Deux peines de 15 ans de prison ferme et un mandat de dépôt
Alors que les verdicts de ses deux procès sont prévus le 8 décembre prochain, l’ancien wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, devra être jugé, le même jour, l’affaire liée aux biens fonciers accordés à Ali Haddad, a été ajournée, tard dans la soirée de samedi à dimanche (hier, ndlr) Une peine de 15 ans de prison ferme, assortie d’une amende d’un million de dinars, de la confiscation de ses biens et un mandat de dépôt à l’audience a été requise à son encontre.
Les deux premiers procès de l’exwali d’Alger, Abdelkader Zoukh, liés aux biens fonciers accordés aux enfants et à l’épouse de l’ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, et à Mahieddine Tahkout, patron du groupe Cima Motors, se sont terminés à une heure tardive de la nuit de samedi à dimanche, obligeant le président du tribunal de Tipasa à renvoyer la troisième affaire, liée aux «indus avantages» accordés à Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, au 8 décembre prochain.
Le premier procès a concerné les biens accordés sur «instruction» de Zoukh aux membres de la famille Hamel. Il s’agit de deux appartements (l’un social et l’autre LSP) affectés respectivement à Chafik et Chahinez Hamel, laquelle a bénéficié d’une concession industrielle de 7000 m2 à Bab Ezzouar, pour la réalisation d’un hôtel et d’une tour d’affaires, ainsi que l’octroi à Mme Hamel de locaux commerciaux d’une superficie totale de plus de 700 m2, à Ouled Fayet, pour en faire une crèche. L’enquête judiciaire a relevé de nombreuses violations de la procédure de l’acquisition de ces biens, mais au cours du procès, l’ex-wali a nié avoir donné «une quelconque directive», révélant cependant avoir été sollicité (à travers un appel téléphonique) par Abdelghani Hamel pour le projet de sa fille et le logement de son fils, mais Hamel a nié, en reconnaissant juste un appel téléphonique, durant lequel il a demandé à l’ex-wali «la procédure d’obtention d’une concession industrielle» pour Chahinez. Deux témoins ont confondu l’ex-wali. D’abord, l’ancien directeur général de l’Office de promotion et de gestion immobilière (OPGI), Mohamed Rehaimia, qui a affirmé avoir attribué le logement de Bab Ezzouar à Chafik Hamel sur instruction de Zoukh et il en est de même pour les locaux affectés à Mme Hamel. Le deuxième témoin est l’ancien responsable de l’Agerfa (Agence de gestion et de régulation foncière d’Alger), Yazid Baka, qui a déclaré que sur «instruction de
Zoukh, les plaintes déposées contre Ali Haddad, Mahieddine Tahkout, Faderco et Saim Immo ont été bloquées et le paiement des redevances ainsi que des frais de viabilisation des concessions a été ajourné, y compris pour la société Easy-Construction de Chahinez Hamel.» Zoukh s’est défendu en renvoyant la balle vers «les membres du guichet unique et les hommes d’affaires qui m’ont trahi». Mais le procureur le présente comme «principal responsable de la dilapidation des deniers publics due aux nombreuses violations de la loi, relevées par l’enquête». Il a requis contre lui une peine de 15 ans de prison ferme, assortie d’une amende d’un million de dinars et la confiscation de tous ses biens.
«LES HOMMES D’AFFAIRES ET LES CADRES M’ONT TRAHI»
La défense de Zoukh y a vu «un acharnement et une enquête à charge». Pour elle, «tous les faits reposent sur les déclarations d’un seul témoin» et, de ce fait, elle a demandé la relaxe. En prenant la parole, Zoukh a juré trois fois : «Je ne suis pas un corrompu. J’ai moi-même lutté contre la corruption.» Le deuxième procès est lié aux nombreux terrains accordés à l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout, à Rouiba, Réghaïa et Zéralda, et les marchés de transport suburbain qu’il a obtenus «grâce» à l’ex-wali. Là aussi, ce dernier n’a pas cessé de renvoyer la balle vers les responsables des autres services qui, selon lui, ne sont pas présents. «Ils ne m’ont pas informé des anomalies. Je ne l’ai su qu’une fois chez les gendarmes. Ces cadres m’ont trahi (…). Je croyais avoir affaire à des hommes d’affaires créateurs d’emplois et de richesse, mais ils m’ont trahi», a-t-il lancé au juge. Le juge l’a interrogé sur les permis de construire accordés à Tahkout, alors qu’il n’avait même pas obtenu les actes des concessions, et Zoukh n’a cessé de répondre : «La responsabilité incombe aux membres du guichet unique. Moi, je n’ai fait que signer ce qui a été validé par eux. Interrogez les responsables des Domaines et du Cadastre. Pourquoi ne sont-ils pas ici avec moi ?» La liste des concessions obtenues par Tahkout est trop longue et les montants des redevances et des frais de viabilisation «sont colossaux», alors que les réalisations «se limitent à la construction d’un siège pour le groupe Cima Motors, de Showrooms et de parkings pour les bus et les taxis de Kirikoum. Pensezvous que ce genre d’investissement est rentable ?» a lancé le juge.
L’ex-wali ne cessait de répliquer : «Je ne savais pas. Il y a des services chargés du contrôle. Posez la question aux domaines et à l’inspection.» Et le magistrat : «Vous avez accordé plus de 28 000 m2 à Rouiba pour une unité d’entretien, sept projets non réalisés sans mises en demeure, l’octroi de 16 000 m2 à Réghaïa malgré l’opposition de Sonelgaz et la Protection civile, 57 000 m2 à Bab Ezzouar pour un parking de bus.» Visiblement atterré, le prévenu n’a pas répondu. Et le magistrat a continué : «Cela, sans compter le préjudice financier causé aux services des Domaines et à l’Agerfa.» Le prévenu : «Il a introduit des recours. On pensait que c’était son droit. Les responsables sont au niveau du guichet unique.» Le magistrat : «Vous avez même accordé un terrain traversé par des rails !» Zoukh : «Ce dossier a été déposé à la direction de l’industrie, qui l’a validé. On ne m’a pas dit qu’il y avait des rails.» Le juge : «Tahkout n’a pas payé ses redevances durant 5 ans et n’a rien réalisé.» Zoukh : «Je ne sais pas.» Le juge : «Vous avez demandé l’octroi de 300 bus et fait pression sur l’Etusa pour qu’elle opte pour Tahkout.» Zoukh : «Je jure que je ne l’ai pas fait. J’ai écrit au ministère pour demander l’autorisation de recourir à la location de bus pour juguler le transport sururbain dans les nouvelles cités. Je n’ai jamais évoqué le nom de Tahkout.» Appelé à la barre, l’ex-ministre des Travaux publics et des Transports, Abdelghani Zaalane, a confirmé que la lettre de Zoukh était une demande pour l’autorisation de location de 300 bus, et l’Etusa a ouvert une brèche pour permettre, à travers le cahier des charges, aux petites sociétés de transport de postuler en groupements. «Cependant, par la suite, j’ai appris que c’est l’entreprise de Tahkout qui a eu le marché.»
Mahieddine Tahkout dément tous les faits. Auditionné en tant que témoin à partir de la prison de Babar à Kenchela, par visioconférence, il n’a cessé de déclarer avoir «réalisé tous ses projets» et que les révisions à la baisse des redevances des droits de concession «ont été obtenues à la suite de recours légaux». Après avoir entendu le fils et les trois frères de Tahkout, le représentant du Trésor public a réclamé 10 millions de dinars pour préjudice, alors que le procureur a requis une peine de 15 ans de prison ferme, assortie d’une amende d’un million de dinars, la confiscation des biens et la mise sous mandat de dépôt.
La défense de Zoukh a beaucoup insisté sur «le caractère partial» de l’enquête «qui n’a repris que ce qui est à charge», et surtout «l’acharnement qu’a subi Zoukh». Elle clame son innocence. Le juge a renvoyé le délibéré au 8 décembre prochain et décidé d’ajourner la troisième affaire liée aux avantages accordés à Ali Haddad pour la même date.