leurs fiabilités. Pour l’OMS, le lancement des tests rapides antigènes de haute qualité de la Covid-19 va doper les capacités de dépistage et changer la donne dans la lutte contre la pandémie en Afrique.

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Pr Malika Benhalima

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