Un des «hubs» mondiaux se prépare au transport du vaccin
Le stress monte à présent qu’on entre dans la phase chaude» des préparatifs de la distribution, explique, à l’AFP, Karin Krestan, responsable du centre pharmaceutique de la compagnie de fret Lufthansa Cargo.
Une fois approuvé par les autorités, une partie des millions de vaccins contre la Covid-19 passera par ici : la plus grande plaque tournante européenne du transport pharmaceutique à l’aéroport de Francfort, en Allemagne, pour ce qui s’annonce comme une campagne mondiale de vaccination sans précédent dans l’histoire humaine. Au total, le site possède 12 000 m2 climatisés réservés à ce type de produits et y a traité 120 000 tonnes de cargaison l’année passée. «Nous avons commencé de discuter au printemps de la manière de transporter au mieux les vaccins» contre le nouveau coronavirus, souligne Max Philipp Conrady, responsable fret chez Fraport, l’opérateur du premier aéroport allemand. «Nous étions prêts en août», ajoute-t-il.
TEMPÉRATURES GLACIALES
Derrière lui sur le tarmac, sous le ciel gris d’une fin novembre, des dizaines d’employés en gilet jaune déchargent à toute vitesse un Boeing 777 venu de Séoul. Alors que la pandémie a entraîné une chute sans précédent des vols passagers, le transport cargo a continué à être mis à contribution pour acheminer des équipements de protection et assurer les chaînes d’approvisionnement. Il va devenir bientôt crucial pour les campagnes de vaccination. Le «Cargo Cool Center» de Lufthansa dispose à lui seul de 8000 m2 pour les produits pharmaceutiques. Chaque jour, des tonnes de transitent déjà ici, sur des palettes ou dans des containers sous le bruit constant de la ventilation. «Les processus sont établis», affirme Mme Krestan, une ancienne infirmière,
«On se sent bien préparés», ajoute-t-elle. Dans une des pièces, réglée à 5 degrés, des vaccins contre la rougeole sont prêts à s’envoler. 2000 m2 sont disponibles à ces températures, a priori pour des vaccins de conception traditionnelle contre la Covid-19. Mais certains vaccins en préparation, comme celui des laboratoires allemand BioNTech et américain Pfizer, bien placé pour être autorisé dès décembre, doivent être transportés à -70 degrés. Ces températures glaciales s’obtiennent à l’intérieur de containers spéciaux grâce à des blocs de glace carbonique, du CO2 en forme solide avec une température de -78,9 degrés. Ainsi emballées, les doses peuvent être gardées à température constante en transit pendant une centaine d’heures avant de devoir recharger la batterie et le compartiment de glace, explique Mme Krestan.
15 000 VOLS
L’effet vaccin se répercute d’ailleurs jusqu’aux producteurs de congélateurs spécialisés, comme l’allemand Binder. L’entreprise, un des leaders du marché, a d’abord fourni les laboratoires, puis la logistique et travaille désormais avec les autorités pour équiper les centres de vaccination. «Nous travaillons H24,
nous recrutons des employés», indique à l’AFP Anne Lenze, chargée de la communication. Selon les simulations internes, l’aéroport de Francfort peut gérer en parallèle cinq avions transportant des produits pharmaceutiques, grâce à deux remorques réfrigérées supplémentaires. Car au-delà des températures, le volume exceptionnel de vaccin programmé représente «le plus grand défi jamais affronté» pour le secteur, selon l’Association internationale du transport aérien (IATA). Une dose de vaccin par personne sur terre remplirait l’équivalent de 8000 gros-porteurs cargo. Mais plus la réfrigération est importante, moins un avion peut en transporter. Une étude du cabinet McKinsey pour le géant logistique DHL estime ainsi que 15 000 vols seront nécessaires en deux ans pour transporter 10 milliards de doses. Plutôt que les halls climatisés, où les vaccins ne resteront généralement pas plus de «12 ou 24 heures», «le facteur limitant sera la place dans les avions», confirme Mme Krestan, même si, pour l’instant, les volumes exacts ainsi que les routes demandées ne sont pas connus. Le vaccin contre la Covid-19 occupera Francfort «principalement en 2021
toute l’année», selon M. Conrady, «mais il se dessine actuellement qu’une vaccination répétée sera nécessaire, ce qui veut dire qu’on devra transporter à nouveau des vaccins tous les ans ou deux ans».