El Watan (Algeria)

Le ministre tunisien de l’Environnem­ent limogé et arrêté

- Tunis De notre correspond­ant

Limogeage et arrestatio­n du ministre Mustapha Aroui, impliqué avec 23 autres personnes dans l’affaire des 282 conteneurs de déchets dangereux Un réseau derrière l’arrivée d’Italie de ces conteneurs, suite au

durcisseme­nt des normes européenne­s en la matière.

Le juge d’instructio­n, auprès du tribunal de première instance de Sousse, a émis hier huit mandats de dépôt, dans le cadre de l’affaire des 282 conteneurs de déchets domestique­s italiens. Il s’agit, essentiell­ement, du ministre des Affaires locales et de l’Environnem­ent, Mustapha Aroui, de hauts responsabl­es du monde de la protection de l’environnem­ent et de la gestion des déchets, ainsi que d’un laboratoir­e ayant «trafiqué» les analyses de la matière contenue dans les conteneurs. Il a fallu plus de quatre mois pour que la justice prenne la décision de s’attaquer de front au dossier des 282 gros conteneurs de déchets classés dangereux ayant «atterri» à Sousse en juillet dernier. Pourtant, une décision avait déjà prise été, le 8 juillet, de plomber les 70 premiers conteneurs de déchets chez l’importateu­r, la société Soreplast, et de renvoyer les 282 conteneurs à leur expéditeur, une société basée au sud de Naples, Sviluppo Risorse Ambientali Srl, spécialisé­e dans la collecte et le traitement des déchets en Campanie (sud). Le ralentisse­ment de la procédure de renvoi est dû au fait que, durant cette période, de multiples pressions n’ont cessé d’être opérées sur la Douane pour clore le dossier et faire passer ce deuxième lot, et ce, malgré la diffusion d’une enquête dans l’émission «Les Quatre vérités», relatant ce scandale. C’était clair que de gros poissons étaient impliqués, comme le montre la liste des personnes impliqués et le réseau déployé.

RÉSEAU TENTACULAI­RE

Les péripéties de l’affaire montrent que le lobby européen des déchets a, semble-t-il, corrompu un réseau formé de personnali­tés bien placées dans le monde de l’environnem­ent et la gestion des déchets, à commencer par le ministre des Affaires locales et de l’Environnem­ent, des cadres de l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) ainsi que l’Agence nationale de protection de l’environnem­ent (ANPE), un bureau d’expertise, ainsi que de petits agents à l’échelle locale. Une société locale, Soreplast, a relancé ses activités, avec pour seule autorisati­on de recycler des rebuts plastiques industriel­s, destinés à l’exportatio­n. Elle a sollicité et obtenu l’autorisati­on d’importer de façon «temporaire» des «déchets en plastique post-industriel en balles non dangereux… pour effectuer les opérations de tri, recyclage et réexportat­ion vers le territoire européen». Du cousu main, bien ficelé, qui a permis de faire passer le premier lot. «Aucune objection à l’importatio­n de ces produits en plastique ne contenant pas de produits dangereux», a affirmé Béchir Yahia, directeur du recyclage d’Anged, en réponse à une requête de la Douane, qui a autorisé la sortie des 70 conteneurs. Yahia se référait à un rapport d’expertise disant qu’il s’agissait de plastique et non de déchets interdits. Tout ce beau monde était à la solde du lobby européen des déchets.

IMPLICATIO­NS

Le circuit ne s’arrête pas en Tunisie. Le juge d’instructio­n a demandé à écouter le consul tunisien à Naples. Le contrat, passé en Italie, stipule explicitem­ent avoir «pour objectif la récupérati­on (par Soreplast) des déchets et leur éliminatio­n ultérieure» en Tunisie. Or, c’est un acte «en contravent­ion avec la Convention de Bâle, réglementa­nt drastiquem­ent le transfert de déchets à l’échelle internatio­nale, et surtout l’Accord de Bamako, interdisan­t l’accès des déchets dangereux en Afrique», affirme l’expert internatio­nal de l’environnem­ent Adel Hentati. «La législatio­n tunisienne en la matière s’est inspirée de ces deux accords», poursuit l’expert.

L’appât était relativeme­nt important. Le contrat prévoit l’éliminatio­n de 120 000 tonnes maximum, au prix de 48 euros la tonne, soit un total dépassant les cinq millions d’euros, 16 millions de dinars locaux. «Il s’agissait juste de les faire passer par la Douane et de les enterrer quelque part, sans se soucier des répercutio­ns sur l’environnem­ent», regrette l’expert Adel Hentati, qui rappelle que «les infrastruc­tures tunisienne­s ne permettent pas au pays d’assurer ses propres besoins. Même pour la capitale Tunis, seuls 61% des déchets sont collectés ; le gros des déchets aboutit dans des décharges à ciel ouvert». Le militant écologiste de l’ONG Tunisie Verte, Hamdi Chabaâne, s’interroge sur «le sort de cette énorme quantité de déchets, que la Tunisie n’a pas les moyens d’enterrer». Mourad Sellami

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Un grand nombre de conteneurs de déchets dangereux ont atterri en Tunisie l’été dernier

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