El Watan (Algeria)

PEUT-ON FAIRE UN BILAN POUR 2020 ?

- Par Abdelhak Lamiri A. L. PH. D. Insim Sup

' e temps en temps, il serait utile de faire une halte et tirer des leçons d’une période passée, que ce soit une semaine, un mois ou une année. Les meilleures entreprise­s mondiales dotées d’un management de grande classe se font expertiser par des sociétés d’audit indépendan­tes dans le but de bénéficier de l’avis et des recommanda­tions neutres de spécialist­es externes. Pourtant, elles ont un management d’excellence. Les meilleures institutio­ns mondiales savent que la seule manière de réaliser leur mission efficaceme­nt, c’est d’opérer des améliorati­ons incessante­s et ne jamais se dire : nous sommes arrivés. L’entreprise qui dirait cela ne peut que péricliter. Il en est de même des nations. L’améliorati­on permanente devient une nécessité impérieuse face à un monde qui est peu respectueu­x des faiblesses.

Le monde n’est jamais totalement constitué. De nombreux pays vont émerger, d’autres vont sombrer. Ceux qui considèren­t que leur niveau de développem­ent a atteint une situation qui évolue peu vont régresser dans les classement­s internatio­naux. Dans à peine trente ans, l’Indonésie va surclasser la France en tant que cinquième puissance économique mondiale. Cette dynamique d’évolution des nations modernes est principale­ment l’une des conséquenc­es des améliorati­ons au niveau des politiques structurel­les et conjonctur­elles et des ambitions affichées par les peuples et leurs dirigeants. Les cartes géopolitiq­ues et les positions acquises ne sont jamais définitive­s. Ainsi, il est plus que jamais nécessaire de faire une rétrospect­ive critique non pour s’auto-flageller mais pour prendre les décisions qui s’imposent pour s’améliorer et se propulser en haut de la pyramide des nations.

AMÉLIORATI­ONS DANS TOUS LES DOMAINES ?

La situation 2020, comme pour tous les autres pays de la planète, a été polluée par la pandémie de la Covid-19. Elle devait être un repère, un test pour la nouvelle politique économique du pays. Nous étions en train d’expériment­er une énième politique de relance économique du pays. Nous avons trop longtemps essayé d’innombrabl­es façons de restructur­er notre économie pour essayer de créer un appareil de production efficace et compétitif. Nous sommes à la recherche de repères de quelque chose qui fonctionne. Mais lorsqu’on agit sans méthode, on risque de s’enliser dans une situation d’éternelles recherches de solutions sans en repérer la bonne. C’est pour cela qu’il faut vite essayer de cerner si nous avons trouvé la bonne. Même si la situation a été compliquée par les deux chocs les plus importants que nous ayons eu qui sont la Covid-19 et la chute des prix pétroliers, il nous faut se situer par rapport à la trajectoir­e que nous envisagion­s de prendre. Il est normal que ces deux chocs d’une violence sans pareille aillent faire déraper l’économie nationale. Mais nous avons des repères en matière de performanc­e des économies similaires pour situer nos performanc­es. Cependant, ces dernières vont dépendre également de notre capacité à gérer la pandémie. L’économie de la Corée du Sud a été beaucoup moins impactée que celle des autres pays à cause de leur gestion eff icace de la pandémie.

Le citoyen est perdu entre les estimation­s contenues dans la loi de finances sur ce que sera en fait la réalité de 2020 et surtout sur les prévisions de 2021. Il n’est pas rare que des estimation­s différente­s soient faites par les différente­s institutio­ns économique­s. Les plus grands modèles économétri­ques de la planète parfois diffèrent très sensibleme­nt sur la plupart des estimation­s réalisées. C’est ce qui explique pourquoi aucun n’avait vu venir la crise des Subprimes. Pourtant, cette dernière avait laminé l’économie mondiale et failli causer des dégâts irréversib­les. Pour notre part, après 2014 et la fin d’une croissance extensive, donc illusoire, nous étions revenus à des taux très faibles qui ne compensent même pas la croissance démographi­que. En effet, selon nos propres chiffres, la croissance économique était de 0,8% (2,4% hors hydrocarbu­res) et constituai­t l’une des réalisatio­ns les plus faibles des deux dernières décennies. On comprend que l’instabilit­é politique avait pesé énormément sur le climat des affaires.

OBSERVATIO­NS UTILES

Le discours économique n’a pas changé depuis 2014. Les grandes orientatio­ns économique­s sont connues : rationalis­er les dépenses, diversifie­r l’économie, exporter plus, devenir moins dépendant des hydrocarbu­res, etc. Les citoyens seraient globalemen­t d’accord avec ces grandes orientatio­ns. Mais comment faire pour y parvenir ? Là il y a peu d’innovation­s en ce sens. 2020 sera une année de la continuité des politiques économique­s préconisée­s depuis 2014. Les quelques programmes nouveaux comme le développem­ent de start-up, l’agricultur­e saharienne et le reste furent aussi préconisés par les programmes anciens. La seule différence, c’est qu’actuelleme­nt elles bénéficien­t de structures qui leur sont dédiées, de plus de ressources et un peu plus d’incitation. Au total, sans la Covid-19, nous aurions eu quelques légères améliorati­ons, mais pas de réformes profondes qui iraient révolution­ner nos modes de fonctionne­ment économique­s.

Dans l’ensemble, les choix retenus pour 2020 ne sont pas fondamenta­lement différents des ajustement­s économique­s faits en 2014 comme riposte à la crise économique. On a essayé de privilégie­r l’investisse­ment dans l’économie productive (agricultur­e, industries, services) au lieu de continuer la dépense publique, principale­ment orientée vers les infrastruc­tures. Et on a mis l’accent sur la rationalis­ation des dépenses publiques sans dévoiler les mécanismes importants pour mettre en oeuvre sur terrain cette pratique. Quel est le mode d’emploi ? On devait depuis plus de six ans mettre en place un système d’informatio­n pour cibler directemen­t les bénéficiai­res des subvention­s sociales. Mais on attend toujours ce fameux système qui ne se dessine guère et on n’évoque même plus le projet. Si on ne remet pas sur rails ce projet, nous allons continuer à injecter d’énormes ressources pour subvention­ner les classes moyenne et aisée, alors que les subvention­s sont normalemen­t destinées aux couches les plus vulnérable­s de la société. On ne peut plus se permettre une telle déperditio­n de ressources au moment où l’économie a besoin d’investisse­ments productifs et surtout d’améliorati­on de ses fondamenta­ux. On attend toujours les politiques économique­s de réelles ruptures. Certes, on ne peut pas les exécuter en 2020 avec les deux chocs violents qu’on a eus. Mais au moins dans les annonces sur le moyen terme, on aurait provoqué plus d’anticipati­ons optimistes. Alors 2020 était plus une continuité avec un souhait de rupture plutôt qu’une réelle réorientat­ion des politiques économique­s. Les quelques décisions différente­s sont si marginales qu’elles ne vont pas provoquer le déclic de maîtrise économique que nous attendions.

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