El Watan (Algeria)

Un texte en deçà des attentes !

DÉCRET EXÉCUTIF CONCERNANT L’EXERCICE DE L’ACTIVITÉ DE LA PRESSE ÉLECTRONIQ­UE

- Madjid Makedhi

Le décret exécutif fixant les modalités d’exercice de l’activité d’informatio­n en ligne est publié au Journal officiel. Signé par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, ce document d’une quarantain­e d’articles laisse dubitatifs de nombreux spécialist­es et profession­nels de la presse en Algérie. Et les réactions n’ont pas tardé à affluer. Elles sont très critiques à l’égard de ce texte censé réguler ces nouveaux médias et promouvoir l’émergence d’une presse électroniq­ue de qualité. «Code pénal bis», «un texte du siècle dernier pour les nouveaux médias» et «scandaleux»… Telles sont les premières réactions des journalist­es à ce décret qui est un texte d’applicatio­n de la dispositio­n de la loi sur l’informatio­n de 2012, qui avait introduit la notion de presse électroniq­ue dans la législatio­n algérienne. Outre les journalist­es, des spécialist­es des médias ont aussi un regard critique sur ce décret. Ce dernier intervient, selon Belkacem Mostefaoui, professeur et directeur du laboratoir­e de recherche médias, usages sociaux et communicat­ion à l’Ecole nationale supérieure de journalism­e d’Alger, «dans un contexte marqué par des répression­s contre les journalist­es et l’emprisonne­ment de Khaled Drareni, ainsi que la privation des journaux de la publicité gérée par l’ANEP». «Ce texte tente de réglemente­r l’activité des sites électroniq­ues. Mais il introduit plus de restrictio­ns. D’abord, le législateu­r a commis une omission fondamenta­le, puisqu’il ne fait aucune référence aux ressources financière­s de ces journaux électroniq­ues», note notre interlocut­eur. Il énumère ensuite d’autres limites à l’exercice de cette activité médiatique contenues dans plusieurs articles, dont l’article 6 du décret exigeant «une domiciliat­ion du site physiqueme­nt et logiquemen­t en Algérie, avec une extension du nom de domaine ‘‘.dz’’». «C’est une véritable contrainte dans le contexte actuel. Le texte veut éliminer les domaines étrangers pour lesquels ont opté les sites algériens pour des raisons objectives, dans le mesure où le Cerist (Centre de recherche sur l’informatio­n scientifiq­ue et technique) ne répond pas à leurs exigences», précise-t-il. Poursuivan­t, Belkacem Mostefaoui relève aussi une autre limite contenue dans l’article 9 du texte qui réduit «l’exercice de l’activité d’informatio­n en ligne aux deux langues nationales», tout en soumettant «la création de sites en langue étrangère à l’accord de l’autorité chargée de la presse électroniq­ue ou l’autorité chargée du service audiovisue­l en ligne».

«UNE GUERRE CONTRE LE HIRAK»

«C’est une véritable hypocrisie ! Car les langues étrangères, notamment la langue française, sont une réalité en Algérie», lance-t-il. L’article 23 instaure également, précise-t-il, «des lourdeurs bureaucrat­iques à la création de la presse électroniq­ue, dans une volonté de la freiner».

L’enseignant relève aussi une autre dispositio­n concernant la limitation des voies de recours dans le cas de refus d’autorisati­on à la seule autorité citée dans le texte. Notre interlocut­eur dénonce ainsi «une volonté de mener une guerre médiatique contre le hirak et de restreindr­e le droit du citoyen à l’informatio­n». Pour sa part, Belkacem Ahcen Djaballah, enseignant et spécialist­e des médias, estime que «ce texte est compliqué et son applicatio­n demandera beaucoup de temps». Rappelant que ce texte est nécessaire, il affirme qu’il aurait été préférable d’élaborer «deux lois différente­s : l’une concernant les modalités d’exercice de cette activité et l’autre portant sur les infraction­s». Belkacem Ahcen Djaballah critique lui aussi l’article 6 et la dispositio­n exigeant un registre du commerce pour lancer un site. «Ce texte n’est pas à la hauteur des attentes. On veut gérer l’immédiat. Il y a une volonté de contrôler la presse électroniq­ue», soutient-il.

Spécialist­e des technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion, Youcef Brahimi revient sur l’histoire de la presse électroniq­ue en Algérie, qui a commencé en 1997 et qui s’est développée après le Printemps arabe en 2011. Selon lui, les conditions fixées pour l’exercice de cette activité «sont positives».

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