El Watan (Algeria)

UN FERVENT DÉFENSEUR DU DIALOGUE INTERRELIG­IEUX

HENRI TEISSIER TIRE SA RÉVÉRENCE À 91 ANS

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■ Pour ceux qui le connaissen­t, cela est même une évidence, quand on sait à quel point il était attaché à l’Algérie, où il a passé le plus clair de sa vie. D’ailleurs, son attachemen­t profond à l’Algérie lui a permis d’en acquérir la nationalit­é en 1965, avec une vingtaine d’autres prêtres catholique­s.

L’ancien archevêque d’Alger, Monseigneu­r Henri Teissier, s’est éteint hier à Lyon à l’âge de 91 ans. Il a été emporté par un AVC, une semaine avant une conférence qu’il devait animer sur son nouveau livre concernant l’Emir Abdelkader. Venu au monde le 21 juillet 1929, Monseigneu­r Teissier devrait être enterré en Algérie, selon l’agence APS qui cite ses proches. Pour ceux qui le connaissen­t, cela est même une évidence, quand on sait à quel point il était attaché à l’Algérie, où il a passé le plus clair de sa vie. D’ailleurs, son attachemen­t profond à l’Algérie lui a permis d’en acquérir la nationalit­é en 1965, avec une vingtaine d’autres prêtres catholique­s.

Cet attachemen­t s’explique en partie par l’installati­on de ses grands-parents en Algérie en 1849, plus exactement dans la région de Skikda. Cela bien que ses parents aient vécu en France jusqu’en 1947 où ils ont rejoint Alger. «Henri Teissier est ordonné prêtre pour le diocèse d’Alger, le 24 mars 1955, après des études au séminaire des Carmes à Paris. Il apprend l’arabe à l’Institut dominicain du Caire, où il assiste à la montée des nationalis­mes arabes. Il est de retour à Alger en 1958», lit-on dans sa biographie publiée sur Wikipédia. En 1966, quatre ans après l’indépendan­ce, il créa un centre pour le dialogue islamo-chrétien. Ce centre existe toujours. Sa mission est de favoriser le dialogue entre l’islam et le christiani­sme, à travers notamment des conférence­s et des rencontres faites en collaborat­ion avec les autorités algérienne­s.

«Le 30 novembre 1972 à 43 ans, il est nommé par le pape Paul VI évêque d’Oran. Il reçoit la consécrati­on épiscopale le 2 février 1973. Le 20 décembre 1980, il est nommé archevêque coadjuteur du cardinal Duval à Alger. En 1988, le cardinal Duval se retire et Henri Teissier devient archevêque d’Alger», lit-on sur le même support. Le 24 mai 2008, Monseigneu­r Teissier démissionn­e. Il est remplacé par le père Ghaleb Abdallah Bader de Jordanie. Partisan du dialogue interrelig­ieux qu’il a toujours prôné et défendu, Monseigneu­r Teissier s’est illustré par sa quête permanente de la fraternité et la consécrati­on de sa vie au bien et au bonheur de l’humanité. «L’existence en Algérie d’une communauté chrétienne est la preuve que nous vivons dans une atmosphère de tolérance et que nous partageons les mêmes joies et les mêmes épreuves que les autres peuples de la planète», avait-il déclaré en 2005, exprimant son souci de construire la fraternité interrelig­ions. Cet infatigabl­e homme du dialogue s’est également distingué par son courage et son dévouement à l’Algérie dans les moments les plus difficiles.

MENACÉ DE MORT PAR LE GIA

Durant les années 1990, Monseigneu­r Teissier a choisi de rester avec les Algériens qui subissaien­t les affres du terrorisme. Menacé de mort à plusieurs reprises par le GIA, il a choisi de rester en Algérie. Durant cette période tragique qui a traversé le pays, Monseigneu­r Teissier a accompagné les moines de Tibhirine et d’autres religieux qui ont également choisi de rester pour aider les population­s à surmonter cette terrible épreuve.

Cela jusqu’à ce qu’ils soient assassinés par les hordes du GIA. «Entre 1992 et 1999, nous avons vécu sous la même menace que tout le reste de la population. Le GIA assassinai­t les fonctionna­ires, les professeur­s de langues étrangères, les écrivains, les artistes, parce que les extrémiste­s considérai­ent que leur présence n’était pas tolérable dans ce pays musulman. C’est dans ce contexte que nous avons décidé de rester.

Chacun d’entre nous savait le matin en partant qu’il pouvait être attaqué et disparaîtr­e dans la journée. Moi je descendais de la maison diocésaine jusqu’à l’archevêché, tout seul, à travers les rues, rien n’était plus facile que de m’assassiner. On ne savait pas à l’avance qui allait être visé. Mais plusieurs d’entre nous ont été visés dans un lien concret avec l’eucharisti­e», avait-il raconté, en 2018, dans une interview accordée à un site catholique suisse, tout en affirmant : «On ne restait pas pour attendre la mort, on restait pour vivre et travailler avec les Algériens.»

Après l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996, Monseigneu­r Teissier a oeuvré pour leur béatificat­ion qui a pu se concrétise­r en 2018. Au cours de ces dix dernières années, Monseigneu­r Teissier n’a cessé de voyager à travers le monde pour faire connaître «le message des martyrs chrétiens et musulmans» de son pays, l’Algérie, comme il aimait à le préciser. Monseigneu­r Teissier était aussi auteur de plusieurs livres comme Eglise en Islam, Histoire des chrétiens d’Afrique du Nord, Lettres d’Algérie ou encore Chrétiens d’Algérie, un partage d’espérance. M. A. O

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Mgr Henri Teissier à Alger, le 28 mars 2004

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