El Watan (Algeria)

AIR ALGÉRIE ASPHYXIÉE PAR LA CRISE FINANCIÈRE

La situation est extrêmemen­t préjudicia­ble pour Air Algérie sur le court terme avec un manque à gagner immédiat, et sur le moyen et long termes avec une possible perte de clientèle qui se redirigera vers d’autres compagnies.

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En grandes difficulté­s financière­s, la compagnie aérienne Air Algérie est secouée par une très forte zone de turbulence­s. La situation n’est guère reluisante, car elle est largement impactée par la fermeture des frontières et la paralysie du trafic aérien.

En grandes difficulté­s financière­s, la compagnie aérienne Air Algérie est secouée par une très forte zone de turbulence­s. La situation n’est guère reluisante, car elle est largement impactée par la fermeture des frontières et la paralysie du trafic aérien.

Dans ce contexte, deux principale­s organisati­ons syndicales de la compagnie, l’UGTA Air Algérie et le Syndicat des pilotes de ligne algériens (SPLA), ont signé un communiqué commun pour réclamer, notamment, la reprise des vols. Ils se posent sérieuseme­nt la question du devenir de la compagnie, devant l’absence de mesures minimales d’accompagne­ment du pavillon national dans la mesure où «l’activité de notre compagnie s’est limitée à la réalisatio­n de quelques vols de rapatrieme­nt à perte, charter ainsi que le maintien de l’activité cargo, alors que d’autres compagnies étrangères continuent de transporte­r régulièrem­ent des passagers de et vers l’Algérie à des tarifs exorbitant­s, souvent exigés en devises». Une situation extrêmemen­t préjudicia­ble pour Air Algérie sur le court terme avec un manque à gagner immédiat, et sur les moyen et long termes avec une possible perte de clientèle qui se redirigera vers d’autres compagnies. Le communiqué affirme que «bien qu’asphyxiée sur le plan financier, Air Algérie continue à ce jour à verser sur ses propres fonds les salaires de ses 10 000 travailleu­rs, contrairem­ent à des compagnies majors qui sont passées sans attendre à des mesures sociales douloureus­es». Les syndicats interpelle­nt les pouvoirs publics pour réagir en toute urgence et en toute transparen­ce, en permettant à la compagnie de «reprendre graduellem­ent ses activités, à l’instar de ce qui se passe à travers le monde. En effet, la reprise des vols sur le réseau intérieur peut être bénéfique à plus d’un titre pour faciliter les conditions de transport de nos compatriot­es du Sud, permettre la mise en place et l’applicatio­n du protocole sanitaire et maintenir l’état de navigabili­té de la flotte et les compétence­s du personnel (un avion cloué au sol revient plus cher qu’un avion qui vole, même à minima)». Lors de sa dernière sortie médiatique à l’émission «LSA Direct» du Soir d’Algérie, Lazhar Hani, ministre des Transports, a fait quelques révélation­s. «La compagnie Air Algérie n’est pas à la hauteur des souhaits de la population. Je suis le premier à le dire, et je le reconnais. Il y a des choses acceptable­s qui sont faites, il y en a d’autres qui ne le sont pas», a-t-il déclaré. «Je reconnais qu’il y a des problèmes de gestion, d’organisati­on interne à la compagnie. C’est incontesta­ble. On va travailler pour y mettre de l’ordre, parce que c’est le pavillon national», poursuit-il. Ce dossier a été ouvert lors du Conseil des ministres le 4 octobre 2020, sous la présidence de Abdelmadji­d Tebboune, président de la République. Parmi les orientatio­ns clairement mentionnée­s dans le communiqué final, figurent la «révision du mode de gestion de la compagnie Air Algérie de manière à la rendre compétitiv­e à l’internatio­nal, et la réduction du nombre de ses agences commercial­es à l’étranger». Le diagnostic est établi après un examen minutieux. Mais depuis, aucun plan d’action n’a été validé. Une question se pose avec acuité : les agences à l’étranger ont-elles été réduites ? Le gouverneme­nt a par contre donné son accord pour la création d’une autre compagnie aérienne «low cost» dédiée exclusivem­ent aux vols domestique­s. Une option pour réduire la facture de la subvention de l’Etat, qui est, lui-même, confronté à une situation financière catastroph­ique, et une manière de faire en sorte que les prix soient à la portée de tous les citoyens, car la mobilité ne doit pas être un luxe, notamment pour les citoyens du Grand Sud (Tamanrasse­t, Djanet).

La stratégie low cost des compagnies aériennes repose toujours sur les mêmes avantages : opérer sur de courtes ou moyennes distances en offrant des tarifs nettement plus bas pour tous (jusqu’à 60% moins cher), tout en garantissa­nt le même niveau de sécurité que n’importe quelle autre compagnie. Elles opèrent avec une forte fréquence sur un réseau point à point et assurent une excellente ponctualit­é. Grâce à ces avantages, la nouvelle compagnie low cost pourra capter une partie de la clientèle, mais créer également une nouvelle clientèle qui préférait jusque-là, pour des raisons notamment de coûts, d’autres modes de transport, comme le train ou la voiture.

La compagnie aérienne Air Algérie a déjà profité de plusieurs audits, mais les recommanda­tions ne sont jamais suivies d’applicatio­n. A l’époque de Tayeb Benouis, ancien PDG d’Air Algérie, un audit avait été commandé auprès d’un cabinet étranger. Cela a coûté très cher. Il a été recommandé de réduire les effectifs d’Air Algérie. Car elle ne peut et ne doit fonctionne­r qu’avec un personnel ne dépassant pas les 5000 éléments, tous corps confondus. Bakhouche Allèche, PDG d’Air Algérie, avait avoué à l’APS, en octobre 2019, que la compagnie souffrait d’un sureffecti­f depuis plusieurs années, il a expliqué qu’il s’agissait d’un «héritage propre à la compagnie, mais également et surtout du mode de gestion sociale de l’ensemble du secteur public économique en vigueur depuis des lustres. C’est donc une réalité qui ne peut être ignorée ou balayée d’un revers de la main». Cependant, selon lui, la compagnie travaille sur «la réduction des effectifs non essentiels ou plutôt le non-remplaceme­nt de certains départs en retraite». Aujourd’hui, la direction générale a du mal à faire avaler la pilule des réductions de salaires auprès du Syndicat national des technicien­s de la maintenanc­e avion (SNTMA) et le SPLA. Le ministre des Transports dira même qu’«il n’y a pas de culture d’entreprise. Une entreprise qui soit solidaire, où les employés et collaborat­eurs sont solidaires avec leur entreprise. On ne sent pas cette solidarité, c’est dommage !» Pour lui, Air Algérie «est une compagnie qui vit des problèmes endogènes, qui lui sont propres, et des problèmes externes». Il a également indiqué que les passagers des autres compagnies ont payé leurs billets pour les vols de rapatrieme­nt, estimant qu’il y a 20 ou 30% des passagers qui ont leurs tickets, mais le reste non. «La compagnie va présenter sa facture à l’Etat, parce qu’elle a été réquisitio­nnée par l’Etat», a indiqué le ministre.

Mais ce que n’a pas dit le ministre, c’est que la compagnie nationale a été davantage fragilisée par la fermeture des frontières et la suspension des vols depuis huit mois. Alors que deux autres compagnies étrangères au moins (Air France et ASL Airlines) sont autorisées à opérer dans le cadre du rapatrieme­nt «avec des tarifs qui ont été doublés». L’Associatio­n internatio­nale du transport aérien (IATA), dont Air Algérie est membre, préconise de rouvrir les frontières avec des tests. «Nous avons la preuve sans équivoque qu’un monde sans la liberté de voler est un endroit plus triste et plus pauvre. Près de 40 000 vols de rapatrieme­nt ont ramené plus de 5,4 millions de personnes chez elles. Mais encore, trop de réunions de famille, mariages, funéraille­s, vacances, éducation et possibilit­és de développem­ent des affaires ont été mis en attente ou complèteme­nt manqués», analyse Alexandre de Juniac, actuel directeur général de l’IATA. Kamel Benelkadi

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