DANS LA LIGNÉE DE PAPON
Depuis 2005, lors des émeutes dans les banlieues, la violence raciste de certains policiers est régulièrement montrée du doigt. Dans une tribune publiée par Libération, plusieurs personnalités dénoncent une «police française gangrenée par les fléaux du racisme et de la violence». Le dernier fait de violences contre un Noir à Paris, suite d’une longue liste «illustre une fois de plus les fléaux qui gangrènent la police : le racisme et l’impunité qui entourent les agents qui l’expriment, pour peu qu’ils aient le bon goût de ne pas le faire devant des caméras indiscrètes. Comme il faut se sentir sûr de soi et soutenu par toute une institution, tout un corps, tout un discours déjà rodé pour se dire que l’on peut s’avilir au point d’oublier que l’uniforme représente l’autorité de la République et de se comporter alors en voyou ivre de racisme !». Pour les rédacteurs, «la violence raciste qui s’est abattue sur Michel Zecler n’est pas une violence isolée… Elle montre l’ampleur des problèmes de racisme et de violences au sein de la police et leurs inévitables alliés : le silence complice des collègues et le déni de trop de syndicats policiers, de la hiérarchie policière, du ministère de l’Intérieur et plus généralement des pouvoirs publics. «Au final, la France… est sans doute l’un de ceux qui, parmi les grandes démocraties occidentales, ont nié avec le plus de constance et d’abnégation une réalité que même ses négateurs connaissent». Racisme, discrimination, cela renvoie inévitablement à tout un pan des forces de l’ordre qui appointerait à l’extrême-droite ou qui serait largement sensibilisé à ses thèses.
«LA SUR-REPRÉSENTATION D’UN VOTE DE DROITE»
Médiapart avait publié, en 2017, un blog titré sur «le poids de l’extrême droite dans les forces de l’ordre». On pouvait y lire ce paragraphe : «Bien sûr de par sa fonction au sein de la société : garantes de l’ordre et de l’application des lois et détentrices du monopole de la violence d’Etat, les forces de l’ordre sont plus sujettes à attirer des gens qui ont ce type de convictions. Il ne faut donc pas s’étonner de la surreprésentation d’un vote de droite et d’extrême droite en son sein et de l’intérêt que lui ont porté les mouvements et les militants d’extrême droite».
Le blog rappelait aussi un élément dans l’enquête sur les attentats terroristes de 2015, élément qui a affleuré cette année lors du procès du massacre de Charlie Hebdo : «Les faits divers policiers regorgent d’exemples de ces histoires d’amour entre FAFS [ndlr : fascistes] et policiers comme en témoigne l’affaire des trafiquants d’armes d’extrême droite qui ont fourni les armes au terroriste du 13 novembre grâce à la protection que leur offrait leur amis des forces de l’ordre. Si les liens d’amitié entre militants d’extrême droite et policiers sont monnaie courante, la police est aussi travaillée plus en profondeur par les organisations de l’extrême droite radicale».
PAPON AUX POLICIERS LE 17 OCTOBRE 1961 : «VOUS SEREZ COUVERTS»
L’éditorialiste du Monde prend une plume acerbe en s’étonnant que la hiérarchie «couvre» les mauvais comportements, rappelant la répression du 17 octobre 1961, que le plus haut sommet de l’Etat a recouvert de silence pesant : «L’histoire le montre : le comportement des policiers dépend largement des ordres qui leur sont donnés, de la fermeté des rappels aux procédures et au droit, de l’impunité promise ou non. ‘‘Vous serez couverts’’, déclarait aux policiers parisiens le préfet Maurice Papon quelques jours avant le massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961 (…) Lundi, à Paris, dans un tout autre contexte, c’est un commissaire divisionnaire, haut gradé de la brigade anticriminalité de Seine-Saint-Denis, qui fait un croche-pied à un manifestant. C’est le préfet Lallement qui couvre une opération où des hommes entraînés pour courir après des délinquants sont chargés d’évacuer des migrants installés dans des tentes et au cours de laquelle un journaliste est molesté».
Hélas, estime Le Monde, «la police, dont M. Darmanin s’affirme fièrement le patron, ne peut évidemment pas être jugée globalement à l’aune des faits qui déconsidèrent certains de ses membres. Ceux-là semblent en roue libre, livrés aux démons d’une violence sans garde-fous et d’un racisme débridé, signant des PV mensongers, ignorant qu’ils sont filmés et se croyant ‘‘couverts’’».