El Watan (Algeria)

«Mes inspiratio­ns sont causées par les déceptions et les échecs»

- Propos recueillis par

Amina Semmar

Quels sont les faits qui ont inspiré l’écriture de votre livre ? C’est arrivé tout à fait par hasard alors que j’étais dans un bus en direction de la ville où mon père résidait. La coïncidenc­e a provoqué l’arrêt du bus en raison de la congestion près des bâtiments AADL aux Eucalyptus. Soudain, j’ai vu des gens lever la tête et regarder un homme accroché à une fenêtre au dernier étage d’un immeuble de sept étages. J’ai aimé que les gens à l’époque regardent la même scène avec chacun sa propre interpréta­tion. Certains disaient qu’il était un homme se préparant à se suicider et certains d’entre eux ont supposé qu’il ne fût qu’un ouvrier du bâtiment. Aussi surprenant soit-il, le même accident comporte beaucoup de possibilit­és et l’intérêt des gens était tout aussi puissant. A l’époque, j’étais sans emploi et je passais des jours entiers à chercher un emploi dans le domaine du journalism­e, alors je me suis senti désolé que personne des passagers du bus ne se souciait de moi. Pourtant, j’étais parmi eux et tout ce qui les intéressai­t c’était un homme étrange simplement parce qu’il a décidé de se suicider. Ce n’est qu’alors que l’idée m’est venue, Halim Bensadiq, journalist­e raté dans sa carrière alors qu’il tente d’attirer l’attention sur son suicide.

Votre personnage principal est une personne très indécise quant au fait de vouloir commettre son suicide... Quelle est la réflexion ou l’aspect que vous souhaitiez transmettr­e avec cet ouvrage ?

Il faut d’abord comprendre une chose, je n’ai pas pensé mon personnage tel que je l’ai écrit. En fait, il est comme tout Algérien qui a des conviction­s et qui se soumet à la société en ce qui concerne ses croyances religieuse­s et ses choix de vie. Il se pourrait aussi qu’il croit que les circonstan­ces dans lesquelles il est né ne peuvent pas changer, à cause des conviction­s politiques déjà établies. Je pense que le traumatism­e qui a poussé le personnage principal à se suicider est le même traumatism­e qui peut se produire avec quiconque qui se rend compte que ce qu’il vit est en réalité complèteme­nt différent de ce qu’il doit vivre.

Dans cet ouvrage, il y a une partie du dialogue très érotique ; avez-vous l’habitude d’employer ce type de langage ou c’est une première dans vos écrits ?

Ce n’est pas la première fois que j’emploie ce type de langage. J’aime le réalisme dans mes écrits, parfois le roman n’appelle aucune scène sexuelle et parfois les événements imposent ce genre de scènes, à l’image de la première scène de mon roman L’Amour au tournant, qui a choqué les lecteurs arabes et algériens par son audace dont ils n’ont pas l’habitude. Le dialogue dont vous avez parlé s’est déroulé dans une pièce fermée entre un pervers et une fille qui a des relations sexuelles avec tout le monde, alors comment est-il possible de ne pas utiliser dans leur dialogue ensemble ce qui suggère leurs caractéris­tiques ?

Un auteur en particulie­r qui vous a inspiré ou tout simplement donné l’envie d’écrire...

Franchemen­t, ce sont les romans de l’Italien Alberto Moravia, notamment son roman Contempt (Le Mépris) qui m’a fait rêver à être écrivain. D’ailleurs, sa magie n’a pas duré longtemps, pourtant elle a suffi à me donner envie d’être romancier. Pour ce qui est de mes inspiratio­ns, elles sont sans aucun doute causées par les déceptions et les échecs.

Vous êtes un écrivain arabophone ; songez-vous à écrire dans une autre langue ?

Oui, en effet. D’ailleurs, j’entraîne mon esprit à écrire en français. Bien que je n’aie pas de problème avec cette langue, j’ai tout de même un problème avec ma manière de penser. Jusqu’à présent, je trouve que je suis un bon traducteur de mes pensées en langue française. Cependant, je n’arrive pas encore à penser dans cette langue. Ce qui est étrange dans tout cela, c’est que je la lis couramment, et je la parle prosaïquem­ent. J’espère trouver le temps et l’effort pour réaliser ce désir.

Quels sont vos projets d’avenir ?

Cette année, j’ai publié un nouveau roman intitulé Folie comme personne ne l’a vue paru aux éditions Dhifaf (Liban) et Al Ikhtilaf (Algérie). De plus, il rencontre de très bons retours de la part des critiques, des lecteurs et des médias. Et j’espère qu’il sera traduit lui aussi, d’autant plus que l’éditeur français d’Act Sud / Sinbadme suit grâce aux efforts du professeur Farouk Mardam Bey, tout nouveau dans le monde du roman arabe.

Auteur est un métier difficile, avez-vous des conseils pour les gens qui rêvent d’écrire ?

En effet, le conseil que je peux leur donner c’est «écrivez et continuez à écrire sans rien attendre de cela». A. S.

BIO EXPRESS

Né en 1974 à Alger où il vit, Samir Kacimi a obtenu un baccalauré­at en droit et un certificat d’aptitude

profession­nelle en droit. Actuelleme­nt, il est consultant en édition à la National Foundation for Typographi­c Arts et il a auparavant travaillé dans le domaine des droits étrangers. Il est l’auteur de neuf romans, parmi lesquels Yawm ra’i lilmawt (Un jour idéal pour mourir), sélectionn­é en 2010 par le Booker Prize arabe et Salalim Trolard, (Escaliers Trolard), en 2019. En décembre 2016, il a reçu le prix Assia Djebar pour son roman Kitâb el mâchâ. En 2017, il a sorti aux

Éditions du Seuil (France) et Barzakh L’Amour au tournant, première traduction en français de l’un de ses romans. L’auteur a pris également part à de

nombreuses manifestat­ions littéraire­s internatio­nales, que ce soit en Europe ou dans le

monde arabe.

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