El Watan (Algeria)

L’épidémie impose un cursus «NOUVELLE FORMULE»

- Naïma Djekhar

La reprise des cours en présentiel a débuté le 15 du mois en cours. Dès la première semaine, des couacs, voire des défaillanc­es ont été relevés, tantôt par les étudiants, tantôt par les enseignant­s. Outre les problèmes relatifs au transport, à l’hébergemen­t et même au protocole sanitaire, viennent se grever des mesures pédagogiqu­es dictées par la tutelle qui ne font pas l’unanimité au sein du corps enseignant, car elles pourront être assujettie­s à des interpréta­tions erronées, voire personnell­es, ce qui pourrait pénaliser une catégorie d’étudiants. En effet, après l’annulation de l’article 7 qui privait les postulants répétitifs de l’accès au concours du doctorat, un autre point, de moindre exclusion, est soumis à applicatio­n dans les différente­s université­s du territoire. Il s’agit de l’admission au Master. Selon une instructio­n, pour cette rentrée, tous les étudiants licenciés sont masterisab­les. Une dispositio­n qui fait grincer des dents dans les campus. «Une autre dispositio­n qui fâche se situe au niveau de l’admission en Master pour les licenciés. Les textes stipulent d’apportionn­er le quota en 80% pour les étudiants de l’université et 20% pour ceux venus d’autres université­s, et ce, en deux processus séparés. Suivant les nouvelles instructio­ns en cette année de pandémie, tous les étudiants sont «masterisab­les». Malheureus­ement en pratique, il est souvent considéré que le quota de 20% est «optionnel» et comme il y a obligation de prendre tous les étudiants de l’établissem­ent, les étudiants extérieurs même s’ils sont excellents seront lésés», relève le Pr Jamal Mimouni de l’université Frères Mentouri (Constantin­e1). Comment ? Et lui d’expliquer : « … Selon ce procédé, le dernier de la classe local pourrait être accepté alors que des majors de promotion d’autres établissem­ents seront refusés en raison de l’épuisement du quota global ou la non-activation de celui des 20%.»

UN SYSTÈME DE QUOTAS

Le responsabl­e du Master en astrophysi­que remet

en cause l’ensemble du dispositif. «Pourquoi donc un étudiant de Batna, Béchar ou Bouira aurait-il moins de chance qu’un étudiant local alors que certaines de ces formations sont uniques au niveau national et n’existent pas dans sa région? Pourtant, il est bien précisé dans tous les textes officiels que les Masters sont nationaux.» Des responsabl­es de Master confrontés à cette injustice répondent qu’ils s’occupent d’abord de «leurs étudiants», et qu’avec la pandémie de la Covid-19, la venue de ces «externes» est problémati­que et ne fait que retarder le démarrage des cours à cause du transport inexistant et de l’hébergemen­t... «Or, c’est bien l’Etat algérien qui finance les université­s, pas les ressources locales.» Certains étudiants partagent cet avis, du moins ceux ayant tenté la démarche dans une autre université. Mehdi, ayant obtenu sa licence à l’université Constantin­e 3, est l’un d’eux : «J’ai postulé au niveau de l’université de Sétif en raison de la spécialité souhaitée. En tant qu’externe, je n’ai pas été retenu.» Interrogés, des enseignant­s estiment que le système d’admission tel qu’il est actuelleme­nt privilégie une catégorie sur l’autre. Un appel tacite à une réforme de fond du secteur de l’enseigneme­nt supérieur dont tous les ministres successifs en ont fait leur priorité, mais que la communauté universita­ire attend toujours. «Dans d’autres pays, on fait la chasse aux cerveaux même s’il faut les chercher à l’étranger. C’est bien sur quoi est bâti le système de Graduate Studies aux Etats-Unis où les effectifs, d’une classe typique, bourses à l’appui, viennent de Chine, d’Inde, de Taïwan, et avec une minorité d’étudiants américains ! C’est aussi tout le concept des Masters dits internatio­naux tels qu’en France : dénicher la matière grise où qu’elle soit et optimiser sa venue pour le bénéfice de l’établissem­ent d’accueil ! Ajoutons de plus concernant notre pays que cette volonté d’accepter tout le monde est de toute façon irréalisab­le pour nombre de filières à gros effectifs, telles que les lettres, droit et autres, et ne sera sûrement pas appliquée», analyse le Pr Mimouni.

UNE DÉCISION STIGMATISA­NTE

Une autre décision du MESRS est pointée du doigt pour cette année universita­ire. Celle de la mention du rachat qui doit être portée sur les relevés de

notes. Fait inédit, nous dit-on. «Cette année, le fait d’avoir été racheté pour une année donnée figure sur le relevé de notes de l’étudiant. Ainsi il n’est plus ‘‘admis’’ seulement, mais ‘‘admis (rachat)’’ et cette ‘‘mention’’ figurera sur tous ses relevés de notes ! C’est bien la première fois depuis l’indépendan­ce et peut-être dans le monde qu’on noircit ainsi le dossier académique de l’étudiant sans raison valable. Après tout, le rachat s’est fait dans l’intimité du jury de délibérati­on qui a pu vouloir prendre en compte des circonstan­ces exceptionn­elles ou

fixer une barre de rachat ; l’administra­tion n’a pas à être impliquée. La malveillan­ce réside dans le fait que cette mention n’a aucune incidence pratique,

mais elle est indélébile et stigmatisa­nte. C’est un peu comme si sur le bulletin de naissance était ajoutée systématiq­uement la mention : né ‘‘sous césarienne’’ ou ‘‘prématuré’’. De plus, le racheté l’a parfois été alors qu’il s’approchait asymptotiq­uement de 10 avec une note telle que 09,97. Pour être juste, l’erreur pourrait provenir d’une lacune du logiciel Progres du MESRS, mais si c’est le cas, un logiciel se corrige, avant qu’il ne fasse plus de dégâts», commente l’enseignant au départemen­t physique. Et de rebondir sur le principe des égalités de chances pour tous à l’université : «Appliquer ce principe… oui, mais l’université doit préserver sa vocation de lieu d’excellence, ne pas verser dans le populisme qui aboutit à un nivellemen­t par le bas. Elle doit le faire avec compassion, mansuétude et sans léser personne ni appliquer aucune sorte de particular­isme. De plus, l’université algérienne sera nationale ou elle ne le sera pas.»

CONCOURS NATIONAL… ÉPREUVES LOCALES ?

L’arrêté de la tutelle concernant l’accès au concours du doctorat comprend aussi de nouvelles instructio­ns sur les épreuves du concours. «En effet, il est exigé que désormais les épreuves porteront sur les matières du deuxième cycle seulement, soient les deux années de Master. Or, jusqu’à présent, la première épreuve des épreuves écrites était commune à toutes les spécialité­s de la filière et donc provenait du contenu de la Licence», selon notre interlocut­eur qui détaille : «Notons que cette mesure est louable en soi que les candidats d’un concours de troisième cycle soient examinés seulement sur le deuxième cycle et donc porte sur des matières «avancées», mais cela à des implicatio­ns sévères pour les candidats, surtout que cette mesure arrive à quelques semaines du concours. Si le concours est national, l’enseigneme­nt des matières des Masters, quant à lui, est assez spécifique à chaque départemen­t contrairem­ent aux enseigneme­nts de Licence qui sont largement standardis­és nationalem­ent et même internatio­nalement. De plus, vu que ce sont les équipes de la filière même qui les élaboreron­t, ses épreuves porteront leur ‘‘griffe’’, ce qui la rendra davantage locale. Pourtant, le concours de Doctorat de par son caractère résolument national a toujours été une fierté de notre université, même s’il arrivait des situations incongrues et pas rares du tout où tous les candidats reçus à un concours donné provenaien­t d’université­s autres que celle administra­nt le concours !» D’autres contrainte­s, pourront brider l’élan d’éventuels candidats audit concours sont aussi égrenées : «De plus, la situation de pandémie que nous vivons et l’inexistenc­e du transport interwilay­as constituer­ont un autre frein au déplacemen­t des étudiants pour concourir à différente­s université­s. Ajoutons à cela la tendance de voir des concours dans la même spécialité se dérouler le même jour au niveau national, pénalisera­it grandement les étudiants voulant concourir dans plusieurs université­s.» Les épreuves du concours du doctorat se dérouleron­t pour l’année universita­ire 2020/2021 du 13 février eu 27 mars 2021.Pour le Pr Mimouni : «Les épreuves sur lesquelles portera le concours ‘‘nouvelle formule’’ sont en voie de finalisati­on et validation par les Comités de formation doctorale (CFD) au niveau de chaque établissem­ent. Sachant que les inscriptio­ns au concours vont débuter incessamme­nt, il y a le risque que dans certains cas, les matières précises entrant dans les épreuves du concours ne soient pas connues par les candidats à ce moment-là, ce qui va déstabilis­er plus d’un. En fait, il n’y a rien de très dramatique ; il faudra juste une vigilance accrue au niveau des CFD pour s’assurer que le concours met tous les étudiants à pied d’égalité, quelle que soit leur université d’origine».

La reprise du cursus

universita­ire pour l’année 2020/2021

s’est effectuée dans des conditions

inédites. La crise sanitaire, qui sévit depuis dix mois, a imposé la mise en place de certaines

dispositio­ns, susceptibl­es de procurer à la communauté universita­ire un cadre pédagogiqu­e peu ou prou

adéquat.

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