Un récit anecdodique, alimenté par des témoins acteurs
A l’occasion du 60e anniversaire
des manifestations du 11 décembre 1960, et parallèlement à la diffusion gratuite sur internet
de Petite Collection Naqd consacrée aux manifestations de
décembre 1960, Mathieu Rigouste met en accès libre son documentaire historique consacré
à cet événement sur internet.
De la sorte, indique Daho Djerbal, historien et directeur de la revue Naqd, la rédaction de cette dernière et Mathieu Rigouste mettent ainsi à la disposition du grand public et de la nouvelle génération des deux rives ce moment marquant dans l’histoire contemporaine. Un seul héros, le peuple met «au centre de la réflexion la question du sujet réel de l’histoire comme acteur de son destin et comme porteur de la mémoire collective». Nous avons visionné le film et l’on peut vous assurer que les promesses de son angle d’attaque sont largement honorées. Vous le constaterez lorsqu’il sera diffusé sur le Net (unseulheroslepeuple@riseup.net) en exclusivité mondiale du 10 au 15 décembre. Bonus en outre, il traite, non sans originalité, l’histoire du formidable soulèvement populaire qui, malgré une féroce répression, a changé le cours de l’histoire de la lutte d’indépendance, hâtant l’issue de cette dernière. Ainsi la contre-insurrection, engagée au profit de l’apparition d’une troisième force politique en vue de favoriser une indépendance de l’Algérie mais dans la dépendance de la France coloniale, a été déjouée par des manifestations spontanées à travers le pays sur plusieurs jours. Uni par un même souffle, sans le moindre mot d’ordre du FLN/ALN, c’est le peuple qui en est le héros, d’où l’expression qui a été galvaudée par des idéologues s’évertuant à effacer de la mémoire collective les historiques chefs qui avaient le leadership sur le combat libérateur. Le film, fruit de sept années de recherches hors de toute tutelle, produit en autofinancement garantissant l’autonomie d’écriture, porte exclusivement sur les manifestations à Alger. Des anonymes parmi les citoyen(ne)s qui y ont participé sont interviewés. Mais, pourquoi Alger et pas d’autres villes ? Parce que, de l’avis du producteur-réalisateur, l’armée française y a mené une opération de pacification appelé La bataille d’Alger entre janvier et septembre 1957, ce qui a permis de quadriller militairement La Casbah et de mener une forme de guerre policière dans et contre la population. De la sorte, les forces de la répression ont réussi par la terreur à démanteler l’appareil politique du FLN dans Alger. «Et depuis, l’armée française a construit le mythe mondial de son excellence dans l’éradication des ennemis intérieurs.» La soi-disant Bataille d’Alger a servi de modèle pour une application en ville de cette doctrine de la guerre contre-révolutionnaire mise en oeuvre en Algérie. Mais elle est devenue aussi le support publicitaire d’une nouvelle industrie militaro-sécuritaire, qui n’a eu de cesse de se développer jusqu’aujourd’hui, et qu’on nomme contre-insurrection. Sur ce marché mondial, l’industrie française se vante d’être spécialisée dans le domaine du maintien de l’ordre… depuis la Bataille d’Alger. Dans l’affaire, ce qui est occulté, ce sont les manifestations du 11 Décembre qui ont largement démenti l’efficacité de la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire, puisque la guerre révolutionnaire a repris sous une autre forme. Pour en faire la démonstration, le film déroule en première partie un récit anecdotique alimenté par des témoins-acteurs. Il accumule méthodiquement les preuves de son argumentaire. C’est dans une seconde phase qu’il prend de la densité en s’enrobant de son discours filmique d’esthétique et en procédant à l’analyse des faits. Jusqu’aux plus anodins, c’est-à-dire les chants, les youyous, les danses et les transes qui, mine de rien, extériorisent un inconscient refoulé, débordant dans son expression la «machine de guerre policière censée avoir écrasé l’organisation rebelle». C’est ce «DiênBiên-Phu politique de la guerre d’Algérie» qui est décortiqué par des spécialistes entre historiens et chorégraphes (Eh oui !) et psy. Un film absolument à voir. M. Kali