L’armée lance son offensive sur la capitale des dissidents
● Selon les Nations unies (ONU), le Soudan a besoin de 150 millions de dollars (125 millions d’euros) d’aide pour faire face au flot des réfugiés éthiopiens qui traversent sa frontière en provenance de la région dissidente du Tigré.
Des «tirs à l’arme lourde» ont touché hier Mekele, la capitale de la région dissidente du Tigré (nord), où l’armée éthiopienne mène une opération militaire, selon l’AFP citant les autorités locales et deux responsables humanitaires. Trois semaines après le début des combats, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a ordonné jeudi à l’armée d’enclencher la «dernière phase» de l’opération militaire démarrée le 4 novembre, en lançant une offensive sur Mekele, le fief des dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu’il combat. L’armée fédérale «a commencé à toucher avec des armes lourdes et de l’artillerie le centre de Mekele, qui abrite une importante population et des organisations de développement», ont déclaré les autorités tigréennes dans un communiqué diffusé hier à la télévision locale, Tigray TV. Le gouvernement local appelle la communauté internationale «à condamner les attaques d’artillerie et d’avions militaires et les massacres» commis sur «les civils et les infrastructures» par A. Abiy et le président érythréen, Issaias Afeworki, qu’il accuse d’aider AddisAbeba. Le gouvernement tigréen a promis «une réponse proportionnée».
Hier matin, l’armée éthiopienne a affirmé sur la radio-télévision Fana BC, affiliée au pouvoir, qu’elle contrôlerait dans «quelques jours» Mekele. Elle a déclaré contrôler plusieurs localités des environs, dont celle d’Agula, à moins de 40 km au nord de la capitale régionale, mais n’a pas précisé si des combats ont déjà lieu à Mekele. Vendredi, sur Tigray TV, les autorités tigréennes ont appelé leurs administrés à se battre, affirmant que l’armée fédérale bombardait leurs «villes et villages», y «infligeant de lourds dégâts».
INQUIÉTUDES
Inquiète d’une propagation du conflit à l’échelle régionale, la communauté internationale a également alerté sur de possibles «crimes de guerre» en Ethiopie et tenté de faire pression sur A. Abiy pour qu’il accepte une médiation. L’Union africaine (UA) a nommé dans cet esprit trois envoyés spéciaux, les anciens présidents mozambicain, Joaquim Chissano, libérien, Ellen Johnson-Sirleaf, et sud-africain, Kgalema Motlanthe. Après les avoir rencontrés vendredi, A. Abiy a exprimé sa «gratitude» mais rappelé que son gouvernement a «la responsabilité constitutionnelle de maintenir l’ordre (au Tigré) et à travers le pays». Par ailleurs, un responsable de l’Organisation des Nations unies (ONU) a déclaré hier que le Soudan a besoin de 150 millions de dollars (125 millions d’euros) d’aide pour faire face au flot des réfugiés éthiopiens qui traversent sa frontière en provenance de la région dissidente du Tigré. Le Soudan a accueilli plus de 43 000 réfugiés éthiopiens depuis le début du conflit. «Le Soudan a besoin de 150 millions de dollars pour six mois, afin de fournir à ces réfugiés de l’eau, des abris et des services de santé», a indiqué le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, lors d’une visite au camp d’Oum Raquba, à quelque 80 kilomètres de la frontière. Il a appelé «les donateurs à fournir ces fonds au Soudan dès que possible». De 500 à 600 réfugiés traversent encore la frontière chaque jour. Le Soudan cherche à leur fournir de l’aide alors qu’il lutte contre sa propre crise économique. Le pays traverse également une transition politique fragile depuis l’éviction, en avril 2019, de l’ex-président Omar El Béchir resté au pouvoir pendant 30 ans, après des protestations massives sans précédent contre son régime, déclenchées par les difficultés économiques. Environ 65% des quelque 42 millions de Soudanais vivent sous le seuil de pauvreté, selon les statistiques du gouvernement.
Les tensions entre A. Abiy et le TPLF, qui a dominé pendant près de trois décennies l’appareil politique et sécuritaire de l’Ethiopie, n’ont cessé de croître depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre en 2018. Elles se sont exacerbées avec l’organisation au Tigré en septembre d’un scrutin régional qualifié d’«illégitime» par AddisAbeba, puis avec l’attaque début novembre de deux bases de l’armée fédérale attribuée aux forces du TPLF. Ce que dément ce dernier.