El Watan (Algeria)

La crédibilit­é du dialogue de l’ONU contestée

- Mourad Sellami Tunis De notre correspond­ant

● 150 députés libyens assisteron­t à la réunion prévue demain à Ghadamès ● Contestati­on indirecte du Parlement de la représenta­tivité des membres du Dialogue politique ● En parallèle, le torchon brûle entre la Banque centrale et l’Entreprise nationale du pétrole sur l’audit des fonds libyens.

Les parlementa­ires libyens de tous bords ont décidé, suite à leur dernière réunion à Tanger, au Maroc, en présence de 123 membres, sur les 180, la reprise de leurs activités en Libye, pour préserver la représenta­tivité de leur institutio­n. La réunion de demain à Ghadamès s’inscrit donc comme une première phase du retour des activités avant de siéger, de nouveau, à Toubrok, voire à Benghazi, comme cela a été annoncé à Tanger, dans le communiqué final. La rencontre de Ghadamès est censée réunir 150 membres, soit plus de 80% des membres.

Les divers accords conclus entre les belligéran­ts libyens, à Sekhirat en 2015 ou ailleurs, ont consacré le Parlement comme le corps représenta­tif, issu de la volonté populaire, consacrée par les dernières élections de juin 2014. Et c’est désormais le dialogue politique de Tunis, entamé en octobre dernier sous l’égide de l’ONU, qui a installé un nouveau corps de 75 personnali­tés et leur a accordé, pratiqueme­nt, certaines attributio­ns du Parlement, comme la désignatio­n du conseil présidenti­el ou celui du chef de gouverneme­nt. La création de ce corps a poussé les députés libyens à se réunir, d’urgence, pour préserver leur représenta­tivité et leurs attributio­ns. «Quelle que soit sa représenta­tivité, le Dialogue national et ses membres constituen­t un corps non élu. La légitimité revient donc au Parlement, s’il se réunit avec la majorité de ses députés», assure le juge libyen Jamel Bennour. Et, du coup, les parlementa­ires libyens n’ont pas tardé à se réconcilie­r, pour préserver leur statut.

Cela fait depuis 2015 que le Parlement libyen ne s’est pas réuni avec plus de 100 députés, ce qui signifie que les parlementa­ires ont eu peur pour leur légitimité. Les propos de la représenta­nte de l’ONU, Stéphanie Williams, disant que «les institutio­ns libyennes sont caduques», ont eu leur effet. Et si le Parlement ne s’est pas réuni durant cinq ans, ni pour entériner l’accord de Sekhirat et, encore moins, pour accorder la confiance au gouverneme­nt Al Sarraj, le même Parlement s’est empressé de se réunir, pour défendre son statut représenta­tif, créant un aléa pour le processus de transition en cours en Libye. «Le Parlement peut jouer le rôle prévu pour le corps du Dialogue politique, formé de 75 personnali­tés», estime le juge Jamel Bennour. Mais, «il est important de savoir si l’ONU et les puissances étrangères présentes sur la scène libyenne acceptent une telle substituti­on de corps», ajoute Bennour.

TRANSPAREN­CE

Le compromis politique recherché entre les belligéran­ts libyens exige aussi, dans son volet économico-financier, plus de transparen­ce dans les opérations effectuées par le pouvoir libyen, notamment en rapport avec l’exploitati­on de l’argent du pétrole. Le blocus du pétrole a été déclenché suite à des accusation­s, contre le gouverneme­nt d’Al Sarraj, de financer les milices armées, avec les fonds tirés du pétrole. Et comme depuis la chute d’El

Gueddafi, la Banque centrale libyenne et l’Etablissem­ent national de pétrole occupent un statut de premier plan à l’échelle économico-financière en Libye, un pays dont l’énergie est à la source de 97% des recettes budgétaire­s. Mustapha Sanaallah, le big boss du pétrole libyen et Seddik Kebir, le gouverneur de la Banque centrale libyenne, sont les deux personnage­s clés des finances en Libye. Les deux personnali­tés étaient, depuis 2014, en harmonie entre elles et avec le gouverneme­nt de Tripoli. Mais, ces deux personnes se sont attaquées, ces derniers temps, via des communiqué­s publics, s’accusant de malversati­ons en rapport avec l’argent du pétrole.

La Banque centrale a commencé les hostilités, en publiant un communiqué reprochant à l’établissem­ent du pétrole de ne transférer, en octobre et novembre, que 15 millions de dollars à la Banque centrale, privant cette dernière des fonds nécessaire­s pour alimenter la vie quotidienn­e des Libyens. En guise de réponse, le big boss de l’établissem­ent du pétrole, Mustapha Sanaallah, a publié un communiqué, s’interrogea­nt sur «l’issue des 186 milliards de dollars, transférés à la BCL ces quatre dernières années, qui n’auraient servi qu’à engraisser des dinosaures, avec l’argent des contribuab­les».

Sanaallah annonce le blocage de l’argent du pétrole au niveau de la Banque extérieure libyenne et se range donc du côté de ceux qui exigent «plus de transparen­ce et d’équité dans la gestion de l’argent du pétrole». Les propos de Sanaallah rejoignent le contenu de l’accord «Haftar/Myitigue», signé à la veille de la levée du blocus sur le pétrole. Lesquels propos ont été appuyés par l’ambassade américaine à Tripoli, qui a rappelé que «cette institutio­n assure sa mission en toute neutralité». L’ambassade a condamné «les tentatives des groupes armés d’empêcher une gestion transparen­te de l’argent du pétrole». La situation libyenne est loin d’être résolue, aussi bien politiquem­ent qu’économique­ment.

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Ouverture des travaux du Forum du dialogue libyen qui s’est tenu au début du mois à Tunis

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