Les saisies de psychotropes en hausse
De pays de transit, l’Algérie est passé ces dernières années à pays consommateur de drogue, en particulier le cannabis et les psychotropes, de l’aveu même des officiels. Le phénomène prend des proportions alarmantes, en dépit des efforts menés par les services de sécurité et les campagnes de sensibilisation. Les services de la police judiciaire de la Sûreté nationale ont saisi, durant les 8 premiers mois de l’année 2000, près de deux millions de comprimés psychotropes, selon un récent bilan de la Direction générale de la Sûreté nationale. Un autre bilan de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT) a fait état de la saisie de 1,2 million de comprimés psychotropes durant le premier semestre de l’année 2019. Les saisies de psychotropes ont connu une augmentation de 25,5% durant les quatre premiers mois de l’année 2018, passant de 467 324 à 586 904 comprimés, dont 13,2% saisis à l’ouest du pays, selon l’ONLDT. «Nous constatons actuellement que les jeunes se penchent beaucoup plus sur la consommation des psychotropes par rapport aux années précédentes, où ces derniers consommaient le cannabis», a affirmé en octobre dernier Bouzarti Noureddine, responsable au sein de l’ONLDT. L’Algérie a adopté une stratégie nationale 2020-2024 destinée à lutter contre la drogue, supervisée par l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie et mise en oeuvre avec la contribution de tous les secteurs et les ministères concernés, en plus des services de sécurité et de la société civile. Cette approche ne fait pas l’unanimité auprès des associations et des spécialistes de santé. Le président de la Forem, Mustapha Khiati, avait réclamé récemment la révision de la stratégie nationale, car «la situation est préoccupante au regard des paramètres existants». Il avait plaidé pour «un autre modèle» de lutte contre la progression de la consommation des différents types de drogue, à commencer par placer l’Office national de lutte contre les drogues, créé en 2002, sous la tutelle du Premier ministère et non pas de celle de la Justice, laquelle «ne peut être juge et partie». «Comme partout ailleurs, la lutte contre la drogue est menée par une structure supra-ministérielle et, en Algérie, la question concerne pas moins de 24 départements ministériels dont il faut coordonner les efforts», a-t-il estimé, déplorant le choix «coûteux» des pouvoirs publics pour des Centres de consultation et de prise en charge des addictions, dont l’efficacité est «moindre». «En matière de lutte contre les conduites addictives — les toxicomanies —, il y a beaucoup de reproches à faire aux pouvoirs publics algériens. Ils ont fait preuve de cécité et n’ont pas vu le passage de notre pays d’un territoire de transit des stupéfiants à un potentiel marché juteux. Une population jeune et en difficulté sociale constitue la proie idéale des trafiquants. Nous y sommes aujourd’hui, la consommation de psychotropes n’est que l’arbre qui cache la forêt», a déploré, pour sa part, Dr Mahmoud Boudarène, psychiatre et docteur en sciences biomédicale, dans une contribution publiée en mars dernier sur le journal Liberté. «Si l’Etat veut réellement venir à bout de ce fléau, il doit s’atteler d’abord à lutter contre les raisons qui amènent les sujets à s’abîmer dans la drogue et contre celles qui amènent les autres à se livrer à ce marché ; il doit sans doute s’attaquer au terreau qui fait le lit du phénomène : la malvie de la jeunesse, le chômage et la pauvreté, l’injustice sociale et le mépris dont est victime cette importante frange de la population et la tristesse de l’existence de l’Algérien en général» a-t-il plaidé. H. L.