El Watan (Algeria)

15 ans de prison ferme requis contre Mme Maya, Mohamed Ghazi et Abdelghani Zaalane

- Salima Tlemçani

De lourdes peines ont été requises hier par le procureur général près la cour de Tipasa, dans le cadre du procès de l’intrigante Mme Maya, de son vrai nom Zoulikha Nachinach, la prétendue fille du Président déchu Ainsi, une peine de 15 ans de prison ferme a été réclamée contre Mme Maya, Mohamed Ghazi, l’ancien ministre du Travail, Abdelghani Zaalane, ex-ministre des Travaux publics, une autre de 12 ans ferme contre Abdelghani Hamel, ex-patron de la police,

le fils de Ghazi, et 10 ans contre les deux filles de Nachinach.

Le procès en appel de Mme Maya, présumée fille du Président déchu, a repris hier à la chambre pénale près la cour de Tipasa. Ainsi, le représenta­nt du ministère public a requis une peine de 15 ans de prison ferme assortie d’une amende de 6 millions de dinars contre Mme Maya, Mohamed Ghazi, ancien wali de Chlef et ex-ministre du Travail, et Abdelghani Zaalane, ex-wali d’Oran et ancien ministre des Travaux publics. Une autre peine de 12 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million de dinars a été réclamée contre Abdelghani Hamel, ex-patron de la police, l’entreprene­ur Abdelghani Belaïd, ainsi que Karim Goudjil et Belkacem Bensmina. Le parquet a également demandé une peine de 10 ans ferme et 6 millions de dinars d’amende à l’encontre des deux filles de Mme Nachinach, Imene et Farah, et la même sanction, mais avec une amende d’un million de dinars, contre Miloud Benaicha, un autre entreprene­ur, et Boutaleb Mustapha, de même qu’il a requis la confiscati­on de tous les biens de Mme Nachinach et de ses enfants, ainsi que ceux des autres mis en cause. Ce réquisitoi­re a été suivi par les plaidoirie­s de la défense, jusque tard dans la journée. La veille, deux prévenus, Miloud Benaicha et Abdelghani Belaïd, se sont renvoyé les accusation­s au sujet de la somme de 100 millions de dinars trouvée à la villa de Nachinach à Moretti, à la résidence d’Etat. Appelé à la barre, Miloud Benaicha affirme qu’il voulait investir dans les chambres frigorifiq­ues à Oran et son ami Abdelghani Belaïd, «qui m’a fait savoir qu’une de ses connaissan­ces, un député, Ammar Yahiaoui (NDLR : en fuite), qui habite à Moretti, pouvait m’aider. Il m’appelle un jour et me donne rendez-vous à Oran, pour une rencontre avec le wali. C’était un jeudi. Je l’ai trouvé avec un autre entreprene­ur et le fils de Mohamed Ghazi, lequel nous a accompagné­s jusqu’à la wilaya, mais il n’est pas entré avec nous. Zaalane nous a reçus dans son bureau et Belaïd lui a dit que nous étions envoyés d’en haut. Zaalane lui a répondu qu’il n’y avait pas de terrain à Oran et Belaïd a répliqué : ‘‘Nous sommes recommandé­s par la Présidence et vous nous dites il n’y a pas de terrain à Oran ? Lazem tethala fina (il faut vous occuper de nous).’’ Zaalane semblait gêné. Il lui a dit : ‘‘Faites un tour dans la ville, choisissez le terrain qui vous convient et après on verra (…)’’ Le wali, lui, nous a proposé une assiette à Tafraoui, qui ne convenait pas à l’activité du froid. Après il lui a proposé une autre», explique le prévenu.

«TU TRAVAILLES AVEC DES GENS PUISSANTS»

La juge l’interroge sur les 100 millions de dinars (et non pas 10 millions de dinars comme écrit dans notre édition d’hier par erreur) et le prévenu

déclare : «Belaïd m’a demandé 200 millions de dinars pour les donner à Ammar Yahiaoui, en contrepart­ie du terrain obtenu. J’ai trouvé que la somme était trop importante. Je ne voulais pas la lui donner et je le lui ai dit. Il m’a répondu : ‘‘N’as-tu pas peur pour ta vie ? Tu travailles avec des gens puissants qui ont du pouvoir. Ils ont sous leurs ordres la police, la gendarmeri­e et la justice.’’ J’ai eu très peur. J’ai emprunté 100 millions de dinars et je les lui ai remis, en contrepart­ie du service qu’il m’a rendu.» La juge appelle Abdelghani Belaïd, qui nie totalement les faits, en expliquant que Benaicha l’avait sollicité pour l’aider à investir à Oran. «Je lui ai dit que je connais un député qui réside à Moretti qui peut l’aider à avoir un rendez-vous. Je l’ai juste accompagné au bureau du wali. Je n’ai déposé aucune demande ni dossier pour avoir un terrain et je ne lui ai pas demandé d’argent.» Interrogé sur Mme Maya, le prévenu affirme avoir «entendu parler d’elle par Ammar Yahiaoui, qui l’appelait ‘‘lemaalma’’ (la cheffe) et qui était, selon lui, ‘‘très puissante’’», mais il

précise qu’il «ne savait pas que les services qu’elle lui rendait étaient monnayés». Fils de Mohamed

Ghazi, Chafiâ Ghazi, nie catégoriqu­ement avoir accompagné les deux entreprene­urs au siège de la wilaya, avant que Abdelghani Zaalane ne lui succède. Il explique que trois mois avant qu’il ne quitte son poste de wali d’Oran, Mohamed Ghazi, alors ministre du Travail, l’a appelé sur sa

ligne directe lui disant : «Le conseiller et frère du Président m’a demandé de prendre attache avec vous pour prendre en charge des gens de sa famille qui vont lui rendre visite à Oran. Je les ai reçus dans mon bureau. Il y avait Belaïd Abdelghani et Benaicha, que je voyais pour la première fois. Le fils de Ghazi n’y était pas. Je le dis même si c’est à cause de son père que je me retrouve ici. Belaïd voulait un terrain à Oran, à valeur urbaine. Je lui ai dit qu’il n’y en avait pas. Il parlait beaucoup et voulait même bénéficier des actifs résiduels des entreprise­s dissoutes. J’ai refusé.

INTRIGUES À CLUB DES PINS

Il m’a répondu : ‘‘Comment une ville comme Oran ne dispose pas de terrain ?’’ Benaicha m’a parlé d’une demande qu’il avait déposée en 2011. Je lui avais proposé un terrain à Tafraoui, mais il ne convenait pas à son activité de camions frigorifiq­ues. J’ai relevé chez Belaïd beaucoup d’arrogance et une attitude méprisante pour quelqu’un recommandé par la Présidence. J’ai décidé d’appeler le frère du Président, étant donné que Ghazi m’avait dit qu’ils ont été envoyés par lui. Il m’a répondu : ‘‘Je n’ai envoyé personne à Ghazi, mais je suis au courant. Ils ont été envoyés par une dame qui habite Moretti, que Ghazi a connue en 2004, à Chlef. C’est une affaire d’escroqueri­e qu’on est en train de suivre.’’ Je me suis senti victime d’une escroqueri­e. J’ai tout de suite annulé les deux décisions d’attributio­n de terrains que j’avais signées, dix jours auparavant. La première concerne une assiette à Tafraoui de 7000 m2 et la deuxième à Sidi Chahmi de 5000 m2.» Sur sa relation avec

Ghazi, le prévenu affirme qu’«elle est celle qui lie deux commis de l’Etat. Il y avait 17 ministres du gouverneme­nt originaire­s de l’Oranie et quand ils venaient, ils me rendaient souvent visite. C’était le cas avec Ghazi, qui venait souvent avec son fils».

La juge appelle Abdelgani Hamel à la barre, qui

d’emblée nie les faits et jure qu’il n’a vu que «deux fois» Mme Nachinach puis il explique : «Un jour, Ghazi m’appelle et me dit que la fille du Président voulait me voir. J’ai été un vendredi chez lui. Elle y était et on a déjeuné ensemble en présence de sa famille. La seconde fois, c’était après le vol du domicile de Mme Nachinach. Ghazi m’a contacté pour m’en informer. Dans la foulée, il me dit que le Président pourrait prendre mal le fait que ni Hamel ni Ghazi ne soient allés rendre visite à sa fille, dont la villa a fait l’objet d’un vol. Nous sommes allés chez elle à Moretti. Elle était à la maison et elle m’a parlé des caméras de surveillan­ce qu’elle voulait installer. ‘‘Vous les achetez et je vous envoie un de nos technicien­s les placer. C’est la fille du Président. Il vaut mieux que ce soit un policier qui rentre chez elle que quelqu’un d’étranger.’’C’est ce qui s’est passé.» La juge : «Qu’en est-il du véhicule de service mobilisé devant sa maison pour sa sécurité ? Est-ce normal ?» Hamel : «Je ne peux empiéter sur les prérogativ­es des autres collègues. Ni le service de la protection, ni la gendarmeri­e, ni l’EGT Sahel ne m’ont fait part de la présence de ce véhicule.» La juge : «Le chef de service de la sécurité des personnali­tés dit que c’est vous qui lui avez dit d’avoir un oeil sur la maison, et de vous faire part de la moindre informatio­n sur le vol.»

Hamel : «Ce contrôleur qui a témoigné avait sous ses ordres le service de la protection de toutes les personnali­tés. Il était un centralisa­teur de renseignem­ents. Il savait tout ce qui se passait à la zone d’Etat. Il ne m’a jamais rien dit. Une telle mission suppose des rapports de mission quotidiens qui n’existent pas.»

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