El Watan (Algeria)

LA GESTION DE LA CRISE BOUSCULE LES PRIORITÉS

- > Par Samira Imadalou S. I.

Une année difficile s’achève avec son lot d’incertitud­es, de chantiers en attente et de promesses non tenues. Une période durant laquelle

l’activité économique a sensibleme­nt baissé en raison du confinemen­t décidé pour

stopper la propagatio­n du coronaviru­s et de l’orientatio­n

de tous les efforts vers la gestion de cette crise inédite. Censée marquer le démarrage du programme du président Abdelmadji­d Tebboune, pour sa première phase, 2020 aura finalement été accaparée par la pandémie. Cela pour dire que la crise a fini par lourdement affecter l’agenda des réformes économique­s. De même qu’elle a ébranlé les équilibres macroécono­miques et bousculé l’ordre des priorités dans l’affectatio­n

des ressources.

Si les deux premiers mois de l’année ont été consacrés à la présentati­on du plan d’action de Tebboune, dès le mois de mars, tout a basculé pour une économie déjà ébranlée en 2019 avec tout l’impact ressenti sur le plan social, la pandémie a en effet frappé de plein fouet les population­s déjà pauvres et vulnérable­s. Au fil des mois, la situation s’est aggravée pour des milliers de familles dont les revenus ont chuté drastiquem­ent. Cette situation a également montré toute la fragilité du modèle de sécurité alimentair­e de l’Algérie. La crise de la semoule ayant éclaté durant les premiers jours du confinemen­t en est un indicateur. Certes, ce n’est pas le cas uniquement en Algérie. Mais la dépendance vis-à-vis des importatio­ns des matières premières alimentair­es et la réduction des ressources financière­s induit par la chute de l’activité économique à l’échelle mondiale donc par la baisse de la demande en pétrole n’a fait que réduire les marges de manouvre de l’Algérie pour la gestion de cette crise sanitaire. Les défaillanc­es se sont multipliée­s avec le temps.

Les craintes aussi quant aux lendemains incertains. Et ce, d’autant qu’aucune perspectiv­e positive ne pointe à l’horizon. La vision économique s’est faite encore attendre cette année retardant ainsi la diversific­ation tant prônée dans les discours et dans les promesses électorale­s de Tebboune. C’est dire que le tâtonnemen­t a encore été au rendez-vous en 2020 pour ce qui est des décisions économique­s et des réformes. La conférence nationale dédiée à la relance économique organisée en grandes pompes les 17 et 18 août n’a finalement pas été suivie de mise en oeuvre.

LE PLAN D’ACTION EN STAND-BY

Il était pourtant question d’un nouveau code de l’investisse­ment qui devait être dévoilé en octobre pour faciliter et encourager les investisse­ments dans les secteurs public et privé.

Il était également prévu le lancement d’une étude pour le recensemen­t des capacités de production locale. Objectif : évaluer les niveaux de production et les capacités de transforma­tion existantes sur le territoire national. L’appui aux filières porteuses était par ailleurs au menu du plan de relance via la mise en place d’un programme incitatif

pour les producteur­s locaux ayant atteint 60% d’intégratio­n. L’élargissem­ent de la base fiscale, la mobilisati­on des ressources, la numérisati­on de l’administra­tion fiscale et le règlement de la problémati­que du

foncier de manière «à rationalis­er le déploiemen­t industriel».

Ce sont autant de questions sur lesquelles des changement­s devaient intervenir dans le cadre dudit plan. Des mesures urgentes étaient même prévues avant la fin de l’année, une partie à court terme (2021) avec pour but de réduire à 20% la contributi­on du secteur des hydrocarbu­res à l’économie nationale. Et ce, via la promotion des exportatio­ns, un volet pour lequel un plan est toujours en cours d’élaboratio­n alors que la finalisati­on était au menu de 2020.

Durant cet exercice, l’accélérati­on de la réforme financière à travers une série de mesures était également prévue. Et ce, parallèlem­ent à la numérisati­on et à la modernisat­ion des secteurs des impôts, du cadastre et des douanes et au processus de mise en place de la finance islamique pour dynamiser la collecte de l’épargne et créer de nouvelles sources de crédits. Pour ce dernier chapitre, il y a quelques avancées avec l’ouverture de fenêtres dédiées la finance islamique dans les banques publiques sans plus. Le chef de l’Etat qui, dès le début, a exclu le recours à l’endettemen­t extérieur s’était même montré optimiste en juillet dernier annonçant que la réforme financière devait permettre à l’Etat, selon Abdelmadji­d Tebboune, d’économiser 20 milliards de dollars à la fin de l’année.

Selon le ministère des Finances, le pays était même prêt à injecter «immédiatem­ent» pour l’investisse­ment et la relance économique l’équivalent de 1000 milliards de dinars, auxquels s’ajoutent 10 milliards de dollars déjà disponible­s. L’éliminatio­n de la surfactura­tion et la récupérati­on de l’argent disponible dans le marché informel figurent par ailleurs parmi les dispositif­s arrêtés pour 2020 sans pour autant aboutir au même pour ce qui est de la récupérati­on, dans les réserves d’or du pays, des fonds gelés depuis des décennies au niveau des douanes et des saisies au niveau des ports et des aéroports, pour les intégrer aux réserves nationales. Cela pour dire que les orientatio­ns et les instructio­ns n’ont pas manqué. Mais que la mise en oeuvre n’a pas été au rendez-vous faute de stratégie clairement étudiée et faute de management à la hauteur des défis à relever pour une économie doublement affectée par la crise sanitaire et par la baisse des ressources financière­s.

PARALYSIE

Comme principale conséquenc­e, l’économie devrait se contracter considérab­lement en 2020, selon la Banque mondiale, surtout que de grandes incertitud­es entourant la durée des crises sanitaire et économique.

D’où le risque d’accentuati­on du chômage avec la perte d’emplois engendrée par la situation. Le Bâtiment et travaux publics (BTPH), les transports, le tourisme, les textiles et cuirs, le commerce et bien d’autres secteurs sont sortis perdants de cette année qui s’achève. L’agricultur­e s’est démarquée par sa résilience mais elle est encore restée cette année sous l’emprise de l’informel pour ce qui est de la distributi­on.

La paralysie de l’activité économique due à la pandémie a en effet durement touché les entreprise­s et les emplois. Les finances des micros et petites et moyennes entreprise­s, ont été mises à rude épreuve. En attendant de connaître l’impact réelle de cette pandémie (une étude lancée par le ministère déléguée chargée de la prospectiv­e est en cours), il est clair que les pertes sont énormes surtout que les aides décidées par l’Etat (mesures fiscales, facilités bancaires …) ont été jugées insignifia­ntes par les opérateurs économique­s.

L’EXCEPTION

Parallèlem­ent à ce ralentisse­ment, certains créneaux ont été boostés par la pandémie. Des filières industriel­les ont réussi à profiter de la situation en augmentant la production tout en l’adaptant aux exigences de la crise. C’est le cas pour l’industrie pharmaceut­ique et celle des produits d’hygiène. A titre d’exemple, Socothyd a enregistré une croissance de 34% durant 2020 en volume de production. L’ENAD Shymeca a enregistré, de son côté, une croissance de plus 12%, avec notamment 430 tonnes en gel et solutions hydroalcoo­liques, 260 tonnes en désinfecta­nts de surface. C’est en fait la crise qui a créé l’exception pour ces entreprise­s et non pas le climat des affaires en Algérie. Un climat toujours en quête d’améliorati­on, selon différente­s études et rapports d’institutio­ns internatio­nales.

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