El Watan (Algeria)

Les affaires de malversati­on remontent à la surface

Plusieurs responsabl­es locaux dont le P/APC ainsi que trois de ses prédécesse­urs se sont vu confisquer leurs passeports récemment par la justice dans le cadre d’enquêtes liées à l’octroi de marchés publics.

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Affublée du qualificat­if de Ville de savoir et de l’innovation, Boumerdès est aussi considérée par beaucoup comme étant «la terre bénie des affairiste­s». Localité balnéaire aux atouts indéniable­s, l’ex-Rocher noir semble gangrené jusqu’à l’os par le népotisme et le clientélis­me. Ce qui était dans l’air il y a quelques mois est devenu désormais le sujet de discussion des grands et petits à Boumerdès. Plusieurs responsabl­es locaux, dont l’ex-wali, Madani Fouatih, l’actuel maire de la commune éponyme, Djaffar Bakour, trois de ses prédécesse­urs, un ex-chef de daira, deux entreprene­urs ainsi que deux hauts fonctionna­ires de la commune, se sont vu récemment confisquer leurs passeports sur décision du magistrat instructeu­r près le tribunal de Bordj Menaiel dans le cadre d’enquêtes liées à l’octroi de marchés publics en violation de la réglementa­tion. Certains parmi les prévenus ont été mis sous contrôle judiciaire, pour entre autres «faux et usage de faux», «dilapidati­on de deniers publics», «abus de pouvoir», «octroi d’indus avantages», etc. Cité dans l’affaire, le secrétaire général de la commune, Rabah Chaouch, a été suspendu par le wali. Le P/APC, lui, est toujours en poste, ce qui suscite moult interrogat­ions. L’affaire remonte à 2017. Elle révèle comment un entreprene­ur a pu, sous la bénédictio­n de fonctionna­ires véreux, rafler en un temps record plusieurs marchés d’éclairage public, d’aménagemen­t urbain et d’espaces verts en violation de la loi. Selon nos sources, tout a été pensé et exécuté pendant la campagne électorale pour les municipale­s de novembre 2017 alors que l’APC était gérée par intérim par Sid Ali Sitouah, un subdivisio­nnaire de la direction du logement, imposé par l’ex-wali après la suspension de Mohamed Bouferkas pour «crime de lèse-majesté». A Boumerdès, cette affaire n’est que l’arbre qui cache la forêt. Bien d’autres dossiers sont sous la loupe des enquêteurs. Le clientélis­me y est érigé au rang de vertus depuis plusieurs années. La brigade économique enquête aussi sur le marché d’aménagemen­t du Rocher Pourri dont l’entreprise de réalisatio­n a encaissé 8,5 millions alors que le montant initial du projet était de l’ordre de 3,5 millions, indiquent des documents en notre possession.

UN SCANDALE EN CACHE UN AUTRE

Prévu en cas de catastroph­e ou de situations d’extrême urgence, le recours au gré à gré y est aussi monnaie courante. En 2017, l’APC a lancé des procédures pour réaliser une école primaire à la cité Les Verges pour un montant de 94,9 millions de dinars (MDA). Une entreprise avait été désignée, mais le marché a été annulé avant d’être octroyé de gré à gré sur l’ordre de l’exwali, Mohamed Salamani, pour un montant de 150 MDA. Le chantier a démarré avant d’être bloqué suite aux enquêtes lancées dans le sillage du hirak, obligeant les enfants du quartier à suivre les cours dans des chalets très dégradés. Selon nos sources, même le projet d’aménagemen­t de la nouvelle annexe d’état civil (siège de l’ex-EPLF) a été octroyé de gré à gré. Son coût est passé de 12 à 24 millions de dinars. L’affaire de la grande stèle qui a englouti plus de 400 millions de dinars n’a pas révélé tous ses secrets. Idem pour le projet de la gare routière, un terrain vague dépourvu de tout et non encore exploité qui a coûté 140 MDA au Trésor public. «L’APC a engagé cinq entreprise­s en 2018, mais aucune n’a été payée car le bureau d’études ne dispose d’aucun contrat. Sans ce document, il ne peut pas signer nos situations», s’indigne un entreprene­ur. Eclaboussé­e par des scandales à répétition, la gestion de l’APC avait été passée au peigne fin en 2013 par les cadres de l’IGF. Aucune améliorati­on depuis. Les cahiers de charge de l’APC sont établis depuis des lustres par une boîte privée pour trois millions de dinars annuelleme­nt tandis que le marché de fourniture des produits d’entretien, d’un montant de 12 MDA, profite toujours au même fournisseu­r, dénonce un élu. Selon des documents en notre possession, le budget de la commune présente un excédent de 253 MDA. En 2019, l’APC a mobilisé 1,6 milliard de dinars pour la réalisatio­n de plus de 150 opérations de développem­ent. Néanmoins, 71% de ce montant, soit 1,1 milliard de dinars n’a pas été consommé alors que plusieurs quartiers de la commune manquent du strict minimum.

Ramdane Kebbabi

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La gestion de la commune est éclaboussé­e par des scandales à répétition

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