El Watan (Algeria)

D’art et de sensibilit­é

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Plusieurs génération­s de Skikdies se sont faites belles chez Azzouz Annane, et plus d’un demi-siècle durant, son salon de coiffure s’imposera comme une effigie de la citadinité, du bon goût et de la jovialité. L’homme reste simple cependant et n’en fait pas tout un plat. Il parle de son métier, de sa vie et de son parcours comme s’il s’agissait d’une simple banalité du destin. Il en parle sans parvenir à cacher les souffrance­s de la disparitio­n d’une mère qu’il perdit très tôt. «Elle m’a laissé enfant», tenait-il à rappeler, sans s’en rendre compte que c’était cette déchirure qui avait nourri en lui cette sensibilit­é qui l’habite. Azzouz, l’enfant, passera ses premières années entre les quartiers de Sebaa Biar ( les sept citernes romaines) et El Qobbia, l’ancienne cité indigène. Enfant déjà, il s’immisce vite dans la vie de ses soeurs et des fillettes du quartier, leur conseillan­t d’autres manières d’arranger leurs chevelures pour paraître plus belles. Physionomi­ste précoce, Azzouz esquissait déjà dans son imaginaire d’adolescent tant d’arrangemen­ts et de coupes. À 14 ans, il prend ses bagages et migre à Bordeaux, en France, où il s’essayera à différents métiers sans parvenir à mettre en sourdine sa passion : la coiffure ! «Il m’arrivait de coiffer des amis à moi, mais à chaque fois, ils me faisaient remarquer que les coupes que je proposais siéraient plutôt aux filles. De réflexion en réflexion, je finis par me rendre à l’évidence et d’admettre que j’étais plutôt prédestiné à la coiffure pour dames. J’ai alors décidé de m’inscrire dans un centre de formation». En 1957, Azzouz rentre à Skikda et trouve une place dans un salon. «Quelque temps après, je fus étonné d’entendre les clientes, quelques Algérienne­s et beaucoup d’Européenne­s, demander au patron d’être coiffées par mes soins. Cela a peut-être déplu au patron. Depuis, il commença à me demander si j’étais d’accord avec les fellaghas. Il devenait insistant et je compris alors que j’étais indésirabl­e.» À l’indépendan­ce, Azzouz achète une ancienne droguerie et l’aménage en salon de coiffure pour amorcer l’histoire qui fera de lui une icône locale. Il était le seul coiffeur pour dames dans une ville où le raffinemen­t au féminin était une marque déposée. Cette notoriété, faite de délicatess­e, de savoir-faire et de respect ne tarda pas à faire le tour des administra­tions locales «Toutes les mariées et toutes les femmes des hauts responsabl­es qui sont passées par Skikda se faisaient coiffer dans mon salon», raconte-t-il. Une reconnaiss­ance dont il est fier. «Mais je n’ai jamais fait de distinctio­n entre mes clientes», fera-t-il remarquer. Plus qu’un coiffeur, Azzouz est un artiste. «Tout est dans la finesse», tient-il à préciser et de juger que pour une femme «rien ne vaut une belle coiffure et une belle paire de chaussures». Aujourd’hui, Azzouz a pris sa retraite après avoir fait passer le flambeau à sa fille pour pérenniser l’une des plus belles histoires Skikdies, celle de Monsieur Azzouz, le coiffeur de ces dames !

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