Comment sortir de l’impasse ?
Dans l'hypothèse qu'il reprenne assez rapidement ses fonctions, à son retour à Alger, le président de la République aura-t-il la capacité de traiter rapidement la multitude de dossiers en souffrance sur son bureau ? En d’autres termes, sera-t-il en possession de tous ses moyens biologiques pour faire preuve de diligence et d'efficacité, compte tenu de sa maladie qui a nécessité quarante-cinq jours de traitements lourds et une convalescence en dehors du pays ? Légitime interrogation après l’annonce officielle de la fin de son séjour en Allemagne après une longue période de vide politique et d'inquiétudes populaires ponctués, par moments, par une communication officielle minimale, parfois chaotique, autour de la maladie. Si tout se passe bien donc pour Abdelmadjid Tebboune, son premier acte sera de signer le texte de la nouvelle Constitution, préalable à sa promulgation au Journal officiel ainsi que la Loi de finances 2021, celle-ci avant fin décembre. Si, tel qu'il l’a dit il y a quelques mois, Abdelmadjid Tebboune considère que le nouveau texte constitutionnel sera le point de départ de la «nouvelle Algérie», assisterons-nous à un profond remaniement de la composante gouvernementale, y compris le remplacement de l’actuel Premier ministre ? Il faut dire que cela s’impose en raison du maigre bilan gouvernemental des dix derniers mois. Si nombre de ministres se sont distingués par leur faible compétence, beaucoup se sont contentés d’une gestion bureaucratique de leur secteur, a minima. Certes, la conjoncture liée aux effets du coronavirus ne leur a pas été favorable, tout comme le rétrécissement des ressources financières, mais il faut dire que l’imagination n’a pas été au pouvoir. Djerad, lui-même, a fini par parer au plus pressé et au plus urgent, sans trop d'initiatives personnelles et innovantes. Peut-être ne le voulait-il pas, ou probablement c’est tout ce qu'on attendait de lui, les présidents de la République répugnant généralement à ne pas trop laisser de marge de manoeuvre à leur Premier ministre ou chef de gouvernement. Chadli Bendjedid avait dérogé à la règle en donnant carte blanche à Mouloud Hamrouche dans le lancement d’une série de réformes innovantes et ambitieuses. Comme elle est plongée dans une crise a peu près similaire à celle de la fin de la décennie 1980 – le coronavirus remplaçant le péril intégriste – l'Algérie a besoin d’un profil Mouloud Hamrouche, seul à même d'affronter les lancinants défis qui se posent au pays. Pour autant, le pays ne sera pas sauvé si le président de la République n'opère pas un tournant stratégique dans sa vision politique. Comme les législatives et les locales sont les prochaines échéances électorales, l’opposition devra être prête, par de nouveaux textes et dans la pratique et confortée dans son rôle de réel contre-pouvoir, ce qui n’est pas le cas actuellement, héritage du règne de Bouteflika et hostilité sournoise à son égard de la part du régime actuel. Ne pas entraver l’opposition, notamment celle qui se revendique du champ démocratique, c’est aussi ne pas diaboliser le hirak et ne plus lui tourner le dos. Pour cet autre chantier qui attend Abdelmadjid Tebboune, une des premières mesures serait de prôner franchement l’apaisement et de le traduire concrètement par la libération de l’ensemble des détenus d’opinion. Ce sera ensuite l'établissement de passerelles avec les franges dynamiques du hirak, dans un dialogue sans exclusive et évidemment loin de toute répression, sous quelque forme que ce soit. Ce dialogue devra mener tout naturellement à l'émergence de nouvelles figures et forces politiques ancrées profondément dans la société algérienne et inscrites dans un seul projet : une «nouvelle Algérie», loin des hommes et des moeurs du passé et au plus profond de la démocratie. Abdemadjid Tebboune sera-t-il au rendez-vous et en phase avec cette tâche historique ?