CAFOUILLAGES DANS LA GESTION DE LA COMMUNICATION
Plusieurs zones d’ombre entourent la question de l’acquisition du vaccin anti-Covid-19, qui constitue aujourd’hui le débat de l’heure en ces temps de pandémie mondiale : quel vaccin choisir ? Sera-t-il gratuit ? A quelle date sera-t-il disponible ? A ces questions, les déclarations des responsables de la santé se suivent mais ne se ressemblent pas. Le fait est que les vaccins ne sont pas totalement prêts et que l’Algérie est – à cela tous les responsables sanitaires sont au diapason – en phase d’observation et d’étude. Des contacts ont néanmoins été tissés avec les laboratoires ainsi qu’avec les pays qui ont avancé sur ces projets. Mais l’Algérie s’en tiendra à l’évaluation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et aux contrôles de ses structures sanitaires. Tous affirment sur le même ton que «l’Algérie mettra tout en oeuvre pour mettre le vaccin à la disposition des citoyens».
Le Dr Mohamed Berkani Bekkat, membre du comité scientifique de suivi de l’épidémie de coronavirus en Algérie, précisait dimanche 30 novembre, sur les ondes de la Chaîne 3 que la campagne de vaccination contre la Covid-19 pourrait commencer en janvier 2021 en Algérie. Il explique, dans sa déclaration, qu’il s’agit d’une opinion «personnelle» et prend le soin d’employer le conditionnel. «Je pense personnellement que cela se débloquera au mois de janvier, le temps pour les laboratoires internationaux d’avoir les accréditations nécessaires. Si on arrive à les avoir (les vaccins) à la fin janvier, on commence la campagne de vaccination en Algérie», soulignait le Dr Bekkat. De son côté, le Pr Kamel Senhadji, directeur de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS), relayait, en écho, dans une intervention médiatique, que la campagne de vaccination pourrait commencer en janvier 2021. Mais voilà que quelques jours plus tard, mercredi 2 décembre, le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, affirmait que l’Algérie «n’avait pris aucune décision» concernant le vaccin anti-Covid. «Il a été dit que le vaccin sera disponible en janvier. Pourquoi ? Nous n’avons encore rien déclaré et nous n’avons pas encore entamé les démarches pour l’acquisition du vaccin et le lancement de la campagne de vaccination», dit le ministre. Et de s’emporter : «Aucun pays ne le fera en janvier. Comment parler de l’Algérie, alors que les autres pays n’ont pas annoncé de date ?» Et le ministre de prévenir : «Personne n’a le droit de parler au nom du comité scientifique (de suivi de l’épidémie de la Covid). Chaque membre du comité doit parler en son nom.» Le ton et les déclarations du ministre témoignent sinon d’une mésentente, du moins d’un manque de coordination.
Car le scénario se répète sur d’autres aspects de la campagne de vaccination, dont celui d’une supposée gratuité. Intervenant à la radio Chaîne 3, le Dr Berkani, en réponse à une question, à savoir si le vaccin contre le virus sera gratuit, a affirmé : «Oui, il sera distribué gratuitement aux citoyens.» Pourtant, la question ne semblait – jusqu’à hier du moins – pas tranchée, car elle ne dépend pas, si l’on en croit les premières déclarations de Benbouzid, du ministère de la Santé. «Nous souhaitons qu’il (le vaccin) sera gratuit, mais celui qui dit qu’il le sera doit assumer sa responsabilités», a-t-il déclaré. Mais l’affaire devient d’autant plus difficile à suivre lorsque le ministre lui-même revient sur ses propres déclarations, précisant hier dans les colonnes du journal Liberté que «la vaccination contre le coronavirus sera gratuite et concernera toute la population qui doit être vaccinée. Nous n’allons tout de même pas importer un vaccin pour protéger uniquement une partie de la population, tous les Algériens seront vaccinés».
Des contradictions émergent parmi les responsables des autorités sanitaires au sujet du type de vaccin à acquérir. «Il y a des difficultés techniques à étudier, dit le Dr Bekkat. Le vaccin doit être adapté à la stratégie vaccinale que nous avons adoptée, selon notre réseau, avec des normes acceptables et applicables et à la portée financière de l’Algérie. Il est important d’adapter le vaccin à nos possibilités : il faut qu’il soit facilement utilisable et conservable, ce qui disqualifie pas mal de vaccins. Il est des vaccins qui nécessitent une logistique ultra sophistiquée. Il semblerait qu’un container qui conserverait 100 000 doses coûterait 20 000 dollars», ajoute Berkani en faisant allusion au vaccin Pfizer. Le Pr Senhadji semble estimer, pour sa part, que l’Algérie possède les moyens et la logistique nécessaires pour acquérir les vaccins anti-Covid, y compris celui développé par Pfizer/BioNTech qui doit être stocké sous des températures très basses (-70° C). «Nous disposons de tous les moyens pour acquérir les vaccins, notamment ceux qui nécessitent un stockage à basses températures», a expliqué le professeur Senhadji. Là encore, le ministre a tranché, dans une déclaration au journal Liberté, soulignant : «Le Comité scientifique a mal noté les sérums, notamment ceux qui exigent d’être conservés dans des dispositifs de froid à moins de 70 °Celsius. Ces vaccins ne sont pas compatibles avec les équipements de chaîne du froid dont disposent nos établissements de santé.» Cette évaluation s’avère être logique, et ce, par rapport à notre système de vaccination. Ce qui exclut d’emblée les vaccins de Pfizer et de Moderna. Quoi qu’il en soit, le Dr Berkani Bekkat souligne que tous les détails de la vaccination feront l’objet «d’une décision consensuelle entre le comité, le ministère de la Santé et toutes les autorités algériennes». Rien n’est moins sûr.