Mobilisation exceptionnelle pour plus de liberté d’expression
Quelque 200 artistes cubains se sont rassemblés pendant des heures vendredi soir face au ministère de la Culture pour appeler à plus de liberté d’expression, et une délégation d’entre eux a fini par être reçue par le viceministre. Ce mouvement faisait suite à l’expulsion violente du collectif d’artistes San Isidro, qui réclamaient la libération d’un chanteur de rap emprisonné. Ces 14 jeunes Cubains, membres ou sympathisants du Mouvement San Isidro, un collectif d’artistes, d’universitaires et de journalistes, étaient retranchés depuis 10 jours dans leur local du centre historique de La Havane et une partie d’entre eux disaient être en grève de la faim. La mobilisation pacifique de vendredi, qui a duré plus d’une dizaine d’heures, agrémentée de lectures de poésies et de chant de l’hymne cubain, est exceptionnelle dans ce pays de gouvernement communiste où le droit à manifester n’est accordé que de façon très sporadique. Vers 21h00 (02h00 GMT samedi), une délégation de 30 représentants des manifestants ont été reçus par le vice-ministre Fernando Rojas, après avoir patienté depuis la mi-journée devant le siège du ministère. Cette réunion a duré cinq heures. «Ça a été un dialogue difficile sur tous
les thèmes», a commenté à la sortie l’artiste plasticienne Tania Brugueras, mais qui a permis «l’ouverture d’une voie de dialogue», avec notamment une rencontre prévue avec le ministre Alpidio Alonso la semaine prochaine. Parmi leurs revendications, approuvées par les artistes à main levée : la liberté de création et d’expression, le droit au désaccord et la fin de la répression et du harcèlement contre les artistes. A quelques dizaines de mètres, un grand nombre d’agents de la sécurité de l’Etat et de policiers en uniforme étaient en poste, mais sans intervenir, a constaté un journaliste de l’AFP.
«BESOIN DE LIBERTÉ»
«D’une certaine façon, nous n’avons pas beaucoup confiance, mais de l’autre, nous sentons que c’est notre obligation. Ce sont des fonctionnaires de ce pays et c’est devenu une situation politique», a déclaré à l’AFP un des manifestants, Michel Matos. «Nous avons besoin de la liberté de pensée et de la liberté d’expression, c’est ce
qui nous unit tous ici», a confié l’artiste plasticien Renier Leyva, 37 ans. Vendredi en début de soirée, l’acteur et réalisateur Jorge Perrugoria, connu pour son rôle dans Fraise et chocolat (1993), et Fernando Pérez, considéré comme le meilleur réalisateur cubain actuellement, se sont joints aux manifestants. «C’est le moment de dialoguer et je crois que vous, les jeunes, vous devez être écoutés», a déclaré Jorge Perrugoria, 55 ans. «Nous sommes ici pour dire au ministère de la Culture de vous recevoir, que cela va être le début d’un nouveau langage», a lancé Fernando Pérez, 76 ans. Jusquelà inconnu du grand public, le Mouvement San Isidro a gagné en notoriété, y compris au-delà des frontières, grâce à son action amplement diffusée en ligne.