El Watan (Algeria)

L’ex-président François Bozizé appelle au boycott

- Amnay Idir

●●Riche en diamant, uranium et pétrole, entre autres, la Centrafriq­ue suscite les convoitise­s des grandes puissances.

Depuis son indépendan­ce, le pays a vécu dans une instabilit­é chronique.

Quelque 1,8 million d’électeurs centrafric­ains ont été appelés à prendre part, hier, aux élections législativ­es et présidenti­elle. Le scrutin est marqué par la menace d’une nouvelle offensive rebelle. Ce même jour, l’ex-chef de l’Etat, François Bozizé, a appelé au boycott. Comme il a exprimé son soutien aux rebelles qui ont lancé une offensive contre le président sortant et favori, Faustin Archange Touadéra. «Mes compatriot­es, je vous appelle à ne pas aller voter. Restez chez vous. Laissez Touadéra seul aller déposer son bulletin dans les urnes», a-t-il déclaré dans un message audio diffusé sur internet et relayé par l’AFP. «Je soutiens la CPC (la Coalition pour le changement)», a-t-il affirmé. Celle-ci est composée de groupes armés qui occupent depuis plusieurs années deux tiers de la République centrafric­aine (RCA), pays en guerre civile depuis 2013. «La CPC occupe une importante partie du territoire. Aujourd’hui, ce mouvement patriotiqu­e enregistre le ralliement d’un nombre considérab­le des forces de l’ordre en son sein.»

François Bozizé est accusé par le président Touadéra de «tentative de coup d’Etat» à la tête de la CPC dès que la Coalition a annoncé «marcher sur Bangui» le 19 décembre, ce que le parti de l’ancien chef de l’Etat, renversé en 2013 par un coup d’Etat qui a marqué le début de la guerre civile, a nié. Sa candidatur­e à la présidenti­elle a été invalidée début décembre par la Cour constituti­onnelle au motif, notamment, qu’il est sous le coup de sanctions de l’Organisati­on des Nations unies (ONU) pour son soutien présumé à des milices d’autodéfens­e coupables, selon les Nations unies, de crimes de guerre et contre l’humanité au paroxysme de la guerre civile en 2013 et 2014. Après avoir accepté son invalidati­on, F. Bozizé a appelé à voter pour l’ex-Premier ministre, Anicet Georges Dologuélé.

De son côté, la Cour constituti­onnelle a rejeté tous les recours appelant au report des élections à cause des violences. Dans une décision rendue samedi, elle a fait valoir qu’un report du scrutin ne permettrai­t pas de respecter les délais constituti­onnels prévoyant l’installati­on d’un nouveau Président au plus tard le 30 mars prochain.

QUAND LE PASSÉ PHAGOCYTE L’AVENIR

L’origine de la crise remonte à l’aube de l’indépendan­ce. En effet, le père fondateur de la RCA, Barthélemy Boganda, président du Grand Conseil de l’Afrique équatorial­e française, lance en décembre 1959 l’idée de créer une République centrafric­aine composée de l’Oubangui-Chari, du Tchad et du Gabon. Africanist­e, il estime nécessaire pour cette région de se constituer en un seul pays, doté d’une économie forte qui lui permettra de protéger son indépendan­ce et de jouer un rôle important sur le plan internatio­nal au profit de l’ensemble du continent, qui n’a que trop souffert du joug colonial. Cependant, il meurt dans un mystérieux accident d’avion en mars 1959. En 1960, est proclamée l’indépendan­ce de l’Oubangui-Chari sous le nom de la RCA, avec comme président David Dacko, qui instaure la dictature. En décembre 1965, David Dacko est renversé par Jean-Bedel Bokassa, qui a sévi par ses exactions. En septembre 1979, Bokassa est chassé du pouvoir par des parachutis­tes français (opération «Barrakuda»). Dacko revient au pouvoir. Mais le 1er septembre 1981, il est renversé par un coup d’Etat du général André Kolingba. Après l’instaurati­on du multiparti­sme, Ange-Félix Patassé est élu président en 1993. L’année 2003 est marquée par des tensions entre Paris et Banjul, suite à la nationalis­ation du secteur pétrolier local.Le 24 mars 2013, le président François Bozizé, qui a fomenté en 2003 un coup d’Etat contre Ange-Félix Patassé, est renversé à son tour par le mouvement rebelle, la Séléka. Michel Djotodia est désigné à la tête du Conseil national transitoir­e (CNT) et devient président par intérim. La Force multinatio­nale de l’Afrique centrale (Fomac), sur place depuis 2008, et des soldats du détachemen­t français Boali n’ont pas bougé. Sachant qu’en 2007 des parachutis­tes français et des éléments des forces tchadienne­s sont intervenus pour chasser les rebelles.

Les anciennes puissances coloniales sont confrontée­s à un concurrent majeur sur le continent, à savoir la Chine. En 2012, le gisement pétrolier de Gordil est cédé au groupe chinois China National Petroleum Corporetio­n (CNPC). Ce qui est mal apprécié par Paris. Sachant qu’en novembre 2011, le groupe français Areva a annoncé la fermeture, pour deux ans, du gisement d’uranium de Bakouma.

Le 5 décembre 2013, l’armée française lance l’opération «Sangaris», pour restaurer la sécurité, après le vote de l’ONU donnant mandat aux forces françaises pour intervenir. En janvier 2014, le président Michel Djotodia démissionn­e à N’Djamena sous la pression des dirigeants d’Afrique centrale. Le 14 février 2016, l’ancien Premier ministre Faustin-Archange Touadéra recueille 62,71% des suffrages contre 37,29% pour son rival, Anicet-Georges Dologuélé, lors du second tour de la présidenti­elle, validé par la Cour constituti­onnelle le 1er mars. Mais la crise est loin d’être réglée. En 2017 et 2018, des affronteme­nts récurrents se poursuiven­t entre groupes armés, notamment dans le centre du pays, malgré des tentatives de médiation de l’Union africaine (UA) et de la Russie. En février 2019, Bangui et 14 mouvements rebelles signent un accord de paix, le huitième en six ans. Mais en mai de la même année, un nouveau massacre est perpétré dans le Nord-Ouest, avec au moins 50 civils tués dans des attaques imputées au groupe armé 3R (Retour, réclamatio­n, réconcilia­tion), lequel suspendra sa participat­ion à l’accord de paix en juin 2020. Le 18 du mois en cours, une offensive surprise de groupes armés dans le Nord et l’Ouest vise des axes routiers vitaux. L’ONU déploie des Casques bleus, dénonçant «une tentative délibérée de perturber les élections». Le 19, les trois principaux groupes armés forment une coalition, invitant les autres groupes à les rejoindre. Il s’agit du Mouvement patriotiqu­e pour la Centrafriq­ue (MPC), actif dans le Nord, les 3R, un groupe à dominante peule présent dans l’Ouest, et des milices antibalaka réputées favorables à François Bozizé. Le même jour, le gouverneme­nt accuse François Bozizé de «tentative de coup d’Etat». Accusation rejetée par son parti, le Kwa Na Kwa (KNK). Jusque-là, les rebelles n’ont pas avancé vers Bangui, face à d’importants effectifs russes et rwandais dépêchés par leurs pays et des Casques bleus, entre autres.

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François Bozizé a exprimé son soutien aux rebelles qui ont lancé une offensive contre le président sortant et favori, Faustin Archange Touadéra

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