Téhéran compte revoir ses rapports avec l’Agence internationale de l’énergie atomique
Selon Téhéran, ladite agence ne bénéficierait pas d’un accès plus large aux sites iraniens. «Nous n’avons pas donné et ne donnerons pas un accès plus large à notre coopération avec l’Agence et nos relations» avec celle-ci «sont techniques», a déclaré le porte-parole
du ministère iranien des Affaires étrangères.
L’assassinat, vendredi dernier, près de Téhéran du physicien iranien Mohsen Fakhrizadeh relance le débat sur le programme nucléaire iranien. En effet, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Saeed Khatibzadeh, a déclaré hier que le pays poursuivrait sa coopération technique avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En revanche, il a indiqué que ladite agence ne bénéficierait pas d’un accès plus large aux sites iraniens. «Nous n’avons pas donné et ne donnerons pas un accès plus large à notre coopération avec l’Agence et nos relations» avec celle-ci «sont techniques», a déclaré Khatibzadeh lors d’une vidéoconférence à Téhéran, selon des propos recueillis par l’agence iranienne Fars. Il a ajouté que l’AIEA a reçu la notification de l’Iran en ce sens.
Les déclarations du diplomate sont intervenues suite à la réunion un peu plus tôt dans la journée des parlementaires iraniens. Réunion au cours de laquelle ils ont ratifié les «généralités» d’un projet de loi visant à adopter des mesures stratégiques pour lever les sanctions contre la République islamique.
Selon cette ébauche qui doit être précisée en commission, le texte enjoindrait au gouvernement de mettre fin aux inspections de l’AIEA et de «produire et de stocker au moins 120 kilogrammes par an d’uranium enrichi à 20%».
Le texte prévoit aussi d’augmenter la capacité d’enrichissement et la production d’uranium enrichi à au moins 500 kg par mois. Mais, si trois mois après l’adoption de ce projet de loi, les parties signataires de l’accord nucléaire de Vienne comptent remplir leurs engagements, le gouvernement est tenu de soumettre une proposition au Parlement pour que l’Iran assume ses responsabilités conformément au traité, selon le projet de loi. Depuis l’assassinat du physicien Mohsen Fakhrizadeh, des conservateurs iraniens n’ont pas hésité à manifester leur réprobation à l’égard des inspecteurs de l’AIEA.
«Non seulement nous interdirons leurs visites, mais aussi leurs entretiens avec des experts ou des scientifiques», a ainsi déclaré le député Mahmoud Nabavian à l’agence Tasnim. A son avis, Fakhrizadeh a pu être «identifié» par «l’ennemi» soit par du «travail de renseignements», soit par des «entretiens» qu’il aurait pu accorder à l’AIEA, et il faut «couper toutes les voies» permettant que des scientifiques iraniens puissent être pris pour cible.
L’IRAN ACCUSE ISRAËL D’ÊTRE DERRIÈRE CET ASSASSINAT
Le physicien a été qualifié par le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, de père du programme iranien d’armement nucléaire. Le département d’Etat américain avait indiqué, en 2008, que Mohsen Fakhrizadeh mène «des activités et des transactions contribuant au développement du programme nucléaire de l’Iran». Dimanche, les parlementaires iraniens ont appelé à l’arrêt de la mise en oeuvre du protocole additionnel au traité de non-prolifération et des inspections de l’AIEA sur les sites iraniens. «Un tel crime nécessite une réponse rapide (…) et la meilleure réponse est de relancer la brillante industrie nucléaire de notre pays en mettant fin à la mise en oeuvre volontaire du protocole additionnel et en empêchant les régimes d’inspection sans précédent de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)», ont-ils déclaré dans un communiqué.
RETRAIT
En 2018, Donald Trump s’est retiré unilatéralement de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien signé à Vienne par la République islamique et le Groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie, Grande-Bretagne, France, Chine ainsi que l’Allemagne). Cet accord prévoyait, notamment, l’arrêt du programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions. En se retirant de l’accord, les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions à Téhéran pour asphyxier son économie. Le 1er juillet 2019, Téhéran déclare avoir dépassé la limite de 300 kg imposée par l’accord à ses réserves d’uranium faiblement enrichi. Le 7, l’Iran confirme avoir commencé à enrichir l’uranium à un degré supérieur à la limite de 3,67% contenue dans l’accord. Actant l’échec d’une médiation, l’Iran décide le 4 septembre une nouvelle réduction de ses engagements, en faisant sauter toute limite à la recherche et au développement dans ce domaine. Le 7 septembre, il met en route des centrifugeuses avancées dont la production augmentera son stock d’uranium enrichi, mais assure qu’il continuera à autoriser le même accès aux inspecteurs onusiens chargés de surveiller son programme nucléaire. Le 5 janvier 2020, Téhéran annonce la «dernière phase» de son plan de réduction de ses engagements, affirmant qu’il ne se sent désormais plus tenu par aucune limite «sur le nombre de ses centrifugeuses». Il indique néanmoins que «la coopération de l’Iran avec l’AIEA se poursuivra».
Amnay Idir