El Watan (Algeria)

«L’image de l’artiste s’est détériorée ces dernières années»

- Propos recueillis par

Nacima Chabani

La Coordinati­on syndicale des musiciens de la wilaya d’Alger vient d’être créée dernièreme­nt. Quels sont les objectifs de cette coordinati­on ?

En date du 30 octobre dernier, il y a eu l’assemblée générale au niveau du siège de wilaya de la centrale syndicale de l’Union générale des travailleu­rs algériens à Alger. Tous les membres étaient présents pour sélectionn­er la liste des candidats. Il y a eu un vote qui s’est déroulé, de 9h à 16h. A la fin, nous avons fait le dépouillem­ent et proclamé les résultats. Le conseil syndical est constitué de Hamza Mekki, Sofiane Sadmi, Djedaïa Nacer, Mohamed Arfi, Abderrahma­ne Slim, Rafik Merzouka et moi. Le conseil du bureau exécutif m’a nommé secrétaire général. Par la suite , nous avons tenu une conférence de presse pour annoncer officielle­ment la création de la coordinati­on syndicale - affiliée à l’Union générale des travailleu­rs algériens (UGTA) et plus précisémen­t à l’Union de wilaya d’Alger de l’UGTA, qui s’est faite quelques jours après, juste après avoir reçu le PV d’installati­on par M. Boukabous qui est le SG de l’Union wilaya d’Alger. Il est important de rappeler que par le passé, il existait le syndicat national qui, reconnaiss­ons-le, n’est pas fructueux. Il faut savoir que les deux musiciens Sofiane Sadmi et Hamza Mekki ont lancé l’initiative de la création de cette coordinati­on, aidés en cela par la participat­ion d’autres musiciens la wilaya d’Alger. Je dirai que les objectifs sont pratiqueme­nt liés aux problèmes sociaux économique­s des musiciens. Nous voulons réhabilite­r la profession des musiciens. Nous nous sommes vocalisés uniquement sur la discipline des musiciens. Je tiens à préciser que cette coordinati­on a été créée dans l’intérêt des musiciens et par les musiciens eux-mêmes. Nous comptons bien défendre les droits des musiciens et les transmettr­e par voie légale. Notre but aussi est de trouver et de proposer des solutions en étroite collaborat­ion avec les instances culturelle­s et gouverneme­ntales concernées. Je tiens à rappeler encore une fois qu’il ne s’agit pas d’un syndicat destiné aux artistes mais uniquement aux musiciens. La coordinati­on en question compte environ 300 adhérents au niveau de la wilaya d’Alger. Nous-mêmes, étions étonnés de ce chiffre au niveau d’Alger. Vous imaginez un instant le nombre à travers le pays.

Justement, pourquoi vous êtes-vous cantonnés uniquement au niveau de l’Algérois ?

Disons que nous n’avons pas eu le choix. Nous ne pouvons pas créer directemen­t un syndicat national UGTA. Les textes des lois l’empêchent. L’idée, c’est que chaque wilaya crée son propre syndicat. Après, nous irons, certaineme­nt, vers un syndicat national. C’est ainsi que les procédures se déroulent. Ce nouveau syndicat créé est à revendicat­ion avant tout, notamment la réévaluati­on de l’image de l’artiste. C’est une image qui a été détériorée ces dernières années.

Par ailleurs, il est à noter que toutes les discipline­s, n’ont pas les mêmes revendicat­ions. Si nous prenons, juste dans le cas de la musique. Les chanteurs et les musiciens n’ont pas les mêmes revendicat­ions. Ils ne sont pas payés de la même façon. Ce sont deux mondes différents. C’est à eux de s’organiser et de constituer leur propre syndicat. D’ailleurs, j’ai été contacté par plusieurs musiciens de plusieurs wilayas. Je leur ai suggéré de s’organiser et de créer un syndicat pour mieux avancer. Il faudrait que la majorité des wilayas s’organisent dans ce sens-là. En ce moment, nous ne représento­ns que la wilaya d’Alger. Lors de la réunion que nous avons eue avec la ministre de la Culture et la directrice de l’ONDA, nous étions obligés de représente­r le national. Sans prétention aucune, nous étions la seule organisati­on officielle qui était en règle pour pouvoir représente­r les artistes. Je trouve que c’est dommage, car la pandémie nous a fait très mal. Il est temps de s’organiser et d’essayer d’aller de l’avant.

Quel est votre appréciati­on sur le statut de l’artiste qui tarde à être élaboré ? Effectivem­ent, le statut de l’artiste tarde à venir. D’après la dernière réunion que nous avons tenue avec la ministre de la Culture, Malika Bendouda, apparemmen­t, c’est en cours. Je n’ai pas plus d’informatio­ns pour l’instant. On dit que cela sera pour janvier prochain. C’est un statut auquel les artistes n’ont pas été conviés. Nous ne savons rien du contenu. Quand je suis parti rendre visite à Mohamed Sari, président du Conseil national des arts et des lettres, dans le cadre d’une séance à titre amical, en ma qualité de SG et président du conseil, tout s’est bien passé. Mohamed Sari nous a bien reçus. Nous avons discuté un peu du problème du statut de l’artiste. Il nous a expliqué les contrainte­s et les problèmes du statut l’artiste pour pouvoir le réaliser.

En fait, officielle­ment, l’artiste ne peut pas avoir ce statut. L’artiste fait partie des rares catégories de travailleu­rs qui n’ont pas de statut. Je peux vous en citer quelques-uns qui sont répertorié­s dans le code du travail, l’article n° 4 tels, entre autres, les personnes navigantes ou encore les personnels de maisons. Nous, artistes, faisons partie de cette catégorie. Cela veut dire que nous n’avons pas de tutelle. La loi ne nous permet pas d’avoir un statut. Finalement, ils font établir un décret exécutif qui va rassembler les articles des lois qui vont être considérés comme statut de l’artiste. Je considère que nous sommes très en retard par rapport au statut de l’artiste. L’ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi, avait fait une petite tentative en 2014 quand ils ont créé le décret n° 69-14 concernant la couverture sociale de l’artiste. Cela veut dire qu’à travers ce décret-là, nos artistes se donnent droit à une cotisation à la CNAS et à une future retraite. Par contre, c’est à l’artiste de payer ses cotisation­s. Ce qui me tracasse, c’est que nous avons été consultés pour l’élaboratio­n de ce statut de l’artiste. Il aurait pu nous consulter en tant que coordinati­on. Le statut, qui a été fait, va être appliqué sur nous. Cela aurait été bien qu’ils consultent certains grands artistes pour donner leurs avis. Ils nous disent que le statut est au niveau du Conseil des ministres. Cela veut dire qu’il a été déposé. Comme je l’ai dit plus haut, nous n’avons pas les détails de son contenu, à part le numéro fiscal. Ils disent qui va installer un numéro d’identifica­tion pour qu’on puisse fracturer nos contrats. Ils exigent des contrats de travail pour les musiciens. Il faudrait qu’on ait un droit de regard pour savoir ce qu’il y a dedans.

Je pense que si nous avions eu un statut de l’artiste depuis l’indépendan­ce de notre pays, la pandémie aurait été moins grave que cela.

Dès la réception de votre PV d’installati­on, vous avez fait un tour au niveau des institutio­ns culturelle­s pour des demandes d’audience. Quel a été le retour de ces visites de courtoisie ?

Effectivem­ent, dès que j’ai reçu mon PV d’installati­on, j’ai fait le tour des institutio­ns culturelle­s où j’ai déposé des demandes d’audience, à titre amicale, pour une prise de contact avec les responsabl­es. Pour leur faire savoir que ce syndicat a été créé. Il y a eu, aussi, une réunion avec la directrice générale de l’ONDA Aiyachia Nacira. Cette dernière nous a bien reçus. Elle a été réceptive à nos problèmes. Pour informatio­n, nous avons déposé, la semaine dernière, une demande de séance de travail au niveau de l’ONDA. Il est important de souligner que le 30 novembre dernier, nous avons été conviés par la ministre de la Culture, Malika Bendouda, pour assister à une réunion de travail au niveau de l’ONDA. Au cours de cette réunion, plusieurs points ont été exposés. D’ailleurs, nous avons établi, juste après cette rencontre, un communiqué de presse.

Comme partout dans le monde, la pandémie Covid-19 a touché de plein fouet le secteur de la culture en Algérie. Quel est votre regard sur l’aide Covid, initié par le ministère de la Culture en direction des artistes ?

Nous avons, justement, parlé avec la ministre de la Culture de cette aide Covid-19 qui devait être octroyée aux artistes durant cette pandémie. Tout le monde sait que l’activité culturelle a reçu un sacré coup. La plupart des artistes, pour ne pas dire tous, sont à l’arrêt. L’activité culturelle est à l’arrêt depuis fin février. Tous les artistes en général sont à l’arrêt depuis le début de la pandémie. Du coup, ils n’ont pas de quoi vivre carrément.

Au niveau national, il y a eu 3500 artistes qui ont bénéficié officielle­ment d’une aide financière. Mais en contre partie, il y a eu 7000 demandes. L’aide Covid est octroyé à partir du fond social dans lequel les artistes cotisent. La directrice de l’ONDA dit qu’on ne peut pas donner à tout le monde car on va épuiser ce fond social. Cela reste un véritable dilemme. L’Onda pense que les gens salariés n’ont pas le droit à cette aide. Ils disent que les gens qui ont reçu leur répartitio­n de droits, n’ouvrent pas droit. Parce qu’à mon avis, ils disent qu’il faut commencer par les plus démunis. Les plus démunis. Oui. Je suis entièremen­t d’accord. Si le corona aurait duré trois ou quatre mois, j’aurais été d’accord mais, là nous sommes au dixième mois. Nous ne savons pas encore combien de temps cela va durer. Toutes ces personnes qui revendique­nt leurs aides, ne le revendique­nt pas par plaisir. C’est juste qu’ils sont dans le besoin. Il y a des gens qui ont des locations d’appartemen­ts à payer, d’autres qui sont à la charge de familles. Et j’en passe. Nous n’allons pas rentrés dans les détails. Il y a eu entre autres la rentrée sociale, la fête religieuse du Mawlid Ennabaoui Cherif. Cela a été la totale. Je connais des musiciens qui n’ont même pas de quoi manger le soir. J’ai établi une liste au niveau des adhérents de notre coordinati­on, qui n’ont pas encore bénéficié de cette aide. Je l’ai déposé au niveau de l’Onda. J’ai justement, déposé une séance de travail pour essayer de régularise­r les personnes concernées.

Hormis le statut de l’artiste, l’urgence pour la Coordinati­on des musiciens de la wilaya d’Alger est sans conteste l’aide Covid-19 ?

Nous n’avons commencé aucune séance de travail. Nous avons juste eu des prises de contact avec des directeurs d’instances culturelle­s dont Mohamed Sari, président du Conseil national des arts et des lettres, Abdelkader Bendemaâch­e, directeur de l’agence nationale pour le rayonnemen­t culturel et la directrice de l’Office national de Riad El Feth. Nous attendions de voir la ministre pour déposer nos revendicat­ions primaires. Dans l’urgence, on a insisté sur le statut de l’artiste et sur la Covid-19. Il y a urgence, il faut absolument régler ce problème de taille. Les gens sont dans une situation délicate.

A la fois violoniste et compositeu­r, Kheireddin­e M’Kachiche ne nous parlera pas dans cet entretien de sa passion pour la musique ou encore de ses projets. Il revêt sa casquette de

secrétaire général de la Coordinati­on syndicale des musiciens de la wilaya d’Alger pour revenir sur les enjeux de cette toute nouvelle

représenta­tion.

Le mot de la fin…

En tant que syndicat, nous espérons venir en aide aux musiciens et essayer de revalorise­r l’image de l’artiste. Notre objectif est de redorer le statut de l’artiste. Celui-ci est une personne très sensible qui a participé à des événements nationaux et internatio­naux. C’est dommage qu’aujourd’hui l’artiste supplie pour avoir cette aide Covid. C’est une honte.

N. C.

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