Trois ans de prison ferme requis par le parquet
Le procureur de la République près la chambre correctionnelle du tribunal de Koléa (Tipasa) a requis, hier, trois ans de prison ferme, assortie d’une amende de 100 000 dinars, ainsi que la saisie de tous les biens confisqués à l’encontre de Karim Tabbou, porte-parole de l’Union démocratique et sociale (UDS), parti non agréé. Il s’agit de la première affaire de l’homme politique – il a été condamné dans la deuxième affaire à douze mois de prison ferme – pour laquelle il a été arrêté le 11 septembre 2019 pour le chef d’accusation d’«atteinte au moral de l’armée», avant qu’il ne soit remis en liberté le 25 du même mois, avec mise sous contrôle judiciaire. Les multiples demandes formulées par ses avocats pour la levée de cette dernière mesure ont toutes été rejetées. Le procès d’hier s’est tenu donc après plusieurs renvois, sept plus précisément (6 avril, 27 avril, 1er juin, 29 juin, 14 septembre, 26 octobre et le 16 novembre). Pour le représentant du parquet, les déclarations de Tabbou, en mai 2019, pour lesquelles il est poursuivi, «étaient dangereuses et destinées à l’opinion publique nationale avec toutes ses composantes dans un contexte politique sensible traversé par l’Algérie». Il a ajouté que «le procès et le réquisitoire sont fondés sur des faits dangereux, loin de toute surenchère». Karim Tabbou a estimé qu’il ne pourrait accepter des accusations d’«atteinte à la défense nationale, menace de l’unité nationale et atteinte au moral de l’armée». S’exprimant sur son procès avant le début de l’audience, il a déclaré que «toutes ces affaires (il évoquait l’emprisonnement des différents militants et activistes et pas spécialement son affaire à lui, ndlr) c’est pour faire peur et casser la dynamique». L’un des membres du collectif de défense, Me Hakim Saheb, a indiqué sur sa page Facebook que Tabbou est «poursuivi en vertu d’un acte d’accusation du 12 septembre 2019, pour des faits qui remontent pour ses propos politiques tenus lors du meeting qu’il avait animé le 8 mai 2019». «Signe des temps, les chefs d’inculpation sont des stéréotypes aussi iniques qu’injustes qui s’inscrivent en droite ligne des procès staliniens qui nous rappellent, à bien des égards, les procès politiques qui ont ciblé au temps du parti unique de nombreux patriotes et opposants du régime», assène-t-il.
«NULLITÉ DES PROCÉDURES»
A noter que la défense de Tabbou avait demandé la «nullité des procédures de poursuite judiciaire et du procès» puisque «il a été déjà jugé dans cette affaire», comme elle a réclamé la «nullité de la mesure de mise sous contrôle judiciaire». La juge a rejeté la requête de la défense «relative à la nullité des mesures». Néanmoins, elle a accepté celle en lien avec «la non-constitutionnalité» des articles 74 (constitution de partie civile) et 79 (perquisitions) du code de procédure pénale sur lesquels s’est appuyé le parquet dans cette affaire. Donc, le tribunal de Koléa va présenter une requête à ce sujet à la Cour suprême. Jusqu’en début de soirée d’hier, les plaidoiries des avocats, une trentaine, se poursuivaient toujours.
Le verdict sera probablement prononcé la semaine prochaine. Il faut rappeler, en dernier lieu, que dans la deuxième affaire, celle relative à son arrestation le 26 septembre 2019 (après avoir été libéré la veille par le tribunal de Koléa et mis sous contrôle judiciaire) suite à un mandat d’arrêt émis par le tribunal de Sidi M’hamed(Alger) qui l’a placé sous mandat de dépôt, Tabbou avait été condamné, en appel, le 24 mars, à un an de prison ferme. En première instance, il avait été condamné, quelques jours plus tôt (le 11 mars) à un an de prison dont six mois avec sursis pour «atteinte à l’unité nationale». Son procès en appel (et le prolongement de son incarcération) avait été programmé donc deux jours avant de purger sa peine initiale. En prison donc depuis le 26 septembre, la justice a fini par le libérer le 2 juillet dernier (libération provisoire).