Le trafic de psychotropes bat son plein
● Depuis le début de l’année, plus d’un million de comprimés ont été saisis à Tébessa par les services de la police, de la Gendarmerie et des Douanes algériennes.
S’il y a un trafic qui a pris des proportions très inquiétantes et alarmantes durant la crise sanitaire, c’est sans doute celui des psychotropes. Un phénomène qui a pris de l’ampleur, ces derniers temps, du côté de nos frontières avec la Tunisie. Des médicaments antiépileptiques, destinés au traitement de certaines maladies psychiatriques et autres, déviés de leur usage initial sont écoulés par des réseaux de trafiquants parmi la frange juvénile, à travers le territoire algérien. Depuis le début de l’année en cours, plus d’un million de comprimés psychotropes, allant inonder le marché parallèle à Tébessa et le reste des wilayas de l’Algérie, ont été saisis par les différents services de sécurité à Tébessa, selon les chiffres de la police anti-stupéfiants, la Gendarmerie nationale et les Douanes algériennes. Rien que durant la semaine écoulée, les éléments de la police judiciaire de la sûreté de wilaya ont réussi à démanteler un réseau international composé d’Algériens et de Tunisiens. Plus de 250 000 comprimés psychotropes ont été saisis à bord d’un véhicule. L’enquête a révélé que ces dealers activaient depuis la Tunisie, jusqu’au Maroc en passant par le territoire algérien. Au mois de juin dernier, profitant du confinement, des narcotrafiquants ont tenté de faire passer via les frontières plus de 400 000 comprimés de Prégabaline 150 mg, mais leur tentative fut avortée par les services de sécurité. Des saisies qui viennent illustrer que la Tunisie s’est transformée en une base arrière pour les trafiquants de ces substances, dont la vente est soumise à une réglementation stricte en Algérie. La wilaya de Tébessa, de par sa position géographique avec une bande frontalière de plus 300 km, est devenue un carrefour par excellence pour le transit vers le reste des régions du pays jusqu’aux frontières ouest. La consommation de psychotropes à des fins récréatives est en nette recrudescence chez les étudiants et même chez les élèves du secondaire et du moyen.
PLUSIEURS RÉSEAUX DÉMANTELÉS EN TUNISIE
La Garde nationale tunisienne a réussi le 9 novembre dernier à démanteler un réseau spécialisé dans la contrebande de comprimés psychotropes vers l’Algérie dans le gouvernorat de Ben Arous, d’après un journal électronique tunisien. Cette brigade de recherche et d’investigation a arrêté 9 personnes, dont un Algérien et une préparatrice en pharmacie en leur possession plus de 1560 comprimés de stupéfiants destinés pour l’Algérie. Les suspects interpellés ont reconnu travailler en étroite coordination avec des réseaux algériens à qui ils fournissaient ces produits. Au mois de février dernier, trois individus, dont un médecin exerçant dans un hôpital public à Ghardimaou, en Tunisie, et un Algérien, ont été arrêtés par la police tunisienne. Suite à une fouille corporelle, il a été retrouvé en leur possession une quantité de «Lyrica» (un psychotrope puissant) destinée à être écoulée en Algérie. Lors de cette opération, des ordonnances prescrites par des médecins algériens et tunisiens ont été retrouvées sur les deux suspects.
DES MÉDECINS ET DES PHARMACIENS IMPLIQUÉS
En 2019, les autorités douanières du bureau du poste-frontière de Melloula, à Tabarka, ont réussi à saisir une importante quantité de neuroleptiques dissimulée dans la voiture d’un voyageur algérien en train d’achever les procédures de sortie du territoire tunisien. La semaine écoulée, un médecin spécialiste, exerçant à l’hôpital Allia Salah de la ville de Tébessa, a été interpellé par la police pour avoir prescrit d’une manière douteuse un médicament antiépileptique à des patients. Avant cela, un infirmier a été écroué pour avoir pris sans ordonnance de la pharmacie centrale de l’établissement hospitalier où il travaillait des tablettes de Rivotril, qui seront vendues à un jeune universitaire. Des narcotrafiquants arrêtés avaient en leur possession des ordonnances dans lesquelles des comprimés psychotropes et des solutions hallucinogènes sont prescrits pour des malades fictifs. Seulement, sur ces ordonnances on y trouve uniquement la griffe du médecin traitant et le cachet de l’établissement hospitalier, ce qui laisse soupçonner qu’il y a complicité de ces médecins. Un autre élément important a été révélé lors des enquêtes, c’est que ces malfaiteurs s’approvisionnaient auprès des mêmes pharmacies, ceci montre clairement la complicité de médecins, de pharmaciens, de cadres médicaux et de paramédicaux. Chose qui a favorisé la vente illicite et l’écoulement à grande échelle de ce produit auprès des particuliers, en dépit de toutes ces saisies qui ne dépasseraient pas les 10% de ce qui existe réellement sur le marché, selon un membre actif d’une association qui se penche sur ce fléau. Et en dépit des efforts fournis par les services de sécurité pour combattre le phénomène et serrer l’étau autour des réseaux de trafiquants, la sonnette d’alarme est déjà bel et bien tirée par les services compétents.
Lakehal Samir