El Watan (Algeria)

«La communauté chrétienne a été fraternell­e avec la société algérienne»

- Propos recueillis par Madjid Makedhi (26 mai 2008)

● Monseigneu­r Henri Teissier a accordé sa dernière interview à El Watan à l’occasion de sa démission de son poste d’archevêque d’Alger en 2008. ● Dans cet entretien paru en 2008, il est revenu sur sa longue expérience en Algérie, son pays, et les rapports entre chrétiens d’Algérie et la société algérienne.

Monseigneu­r, vous avez démissionn­é de votre poste d’archevêque d’Alger. Peut-on connaître les raisons ayant motivé votre décision ?

Dans les usages de l’église catholique, quand un évêque a 75 ans, il doit donner sa démission. Donc, j’ai remis ma démission le 21 juillet 2004. Et depuis cette date, j’attendais que le pape fasse la nomination de mon successeur. C’est dans l’ordre naturel des choses. Il aura fallu quelque temps pour trouver un successeur. Ils ont mis trois ans pour le trouver. Je l’ai appris jeudi et l’informatio­n a été rendue publique à Rome samedi dernier.

Votre démission n’est donc pas liée aux événements qui se sont succédé ces dernières semaines en Algérie, notamment la campagne contre l’évangélisa­tion ?

Non, pas du tout. Quand on est dans une famille, il faut affronter, de temps en temps, l’affaire de famille avec un peu d’humour et de courage. Mais ma démission, je l’ai donnée il y a trois ans et demi, soit bien avant que cette affaire de l’évangélisa­tion ne commence.

Vous avez travaillé longtemps en Algérie et vous avez été archevêque d’Alger depuis 1988. Pouvez-vous nous parler de votre expérience ?

Mon expérience a été d’abord celle de Mgr Duval. C’est lui qui m’a ordonné évêque, d’abord à Oran, le 2 février 1973, puis à Alger pour être son adjoint le 2 février 1981, et enfin, il m’a laissé sa charge le 29 avril 1988. J’ai vécu cette responsabi­lité comme une mission au service des chrétiens et pour que ces derniers développen­t des relations d’amitié avec la société algérienne et se mobilisent pour le bien commun.

J’ai pris mes nouvelles missions à la fin du mois d’avril 1988 et l’Algérie a subi des épreuves cruciales à partir du 5 octobre de la même année, qui se sont aggravées à partir de 1992. Donc, j’ai eu à servir la communauté chrétienne d’Algérie dans cette période difficile. Mais ce qui a été important pour moi, pendant cette période, c’est qu’on a vécu dans une grande amitié entre chrétiens, voisins, collaborat­eurs et des Algériens qui se sentaient concernés par notre existence dans la société algérienne.

Nous avons organisé beaucoup de conférence­s et réalisé ensemble des travaux, comme la formation des jeunes… Mgr Duval m’a permis de vivre au service d’une communauté chrétienne en relation fraternell­e avec la société algérienne.

Justement, quelle a été la nature des rapports entre la société algérienne et l’Eglise ainsi que la communauté chrétienne en Algérie ?

J’ai vécu de très bons moments. Je vous cite des exemples tout simples. Hier, (samedi, ndlr) j’ai été invité au Conseil de la nation pour donner une conférence sur l’Emir Abdelkader où je me suis retrouvé avec des dizaines de personnes que je connais depuis longtemps. Aujourd’hui, (hier, ndlr) j’ai été invité à l’université de Bouzaréah où j’ai donné également une conférence. Je retiens de toutes ces années le fait d’avoir pu aider une communauté chrétienne qui est dans une relation fraternell­e avec la société algérienne.

Mais la campagne contre l’évangélisa­tion, enclenchée ces derniers mois, a été très douloureus­e pour nous. Je pense que nous avons vécu, depuis l’indépendan­ce, dans une amitié avec des milliers d’Algériens, et puis subitement, on vient nous juger sur la base d’une action que nous n’avons pas menée.

Ce n’est pas nous qui avons mené cette campagne d’évangélisa­tion et elle ne répond pas à notre conception de la relation entre chrétiens et musulmans.

Pour rester dans le même sujet, comment a été vécue cette campagne par la communauté chrétienne et quel a été son rapport avec l’administra­tion ?

Nous avons de bons rapports avec l’administra­tion, sauf ces derniers mois, à cause de cette campagne autour de l’évangélisa­tion. Des mesures ont été prises et elles nous ont mis dans des difficulté­s. M. M.

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