La vie au temps du coronavirus
Une année presque s’est écoulée depuis que l’insouciance, tout au moins pour ce qui est de notre survie collective à court et moyen termes, a laissé place à l’inquiétude et à l’angoisse face à l’émergence d’un fléau inattendu (sauf peut-être pour quelques érudits visionnaires) qui, comme les miasmes d’antan, sans forme ni visage, s’est mis à faucher, au hasard des fragilités, d’innombrables vies humaines.
Sans forme ni visage en apparence seulement, parce qu’en fait, l’hécatombe était le fait d’un infiniment petit encore inconnu que la science moderne a vite fait d’identifier, mais de là à le combattre et à le vaincre... cela relevait de la gageure. 2020 restera longtemps dans les esprits comme une année qui nous aura révélé notre vulnérabilité, alors que, installés dans le confort que nous conférait l’illusion d’être protégés par le progrès scientifique et technologique, nous nous croyions inatteignables (à grande échelle) par quelque danger que ce soit qui nous viendrait de Dame nature. La pandémie de la Covid-19 restera inscrite dans l’histoire de l’humanité comme l’une des crises majeures qu’aura connues l’espèce humaine.
Cette crise, pour sanitaire qu’elle soit, n’est pas sans avoir un impact politique majeur, parce qu’elle touche à la santé et à la vie des citoyens et parce que la riposte à cette crise a pris, à juste raison, des allures de guerre, ce qui a impliqué nécessairement des mesures coercitives qui indubitablement allaient bouleverser le quotidien des populations, leurs habitudes et leur mode de vie. Après la sidération qui a suivi la première flambée épidémique et le cafouillage qui s’en est suivi ici et là et qui a eu pour corollaire des prises de décisions, parfois incompréhensibles, par certains Etats, parce qu’a priori disproportionnées, la riposte s’est organisée, coordonnée, avec plus ou moins de cohérence et d’efficacité, par les instances sanitaires supranationales et ceci ponctué par des dissonances et des polémiques. Nonobstant les mesures parfois drastiques, la pandémie n’a pas cessé de progresser et de nous surprendre quand, au moment où nous avions l’impression qu’elle faiblissait pour s’éteindre, elle repartait de plus belle, à notre grand désarroi. Une chose est certaine, jusqu’à l’avènement, devenu maintenant probable, d’un ou de plusieurs vaccins, nous sommes obligés de subir le désagrément des protocoles sanitaires qui nous prémuniraient du désastre ; à ce propos, les voix qui s’élèvent pour inciter à boycotter les mesures sanitaires collectives en contestant le bien-fondé de la démarche ne font, de notre humble point de vue, que faire valoir l’inacceptable droit à la nuisance. Comme ébauché plus haut, le combat contre cette pandémie nous paraît éminemment politique et la course au vaccin le démontre amplement : politique mais également économique. On est loin de l’altruisme qui est censé guider ce genre de combat dont l’enjeu est censé être, in fine, le bienfait pour tous…
La mise sur le marché du premier vaccin va certainement consacrer la puissance, voire la suprématie de l’Etat qui en est le promoteur ; cela nous rappelle que dans un passé récent, la conquête de l’espace représentait une priorité pour les grandes puissances qui étaient à l’époque en concurrence pour démontrer leur suprématie… Il y a fort à parier que nous aurons pour ces vaccins, une fois advenus, un alignement qui sera conforme au classement par le PIB et par la puissance militaro-économique des pays qui sont dans cette course. Ces vaccins de l’espoir seront probablement notre salut en même temps qu’ils soulèvent légitimement quelques questionnements d’ordre éthique ; tout d’abord, par rapport à la démarche concernant la mise au point de ces vaccins, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer les facilitations obtenues auprès d’instances continentales (règlement 2020/1034 approuvé par le Parlement européen, sans débats ni amendements) qui dispensent la recherche sur ces vaccins d’études de biosécurité, alors qu’elle utilise précisément une ingénierie qui fait appel à la biotechnologie, la génomique et la métagénomique.
Autres interrogations : qu’en sera-t-il des populations de la ceinture de pauvreté du monde, qui va assurer à ces populations une vaccination salvatrice ?
Au sein d’un même pays, qui en seront les bénéficiaires prioritaires ? Les forces de l’argent rechigneraient-elles à thésauriser encore plus à l’occasion de cette vaccination de masse ?
Fasse Dieu que ce cauchemar prenne fin au plus vite ; la décantation se fera une fois le traumatisme passé et que la résilience aura fait son travail. On évoquera alors certainement, non sans quelques frissons, la vie au temps du coronavirus.