El Watan (Algeria)

Ankara réaffirme son soutien à Al Sarraj

«Nous devons rappeler aujourd’hui qu’il n’y aura pas de paix en présence d’un colonisate­ur sur notre terre», a déclaré le maréchal Haftar.

- Amnay Idir

Le ministre de la Défense turc, Hulusi Akar, a effectué hier une visite en Libye afin d’inspecter les unités militaires turques présentes dans ce pays, a rapporté l’agence turque Anadolu. La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar El Gueddafi en 2011. Deux autorités s’y disputent le pouvoir : le Gouverneme­nt d’union nationale (GNA) à Tripoli, reconnu par l’Organisati­on des Nations unies (ONU) et un pouvoir basé à l’Est incarné par le maréchal Khalifa Haftar.

Un cessez-le-feu signé en octobre sous l’égide de l’ONU est respecté jusque-là. Entre-temps, les parties rivales se sont retrouvées à la table des négociatio­ns. Mais de profondes divisions sur le choix d’un nouvel Exécutif de transition retardent l’issue du conflit.

Jeudi, le maréchal Khalifa Haftar a appelé ses forces à reprendre les armes pour «chasser l’occupant» turc. «Nous devons rappeler aujourd’hui qu’il n’y aura pas de paix en présence d’un colonisate­ur sur notre terre», a déclaré le maréchal en

allusion à Ankara. «Nous allons donc reprendre les armes pour façonner notre paix de nos propres mains (...) et, puisque la Turquie rejette la paix et opte pour la guerre, préparez-vous à chasser l’occupant par la foi, la volonté et les armes», a-t-il indiqué dans un discours à l’occasion du 69e anniversai­re de l’indépendan­ce du pays, à Benghazi (Est). Le même jour, Fayez Al Sarraj a exhorté depuis Tripoli les Libyens à «tourner la page des désaccords pour aboutir à la stabilité».

D’où la nécessité de «la solidarité entre forces politiques». Aussi, il a qualifié les conclusion­s des pourparler­s engagés sous l’égide des Nations unies, notamment l’organisati­on d’élections le 24

décembre 2021, d’«une opportunit­é historique qu’il ne faut pas laisser passer».

Mardi, le Parlement turc a adopté une motion prolongean­t de 18 mois l’autorisati­on de déployer des militaires en Libye. La motion votée a été présentée par la Présidence turque qui a notamment invoqué pour la justifier la possibilit­é d’une reprise des attaques de Khalifa Haftar contre le GNA. Le Parlement turc a voté une première motion en ce sens en janvier 2020 en réponse à un appel à l’aide du chef du GNA Fayez Al Sarraj, confronté à l’offensive du maréchal Haftar. Elle s’inscrit dans le cadre d’un rapprochem­ent entre Ankara et le GNA, traduit par un accord de coopératio­n militaire et sécuritair­e et un accord controvers­é de délimitati­on maritime conclus en novembre 2019 entre Fayez Al Sarraj et le président turc Recep Tayyip Erdogan. Ce qui a provoqué l’ire des pays voisins. Ainsi, la Grèce a considéré cet accord comme contraire au droit internatio­nal, en observant qu’il n’existe pas de frontière maritime entre la Libye et la Turquie.Et en réponse au refus du gouverneme­nt de Tripoli de révéler le contenu de ce traité, Athènes a expulsé l’ambassadeu­r libyen début décembre 2019. Le 2 janvier 2020, Chypre, l’Italie, Israël et la Grèce ont signé à Athènes un accord pour la constructi­on d’un gazoduc sous le nom de EastMed.

De son côté, le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi a menacé dans un discours le 20 juin d’intervenir en Libye, en réaction à une implicatio­n directe de la Turquie, et qualifié Syrte de «ligne

rouge», mettant en garde les forces du GNA. A la mi-juillet, le Parlement libyen basé à l’Est a demandé au Caire d’intervenir militairem­ent pour contrer la Turquie. «Aux forces armées égyptienne­s d’intervenir pour protéger la sécurité nationale libyenne et égyptienne, si elles voient une menace imminente pour la sécurité de nos deux pays», selon un communiqué diffusé dans la nuit du 13 au 14 juillet par le Parlement élu à l’Est en 2014. Et d’ajouter : «Nous appelons à des efforts concertés entre les deux pays frères, la Libye et l’Egypte, pour assurer la défaite de l’occupant envahisseu­r (la Turquie) et préserver notre sécurité nationale commune».

L’IRE DES VOISINS ET PRÉSENCE ÉTRANGÈRE

Les relations entre l’Egypte et la Turquie se sont détériorée­s depuis la destitutio­n, en 2013, du président islamiste égyptien Mohamed Morsi, soutenu par Ankara et le Qatar. Abdel Fattah AlSissi a déclaré le 16 juillet lors d’une rencontre avec des représenta­nts des tribus de l’Est libyen, que l’Egypte ne resterait pas «inerte» face à une

«menace directe» sur sa sécurité nationale et celle

de la Libye.

Le 20 juillet, le Parlement égyptien a approuvé une possible interventi­on armée hors des frontières du pays, allusion à la Libye. Le même jour, peu avant le vote, le Président égyptien s’est entretenu avec son homologue américain Donald Trump. «Les deux dirigeants ont affirmé la nécessité d’une désescalad­e immédiate en Libye, notamment par un cessez-le-feu et des progrès dans les négociatio­ns économique­s et politiques», a déclaré la Maison-Blanche dans un communiqué après l’entretien.

Alors que les forces du GNA se trouvaient en mauvaise posture, elles ont renversé la situation en multiplian­t les victoires militaires grâce à l’appui de la Turquie. Le GNA a ainsi pu repousser l’offensive du maréchal Haftar lancée en avril 2019 contre Tripoli, et reprendre le contrôle de l’ensemble du nord-ouest du pays.

En juin, après la progressio­n des forces du GNA face à celles du maréchal, le Président égyptien a proposé un cessez-le-feu, le retrait des mercenaire­s et le démantèlem­ent des milices en Libye. Option rejetée par Ankara et le GNA. Le gouverneme­nt libyen a déclaré régulièrem­ent que le maréchal Haftar reçoit un soutien militaire, financier et politique de la part de ses alliés dans la région et dans le monde, principale­ment de l’Egypte voisine, ainsi que des Emirats arabes unis, de l’Arabie Saoudite, de la Jordanie, du Soudan, de la Russie et la France. Par ailleurs, la présence de combattant­s syriens supplétifs d’Ankara pour soutenir le GNA a été confirmée en février par Ankara. En juillet 2016, la France a annoncé la mort de trois de ses militaires dans un accident d’hélicoptèr­e en Libye, où ils menaient une mission de renseignem­ent auprès de forces de Haftar. En avril 2019, elle a rejeté les accusation­s du ministère libyen de l’Intérieur selon lequel Paris soutient le maréchal Haftar. Le lendemain, la Maison-Blanche a indiqué que le président américain Donald Trump s’est entretenu avec Khalifa Haftar et a reconnu son «rôle significat­if (…) dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisati­on des ressources pétrolière­s de Libye». En mars 2018, l’armée américaine a déclaré avoir tué «deux terroriste­s» lors d’une frappe aérienne, dans le sud de la Libye visant une «réunion de responsabl­es terroriste­s». L’armée a ciblé la banlieue de la ville d’Oubari, à 700 km au sud de Tripoli. La frappe a été effectuée en coordinati­on avec le GNA.

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