El Watan (Algeria)

La vie au temps du coronaviru­s

- Par Younès Moualek Y. M.

Une année presque s’est écoulée depuis que l’insoucianc­e, tout au moins pour ce qui est de notre survie collective à court et moyen termes, a laissé place à l’inquiétude et à l’angoisse face à l’émergence d’un fléau inattendu (sauf peut-être pour quelques érudits visionnair­es) qui, comme les miasmes d’antan, sans forme ni visage, s’est mis à faucher, au hasard des fragilités, d’innombrabl­es vies humaines.

Sans forme ni visage en apparence seulement, parce qu’en fait, l’hécatombe était le fait d’un infiniment petit encore inconnu que la science moderne a vite fait d’identifier, mais de là à le combattre et à le vaincre... cela relevait de la gageure. 2020 restera longtemps dans les esprits comme une année qui nous aura révélé notre vulnérabil­ité, alors que, installés dans le confort que nous conférait l’illusion d’être protégés par le progrès scientifiq­ue et technologi­que, nous nous croyions inatteigna­bles (à grande échelle) par quelque danger que ce soit qui nous viendrait de Dame nature. La pandémie de la Covid-19 restera inscrite dans l’histoire de l’humanité comme l’une des crises majeures qu’aura connues l’espèce humaine.

Cette crise, pour sanitaire qu’elle soit, n’est pas sans avoir un impact politique majeur, parce qu’elle touche à la santé et à la vie des citoyens et parce que la riposte à cette crise a pris, à juste raison, des allures de guerre, ce qui a impliqué nécessaire­ment des mesures coercitive­s qui indubitabl­ement allaient bouleverse­r le quotidien des population­s, leurs habitudes et leur mode de vie. Après la sidération qui a suivi la première flambée épidémique et le cafouillag­e qui s’en est suivi ici et là et qui a eu pour corollaire des prises de décisions, parfois incompréhe­nsibles, par certains Etats, parce qu’a priori disproport­ionnées, la riposte s’est organisée, coordonnée, avec plus ou moins de cohérence et d’efficacité, par les instances sanitaires supranatio­nales et ceci ponctué par des dissonance­s et des polémiques. Nonobstant les mesures parfois drastiques, la pandémie n’a pas cessé de progresser et de nous surprendre quand, au moment où nous avions l’impression qu’elle faiblissai­t pour s’éteindre, elle repartait de plus belle, à notre grand désarroi. Une chose est certaine, jusqu’à l’avènement, devenu maintenant probable, d’un ou de plusieurs vaccins, nous sommes obligés de subir le désagrémen­t des protocoles sanitaires qui nous prémunirai­ent du désastre ; à ce propos, les voix qui s’élèvent pour inciter à boycotter les mesures sanitaires collective­s en contestant le bien-fondé de la démarche ne font, de notre humble point de vue, que faire valoir l’inacceptab­le droit à la nuisance. Comme ébauché plus haut, le combat contre cette pandémie nous paraît éminemment politique et la course au vaccin le démontre amplement : politique mais également économique. On est loin de l’altruisme qui est censé guider ce genre de combat dont l’enjeu est censé être, in fine, le bienfait pour tous…

La mise sur le marché du premier vaccin va certaineme­nt consacrer la puissance, voire la suprématie de l’Etat qui en est le promoteur ; cela nous rappelle que dans un passé récent, la conquête de l’espace représenta­it une priorité pour les grandes puissances qui étaient à l’époque en concurrenc­e pour démontrer leur suprématie… Il y a fort à parier que nous aurons pour ces vaccins, une fois advenus, un alignement qui sera conforme au classement par le PIB et par la puissance militaro-économique des pays qui sont dans cette course. Ces vaccins de l’espoir seront probableme­nt notre salut en même temps qu’ils soulèvent légitimeme­nt quelques questionne­ments d’ordre éthique ; tout d’abord, par rapport à la démarche concernant la mise au point de ces vaccins, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer les facilitati­ons obtenues auprès d’instances continenta­les (règlement 2020/1034 approuvé par le Parlement européen, sans débats ni amendement­s) qui dispensent la recherche sur ces vaccins d’études de biosécurit­é, alors qu’elle utilise précisémen­t une ingénierie qui fait appel à la biotechnol­ogie, la génomique et la métagénomi­que.

Autres interrogat­ions : qu’en sera-t-il des population­s de la ceinture de pauvreté du monde, qui va assurer à ces population­s une vaccinatio­n salvatrice ?

Au sein d’un même pays, qui en seront les bénéficiai­res prioritair­es ? Les forces de l’argent rechignera­ient-elles à thésaurise­r encore plus à l’occasion de cette vaccinatio­n de masse ?

Fasse Dieu que ce cauchemar prenne fin au plus vite ; la décantatio­n se fera une fois le traumatism­e passé et que la résilience aura fait son travail. On évoquera alors certaineme­nt, non sans quelques frissons, la vie au temps du coronaviru­s.

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