UNE LÉGENDE, UNE VOIX, UN COMBAT
La légende de la musique d’expression kabyle, Idir, nous a quittés le 2 mai 2020, à l’âge de 71 ans. Il était celui qui a émerveillé plusieurs générations à travers une poésie, une voix, un engagement, un combat et une humilité... Et une formidable discographie : Avava Inouva, Ssendu, Yelha Wura, Ahgrib, Cfigh, Ay Arrac Nney (A nos enfants), Lefhama
(Tighri Bwgdud), Awah Awah, Tamacahut n tsekkurt, Azwaw – qui sera reprise en duo avec Mami (Au pays des merveilles) et
Zwit Rwit – une autre version par Khaled intitulée
Wine El Harba Wine, réécrite par Mohamed Angar et dont les paroles critiquaient le pouvoir alors du président Chadli Bendjedid, en 1988… Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, né en 1949 à Aït Lahcène, à 35 km de Tizi Ouzou, capitale de la Grande Kabylie, rend hommage à son enfance. Avec le temps vient ce moment important où l’on sent confusément qu’il faut faire le chemin à l’envers pour se sentir totalement rassemblé, unifié, pacifié.
Les chansons populaires sont ainsi toutes les routes qui le ramènent à son berceau de paix et d’identité. Grâce à ce disque, Idir opère donc un pèlerinage musical, il nous donne une leçon et un bel exemple de ce que peut être l’ouverture dans un monde où tout semble être déterminé par le désir du repli. Deux mots qui ne vont pas. Dans un entretien donné à
El Watan paru en 2017, le grand Idir s’était exprimé à propos du Printemps
berbère et de la démocratie. «Il y avait une appréhension. Qu’est-ce qui vous arrive ? Le problème pour ceux qui n’avaient pas compris, c’est que le 20 Avril 1980 et tout ce qui avait suivi par la suite, c’était beau. C’était une lutte pour la démocratie. Parce qu’on aurait pu dire
: berbère point. Et ça s’arrête là. Une lutte contre l’intégrisme, pour le droit des femmes… C’est maintenant que ça se durcit. Je sens un fascisme qui monte de tous les côtés… Quand il fallait donner une définition de la culture algérienne, sa personnalité, son cheminement, sa place à travers la Méditerranée, on a cru bon de la rattacher au monde arabe très abstrait qui n’existe que dans la tête de certains. Par quel prodige cette arabité pouvait-elle avoir l’unanimité ? C’est un projet de société complètement à l’opposé à la réalité du peuple. Ce n’est pas la religion… La Constitution est un mensonge. L’Algérie est un pays arabe où il y a des arabophones, des Berbères, des juifs… Alors, l’islam est religion de l’Etat. Mais l’Etat est permanent, éternel et libre. Il est garant simplement des institutions…»
Il était celui qui a émerveillé plusieurs générations à travers une poésie, une voix, un engagement, un combat et une humilité.