Les inquiétudes de la classe politique
● Zoubida Assoul, avocate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), rappelle que le pays est bloqué puisque depuis 45 jours le chef de l’Etat a cessé d’exercer ses fonctions de président de la République, surtout que l’ensemble des pouvoirs sont entre ses mains.
Le flou qui entoure la maladie du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et les communiqués laconiques de la Présidence ne sont pas faits pour rassurer les Algériens. Des partis et acteurs politiques déplorent une communication «extrêmement timide». Certains, à l’instar du Parti des travailleurs, s’interrogent sur l’identité des personnes qui dirigent actuellement le pays qui vit une crise sanitaire, politique et économique.
Atmane Mazouz, du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) estime que nous sommes face à une communication «brouillonne» et «opaque» sur l’état de santé du chef de l’Etat. Pour lui, les Algériens sont habitués à la rétention de l’information officielle et à la gestion «opaque» des affaires du pays.
Le chef de l’Etat, rappelle le chargé de la communication au RCD, est à plus d’un mois d’absence et le pays est livré à la rumeur et aux spéculations et, c’est ainsi, dit-il, qu’on a fini par installer une véritable «épidémie de mensonges alors que le pays vit l’une des crises les plus profondes de son histoire».
Le RCD déplore qu’à l’ère de la transparence, les décideurs algériens préfèrent ajouter «à l’illégitimité des institutions la dissimulation et la fourberie dans la gestion des questions importantes qui engagent l’avenir du pays». Le RCD, ajoute-t-il, «refuse de s’avancer sur l’état de santé réel de M. Tebboune». Mais, selon Mazouz, «le mystère qui entoure la communication officielle ne fera qu’exacerber les interrogations légitimes des Algériens qui considèrent une telle absence de transparence comme un mépris envers eux».
MÉPRIS COUTUMIER
Zoubida Assoul, avocate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), rappelle que le pays est bloqué puisque depuis 45 jours le chef de l’Etat a cessé d’exercer ses fonctions de président de la République, surtout que l’ensemble des pouvoirs sont entre ses mains. «Le peuple est suspendu à l’état de santé réel du chef de l’Etat, sans oublier les textes de lois qui attendent leur promulgation», s’insurge Mme Assoul, citant quelques-uns, tel que «le projet d’amendement de la Constitution en suspens puisqu’il va falloir promulguer une loi portant cet amendement dans un délai d’un mois depuis l’annonce des résultats du référendum par le Conseil constitutionnel». Mme Assoul estime que le Conseil constitutionnel devait se réunir de plein droit pour vérifier la réalité de l’empêchement par tous les moyens appropriés en saisissant l’équipe médicale du chef de l’Etat pour connaître son état de santé. «Chose, dit-elle, qu’il ne fait pas parce qu’il n’est pas indépendant». La concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme est, pour beaucoup d’acteurs politiques, un danger et un blocage de tout le pays. «La situation politique, économique et pandémique ne tolère pas plus de crise. Ceci pourrait être l’occasion pour la solution politique concertée», plaide la responsable de l’UCP. Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), évoque, quant à elle, «l’impasse totale dans laquelle se trouve le pays et les décisions dangereuses prises en l’absence du Président». «Il n’y a pas de chef d’orchestre dans le pays et nous ignorons qui décide actuellement», s’inquiète-t-elle. Soufiane Djilali, de Jil Jadid, relève cette anomalie consistant en la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du Président. Il déplore, par contre, la communication en général du gouvernement, non seulement par rapport à l’état de santé du Président, mais aussi sur toutes les affaires. «La communication officielle est à déplorer, elle est extrêmement timide et sur la défensive», tranche-t-il. De leur côté, les animateurs du Collectif des amis du manifeste pour l’Algérie nouvelle évoquent un mépris à l’égard du peuple : «Depuis plus d’un mois, l’Algérie se retrouve à nouveau sans chef de l’Etat. L’épisode semble, a priori, pire que la vacance présidentielle de l’intervalle 2012-2019». «Le peuple n’a même pas droit à des images muettes de Abdelmadjid Tebboune. Mépris coutumier à l’encontre des citoyens», s’indignent les animateurs de ce collectif, précisant que les dirigeants apparents continuent de revendiquer «ses» directives quotidiennes sans pouvoir dissimuler un déficit sans précédent en matière de compétence institutionnelle et de réactivité de l’Etat. «Va-t-on nous rejouer la comédie du Président en pleine possession de ses facultés intellectuelles ?» s’interrogent-ils.