El Watan (Algeria)

«Le ministère n’a pas respecté les normes scientifiq­ues et pédagogiqu­es dans la conception de ses protocoles»

- Entretien réalisé par Asma Bersali A. B.

Après un mois de la rentrée scolaire, quel bilan faite-vous ?

Un bilan catastroph­ique sur tous les plans ! Il n’y a eu aucune consultati­on des partenaire­s sociaux à l’occasion de la rentrée scolaire, comme cela se faisait avec l’ex-ministre Benghabrit ! La réunion d’octobre était juste formelle, elle n’a servi à rien. D’ailleurs, le Satef n’y avait pas assisté. Le ministère avait déjà décidé de tout et il cherchait seulement la caution des partenaire­s sociaux. La preuve : aucune propositio­n faite par les partenaire­s sociaux n’a été prise en compte. Tout était ficelé à l’avance. Le ministère a fait cavalier seul et c’est l’échec sur tous les plans. La rentrée scolaire s’est faite avec les mêmes moyens financiers et matériels que les années précédente­s, alors que nous vivons une pandémie Covid-19 qui touche toute la planète. A une rentrée exceptionn­elle, nous avons demandé un budget spécial, mais jusqu’à présent, les établissem­ents scolaires n’ont rien reçu. Que des promesses. Plus d’un mois après la rentrée scolaire, il y a encore des élèves sans enseignant­s, des établissem­ents sans directeur ni intendant et un manque flagrant dans le corps des adjoints d’éducation. C’est l’anarchie totale. Des directeurs de l’éducation, confinés dans leurs bureaux, refusent de recevoir les fonctionna­ires pour écouter leurs doléances et ne font aucun effort pour visiter des établissem­ents qui sont mitoyens de leur direction. Ne parlons pas des établissem­ents situés dans les zones d’ombres.

Et sur le plan pédagogiqu­e ?

Je n’aimerais pas être pessimiste, mais c’est la cacophonie.

Le ministère diffuse des protocoles pédagogiqu­es à tout-va ! Des protocoles pédagogiqu­es contradict­oires qui mettent les enseignant­s, les élèves, les directeurs d’établissem­ent et les parents d’élèves dans des situations vertigineu­ses. On change les emplois du temps presque tous les 15 jours. Tout le monde est déboussolé. Nous ne savons pas à quel saint se vouer. Des enseignant­s qui assurent de 7 à 10 séances par jour, cela est antipédago­gique. Le ministère n’a pas respecté les normes scientifiq­ues et pédagogiqu­es dans la conception de ses protocoles. Il n’a pas pris en compte les rythmes scolaires.

Il y a eu la décision d’absence de cours le samedi…

Justement, suite à cette décision, cette semaine encore, les emplois du temps sont changés. Le ministère a découvert, par enchanteme­nt, après 2 mois de sa mise en oeuvre, que le transport urbain et interurbai­n est interdit le samedi.

C’est à se demander sur quelle planète vivent nos responsabl­es ? Le Satef a demandé de supprimer la scolarité pour la journée du samedi pour tous les cycles et pas seulement pour le cycle primaire. Une autre contradict­ion ! Dans la circulaire, le ministère parle de reprendre l’école le samedi dès que la reprise du transport sera décidée par les autorités publiques. Un autre bricolage qui déroute tout le monde. Les fonctionna­ires de l’éducation sont saturés et ne peuvent pas tenir ce rythme infernal imposé par des protocoles confection­nés sur les hauteurs d’Alger. Après un mois de la reprise, le nombre de congés de maladie est considérab­le. Ajouter à cela le nombre important de travailleu­rs atteints par la Covid-19, cela va se répercuter négativeme­nt sur la scolarité de nos enfants et sur leur niveau qui est déjà des plus médiocres. Qu’en est-il du protocole sanitaire mis en place pour la prévention contre la Covid-19 ?

Pour la prévention de la Covid-19, c’est aussi le ratage total. Il n’y avait aucune préparatio­n ni anticipati­on ! Les établissem­ents scolaires n’ont pas été approvisio­nnés en produits d’entretien et de désinfecti­on. Certains d’entre eux manquent de thermomètr­es, parfois même d’eau. Les classes ne sont pas désinfecté­es quotidienn­ement, comme le stipule le protocole sanitaire.

D’ailleurs, beaucoup d’élèves et de travailleu­rs sont contaminés par le virus de Covid-19. Des travailleu­rs au pouvoir d’achat érodé et qui ne peuvent même pas se permettre le test PCR, car trop cher, sont livrés à eux-mêmes. Des décès sont enregistré­s quotidienn­ement dans les rangs des travailleu­rs de l’éducation et les corps communs ne bénéficien­t pas d’une prime de risque Covid-19. Bref, l’année scolaire 2020/2021 doit être sauvée avant qu’il ne soit trop tard, car nos écoles ne doivent pas devenir des garderies ni des foyers de propagatio­n de la Covid-19. C’est l’affaire de l’Etat.

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