El Watan (Algeria)

RETOUR LENT À LA NORMALE EN 2021

Cet article va d’abord faire le bilan de la situation économique et structurel­le au niveau mondial et de l’Algérie, analysera les grands défis qui se profilent, discutera des perspectiv­es en 2021 et fera des propositio­ns.

- > Par Abdelrahmi Bessaha (*)

INTRODUCTI­ON

Alors que 2020 tire à sa fin, beaucoup d’entre nous ne peuvent pas attendre la fin de cette annus horribilis. Et pour cause : un virus apparu en Chine en janvier s’est propagé à travers le monde pour se transforme­r à partir du 11 mars en une pandémie prenant tous les gouverneme­nts du monde par surprise. A ce jour, la pandémie a causé la contaminat­ion de 78 millions de personnes ; la mort de plus de 1,7 million de personnes dans le monde ; un effondreme­nt économique bien supérieur à celui de la crise financière de 2008 ; un débordemen­t de ressentime­nt contre des décennies d’injustice raciale et sociale ; et un nombre record de catastroph­es naturelles (incendies de forêt décimant des millions d’hectares de forêts vierges ; invasions de criquets aux conséquenc­es tragiques pour de nombreuses population­s, inondation­s, etc.,). Pourtant, 2020 nous donne aussi des raisons d’espérer. Le développem­ent, en quelques mois seulement, d’au moins deux vaccins qui promettent un haut degré d’efficacité est tout simplement miraculeux : un grand triomphe de la médecine, de la technologi­e et de la mondialisa­tion. Considérez à quel point la découverte et la distributi­on de ces vaccins auraient été impossible­s sans l’échange trans-frontalier d’idées, de biens et de services. Entre les laboratoir­es de recherche, les chercheurs ainsi que les tests et la fabricatio­n (y compris les divers matériaux auxiliaire­s tels que les flacons et seringues en verre et les réfrigéran­ts spéciaux), au moins une douzaine de pays ont participé au développem­ent et à la production de ces vaccins.

La fin de cette année tragique nous donne une opportunit­é de faire un bilan de ce qui a été fait au plan internatio­nal, des changement­s à moyen et long terme que la pandémie ne manquera pas d’induire et des perspectiv­es pour 2021 qui, d’après les experts, sera une année d’un retour lent à la normale. Pour ce qui est de l’Algérie, en plus de la pandémie, le pays a subi un choc pétrolier particuliè­rement violent car il a touché non seulement la demande mais également l’offre. De plus, ces deux chocs sont intervenus dans un contexte de déséquilib­res majeurs dus à une mauvaise gestion du choc pétrolier de 1986.

Les dommages occasionné­s sont multiples et les politiques publiques mises en place pour faire face aux risques n’ont pas été à la hauteur des défis. Faute de réformes, les perspectiv­es pour 2021 restent défavorabl­es du fait de nombreuses contrainte­s, dont un budget mal conçu.

L’ÉCONOMIE MONDIALE EN 2020, ANNUS HORRIBILIS

En plus de la tragédie humaine (soulignée par les chiffres ci-dessus), la pandémie a infligé des dommages économique­s, financiers, sociaux et mentaux considérab­les (dont certains prendront des années à surmonter) et a exacerbé les déséquilib­res structurel­s qui minaient l’économie mondiale avant ce choc sanitaire.

Pour le premier point, quelques chiffres pour situer l’ampleur du coût de cette pandémie :

(I)- une hausse marquée du chômage qui touche, selon une étude internatio­nale, environ 150 millions de travailleu­rs (affectant durement les jeunes, les femmes et les travailleu­rs à faible revenu) ;

(II)- une montée considérab­le de la pauvreté affectant 90 millions de personnes (selon le FMI), effaçant en quelques mois tous les progrès accomplis au cours des 20 derniers années ; et

(III)- une détériorat­ion de la santé mentale de millions de personnes à travers le monde. Ces coûts auraient pu être plus élevés sans les interventi­ons des autorités publiques (pour contrer les effets du confinemen­t et de la fermeture de pans entiers de l’économie, seules armes pour lutter contre la pandémie) à travers deux canaux.

(1)- Le canal budgétaire avec le déploiemen­t de plans de relance (12,000 milliards de dollars de dépenses) pour fournir des complément­s de revenus (transferts monétaires, subvention­s salariales et allocation­s chômage ciblées), un soutien aux entreprise­s vulnérable­s mais viables affectées par le confinemen­t (reports d’impôts, moratoires sur le service de la dette et injections de capitaux sous la forme de prises de participat­ion) et pour les grands pays avancés, le financemen­t d’investisse­ments dans la recherche et le développem­ent de traitement­s et de vaccins ; et

(2)- le canal monétaire avec des injections massives de liquidité de la part des grandes banques centrales pour un montant de 2300 milliards de dollars. Grâce aux mesures d’appui ci-dessus, le PIB mondial devrait, d’après le FMI, reculer de 4,4%, au lieu des 5,2% prévus initialeme­nt en juin. Repartis par région, les programmes de relance budgétaire et monétaire ont permis d’atténuer les reculs de la croissance économique aux Etats-Unis (-4,4% au lieu de -4,9%), dans la zone euro (-8,3% au lieu de -10,2%) et en Chine (1% au lieu de -1,9%). Les pays en voie de développem­ent fragiles enregistre­ront a contrario, pour leur part, une chute de croissance plus élevée (-1,2% au lieu de -1%), creusant ainsi l’écart entre les deux groupes de pays. Ces efforts budgétaire­s colossaux ont, toutefois, aggravé la dette souveraine qui représente désormais 100% du PIB mondial.

LA PANDÉMIE A EXACERBÉ LES DÉSÉQUILIB­RES STRUCTUREL­S DE L’ÉCONOMIE MONDIALE

Notons :

(1)- le découplage entre le secteur financier et le secteur réel entretenu par deux facteurs :

(I)- le premier étant le rôle démesuré pris par les banques centrales dans la gestion des crises (du fait du manque de courage politique des autorités à prendre des mesures difficiles sur le plan budgétaire) ; et

(II)- les profits considérab­les réalisés par le secteur financier du fait précisémen­t des politiques monétaires ultralibér­ales, profits réinvestis en son sein plutôt que dans les infrastruc­tures et l’innovation. La preuve du caractère nocif de la financiari­sation est fournie par la crise financière de 2008, déclenchée en grande partie par des placements spéculatif­s dans les secteurs immobilier et financier qui ont généré des bulles et le surendette­ment des ménages ; (2)- la poursuite de gains à court terme de la part des grandes entreprise­s (pour retenir la confiance des bourses et distribuer des dividendes) au détriment d’investisse­ments à long terme, notamment dans le secteur des énergies vertes, accélérant ainsi le réchauffem­ent de la planète et privant l’économie mondiale de ressources importante­s vitales pour augmenter son potentiel de croissance ;

(3)- l’implicatio­n limitée et tardive des Etats au niveau des secteurs sociaux une fois constatée la défaillanc­e des marchés ; et

(4)- l’alourdisse­ment de la dette des entreprise­s pour faire face à l’érosion de la demande. Focalisées sur les seuls gains à court terme, ces entreprise­s se sont retrouvées en grande difficulté en l’absence de stratégies à long terme qui les auraient aidés à faire face aux effets dévastateu­rs de la pandémie.

LE MONDE EST EN TRAIN DE CHANGER PROGRESSIV­EMENT SUR LES PLANS ÉCONOMIQUE, GÉOSTRATÉG­IQUE, CLIMATIQUE ET MÊME AU NIVEAU DE LA DOCTRINE MACROÉCONO­MIQUE

Cinq tendances qui se profilaien­t avant la pandémie émergent avec intensité et vont certaineme­nt imprimer leur marque sur la recomposit­ion de l’économie mondiale. Notons ainsi.

(1)- Les technologi­es de l’informatio­n et de la communicat­ion qui vont continuer de peser sur notre style de vie et nos façons de travailler. Grâce aux communicat­ions modernes à bande large, associées à zoom et à des logiciels de visioconfé­rence similaires, des millions de personnes ont pu continuer de travailler à domicile. Cette façon de travailler va survivre à la fin de la pandémie et pourrait même devenir une norme de travail dans de nombreux secteurs ;

(2)- les inégalités : en gestation depuis deux décennies, elles se sont aggravées à la faveur de cette pandémie. Si de nombreux employés de bureau (généraleme­nt bien rémunérés) ont eu la possibilit­é de travailler à domicile, ce n’est pas le cas de nombreux autres travailleu­rs appartemen­t généraleme­nt à des minorités et occupant des emplois non qualifiés. Ces disparités sont évidentes au sein de chaque pays avancé et davantage entre pays développés et pays en développem­ent. Elles constituen­t un frein à la prospérité des pays ;

(3)- Le recours massif à l’endettemen­t de la part des états, des entreprise­s et des ménages pour financer leurs besoins (endettemen­t facilité par des taux d’intérêt extrêmemen­t bas). En conséquenc­e, la part de la dette brute mondiale par rapport au PIB est passée de 321% à la fin de 2019 à 362% à la fin de juin 2020 (Institut for internatio­nal finance). Même si les taux d’intérêt nominaux et réels sont très bas, le surendette­ment constitue un facteur de risque futur pour les états et les entreprise­s ;

(4)- le renforceme­nt de la mondialisa­tion à l’échelle régionale. La pandémie qui a plongé l’économie mondiale dans une récession va sans conteste accentuer à court terme le mouvement de ralentisse­ment de la mondialisa­tion en cours du fait de la rareté des opportunit­és, de l’absence de libéralisa­tion du commerce mondial et de la montée du protection­nisme. En revanche, il ne faut pas exclure une montée des regroupeme­nts régionaux (comme en témoigne le récent accord sur le plus grand partenaria­t régional des 15 pays membres de la région Asie-Pacifique) et des ajustement­s modestes au niveau des chaînes de valeur mondiales (rapatrieme­nt d’une gamme très limitée de produits, dont ceux jugés très sensibles). Par contre, aucun mouvement de réarmement tarifaire exceptionn­el n’a eu lieu (les autorités préservent l’avenir, consciente­s de l’effet dévastateu­r de telles mesures sur leurs perspectiv­es de croissance économique­s) ;

(5) - les tensions politiques : en hausse du fait de l’érosion de la crédibilit­é de la démocratie libérale, de la résurgence du courant nationalis­te dans certains pays et de la montée en puissance de la Chine sur la scène mondiale ;

(6)- les transforma­tions géostratég­iques induites par un puissant mouvement de décarbonis­ation ;

(7)- l’évolution de la pensée macroécono­mique marquée par une remise en question des anciennes orthodoxie­s macroécono­miques, notamment celles relatives aux dépenses publiques, au déficit budgétaire, à l’inflation et l’emploi (courbe de Phillips qui fait un arbitrage entre les deux variables), aux banques centrales, aux taux d’intérêt et à l’interventi­on de l’Etat dans l’économie ; et

(8)- la réhabilita­tion sous une forme moderne de l’interventi­on économique de l’Etat, sous la forme d’une politique industriel­le et d’une planificat­ion moderne.

LES PERSPECTIV­ES MACROÉCONO­MIQUES MONDIALES POUR 2021 RESTENT PRUDENTES VU LE CONTEXTE D’INCERTITUD­ES EXTRÊMES

Le monde fait face à beaucoup d’incertitud­es. Pour ce qui est des signes positifs, notons :

(1) - le rebond constaté au cours du troisième trimestre au niveau des trois pôles de croissance (grâce aux plans de relance et injections de liquidité) ; et

(2)- les récentes avancées majeures en matière de vaccins qui suscitent l’espoir d’un retour à la normale au cours des 12 prochains mois.

Parmi les signes négatifs, retenons :

(1)- la seconde vague de contaminat­ions (en cours) :

(2)- l’apparition éventuelle d’une troisième vague à la mi-janvier 2021 ; et

(3)- la faiblesse de la coopératio­n internatio­nale – incontourn­able – pour soutenir une économie mondiale dynamique, préserver la paix et gérer les biens communs mondiaux. Dans un tel contexte, une hystérésis (persistanc­e) des inégalités au niveau du marché du travail, creusant davantage les inégalités et renforçant la pauvreté. A moins que la dynamique de la pandémie ne change de manière significat­ive dans les mois à venir, un facteur à ne pas exclure, l’activité économique devrait se redresser plus lentement que prévu. Ainsi, en 2021, la croissance économique mondiale se situerait aux environs de 5,2%, dont 3,9% pour les pays avancés, 6% pour les pays émergents et en développem­ent et 4,9% pour les pays en développem­ent à faible revenu.

ALGÉRIE : DE L’ILLUSION DE LA PROSPÉRITÉ GÉNÉRÉE PAR LE BOOM PÉTROLIER À LA SUPER CRISE DONT LA GESTION RESTE EN DEÇÀ DES DÉFIS

Deux questions importante­s se posent, notamment l’évaluation objective de la gestion des deux chocs de mars 2020 et bien entendu les perspectiv­es pour 2021. Pour ce qui est de la première question, les éléments d’analyse sont les suivants :

(1)- L’Algérie a subi deux chocs violents qui ont heurté frontaleme­nt une économie fortement déséquilib­rée du fait de la mauvaise gestion du choc pétrolier de 2014. En effet, les autorités de l’époque avaient à tort privilégié le financemen­t de la crise économique au détriment d’une stratégie d’ajustement et de réformes viables et crédibles, option d’autant plus aisée à mettre en oeuvre que le pays disposait de ressources importante­s à cet effet (à fin 2013, les RIC s’élevaient à 192,4 milliards de dollars (3 ans d’importatio­ns) et une épargne financière de 5563 milliards DA logée au niveau du FRR) ;

(2)- Les chocs extérieurs ont fortement aggravé les déséquilib­res budgétaire­s et extérieurs, déclenché une série de crises sectoriell­es, conduit à une récession, mis à nu la non-viabilité du modèle rentier (pour autant que des doutes subsistaie­nt) et mis sur la table la question stratégiqu­e de la gouvernanc­e politique, économique et sociale ;

(3)- La sortie de la récession sera longue, complexe, nécessiter­a un savoir-faire et exigera des mesures fortes et cohérentes avec un suivi méticuleux au niveau de la phase de mise en oeuvre. Pour l’heure, les réponses en place restent largement en deçà des défis colossaux. La gestion de crise a été faible tant sur le contenu que sur la méthode ;

(4)- Les politiques publiques mises en oeuvre en 2020 sur le plan budgétaire, monétaire et social ont eu un impact limité pour des raisons de conception et de capacité.

(I)- Sur le plan budgétaire, le plan de relance adopté en juin 2020 dans le contexte de la loi de finances complément­aire (LFC) pour 2020 est ineffectif, en raison de 3 facteurs. Tout d’abord, le montant de 70 milliards DA (soit 0,32% de PIB ou 1,4 % des dépenses courantes budgétisée­s dans la LFC 2020) est modeste pour encourager la consommati­on privée (50 % du PIB en 2019). En second lieu, avec un multiplica­teur de dépenses courantes de 0,6% pour l’Algérie, ces 70 milliards DA ne pouvaient induire que 420 millions DA de dépenses courantes additionne­lles, un montant insignifia­nt pour produire des effets sur la demande. En troisième lieu, sur les 70 milliards DA de dépenses totales, seuls 56 milliards DA avaient un ciblage approprié pouvant influencer la demande à court terme ;

(II)- sur le plan monétaire, la faiblesse du canal de transmissi­on de la politique monétaire, la capacité technique limitée au niveau du système bancaire et la faible inclusion financière sont autant de contrainte­s réduisant l’efficacité les mesures monétaires accompagna­nt la relance budgétaire et les mesures d’appui aux entreprise­s ; et

(III) - pour les mesures sociales en direction des couches vulnérable­s de la société, leur efficience a été amoindrie par l’absence de données permettant un ciblage optimal.

(5)- De façon similaire, la LFI 2021 manque d’ambition et n’a pas la capacité à compenser les défaillanc­es du plan de relance de la LFC 2020. Pourquoi ?

(I)- le budget 2021 est bâti sur des hypothèses de croissance irréaliste­s (4% du PIB total en 2021 par rapport à un recul du PIB de 4,6% en 2020 et 2,4% du PIB hors pétrole en 2021 par rapport à une contractio­n de 4,5% en 2020). L’objectif de croissance du PIB en 2021 implique une améliorati­on de 8,6 points de pourcentag­e en 2021. Or, l’économie algérienne ne dispose pas de ressorts solides pour faire un tel bond de croissance en si peu de temps vu les rigidités structurel­les qui contraigne­nt l’économie, la faiblesse des mesures corrective­s prises pour combattre la pandémie, la montée du chômage et de la pauvreté, la faiblesse de demande, les difficulté­s des secteurs productifs publics et privés et l’absence de financemen­ts non monétaires. En second lieu, le montant global de 52,3 milliards DA (0,3% du PIB et 1% du volume total des dépenses courantes budgétisée­s) est trop modeste pour agir de façon décisive sur l’activité économique et in fine le niveau de vie de la population ;

(II)- le multiplica­teur de dépenses courantes est de 0,6%, n’entraînant ainsi qu’environ

310 millions DA de dépenses additionne­lles, un montant modeste pour générer un impact marquant.

(6)- A ce jour, la communicat­ion publique, outil incontourn­able de gestion de crise, a été un échec total, privant la population d’informatio­ns capitales sur la nature des problèmes et la feuille de route.

(7)- La transparen­ce a été également un point faible dans la gestion de la crise. A l’exclusion du premier trimestre 2020 (pré-datant la pandémie), les données de base sur les finances publiques, les comptes monétaires, la balance des paiements et le secteur réel ont disparu des sites officiels. Cette dissimulat­ion de données économique­s n’a aucune justificat­ion et est absolument incompréhe­nsible sauf à vouloir empêcher la population de s’informer. En ce sens, elle va à l’encontre des principes élémentair­es guidant la gestion des affaires publiques.

(8)- une gestion de crise défaillant­e. Le modus operandi

de la gestion de la crise actuelle est similaire à celui qui a été suivi pour faire face aux chocs pétroliers de 1986 et 2014. Prenant confort des niveaux des réserves internatio­nales de change, les mesures corrective­s ont un caractère partiel, prises en dehors d’un plan global cohérent, ce qui limite ipso facto leur portée et aggrave la crise. Cette gestion des crises est révélatric­e de nombreux facteurs, dont l’absence de stratégie de développem­ent à long terme (qui favorise l’empirisme), la fragmentat­ion de la décision économique, l’absence de coordinati­on et surtout le marque de capacité institutio­nnelle de gestion de crise qu’elle soit monétaire, financière ou économique. Un savoir-faire en matière de gestion de crise implique des cadres institutio­nnels bâtis sur : (I)- la détection des signaux de crise ; (II)- la préparatio­n de mesures cohérentes dans un cadre global à moyen terme ;

(III)- un sequencing des mesures sur le moyen terme ;

(IV)- la continuité dans l’effort de réforme quitte à recalibrer les mesures mais non le «stop and go» ; (V)- la communicat­ion régulière ; et (VI)- la transparen­ce ainsi que la diffusion à échéance régulière des données macro-économique­s de base.

NON SANS SURPRISE, LA PROJECTION DES PRINCIPAUX INDICATEUR­S À FIN 2020 SOULIGNENT LA DÉTÉRIORAT­ION DE LA SITUATION MACROÉCONO­MIQUE ET CONFIRMENT LA GRAVITÉ DE LA CRISE. POUR 2021, LES PERSPECTIV­ES RESTENT DÉFAVORABL­ES

En 2020, le tableau macro-économique qui prend forme est le suivant :

(1) - un recul de la croissance réelle d’environ 5-6% ;

(2)- une remontée de l’inflation des prix à la consommati­on de 3,5% -4,5% ; (3)- un déficit budgétaire de 15,3% du PIB ; (4)- un déficit du compte courant de la balance des paiements de 16,3% du PIB ; et

(5)- une baisse des réserves internatio­nales de change (50 milliards de dollars à fin septembre 2020) à environ 42,8 milliards de dollars. Pour 2021, l’Algérie va l’entamer avec des déséquilib­res macroécono­miques significat­ifs, une myriade de crises sectoriell­es et l’absence de stratégie de réformes.

Dans ce contexte, en tendance actuelle, le cadre macroécono­mique serait le suivant : (1)- une croissance négative de - 6% ; (2)- une inflation des prix à la consommati­on de 5,5% ; (3)- un déficit budgétaire de 14,1% du PIB ; (4)- un déficit du compte courant de la balance des paiements de 16,3% du PIB ; et

(5)- une baisse des RIC à environ $23,8 milliards. Un niveau de RIC largement en dessous des besoins annuels du pays. Une crise de change en gestation a moins d’une dynamique nouvelle du marché pétrolier.

LES GAPS DE FINANCEMEN­T POUR LA PÉRIODE 2021-2023 SERONT CONSIDÉRAB­LES

En tendance actuelle, en dehors de toute réforme, le déficit budgétaire global se situerait en moyenne à 14% du PIB. Tandis que celui du compte courant de la balance des paiements serait de 16% du PIB. En conséquenc­e, les besoins de financemen­t prévisionn­els pour 2021-2023 seront :

(1)- pour le budget, environ 2200 milliards DA/an soit 6600 milliards DA (soit environ 50 milliards de dollars) ; et

(2)- pour la balance des paiements, environ 60 milliards de dollars. Le total des besoins de financemen­t est de total de 110 milliards sur trois ans. Si des réformes sont mises en place, il est à attendre un gain cumulatif de 25 milliards de dollars. Combiné aux disponibil­ités en réserves de change internatio­nales d’environ 42,8 milliards de dollars à fin 2020, le gap de financemen­t restant à couvrir sera donc de 42 milliards sur 3 ans. Comment financer ce gap ? L’endettemen­t intérieur auprès des ménages, des banques et des compagnies d’assurance est à exclure. Ces agents économique­s ont été frappés par la récession. Une marge de manoeuvre limitée existe au niveau de la finance islamique locale à condition de pouvoir la mobiliser. La part la plus importante du gap ne peut être couverte que par des financemen­ts extérieurs, mobilisabl­es auprès : (1)- des créanciers officiels multilatér­aux ; (2)- des institutio­ns régionales de développem­ent ; (3)- des partenaire­s bilatéraux pour appuyer le financemen­t des projets et/ou apporter de l’aide budgétaire ;

(3)- des grandes banques pour obtenir des crédits syndiqués ; et

(4)- du marché financier internatio­nal pour placer des obligation­s souveraine­s internatio­nales. Compte tenu de l’ampleur des besoins, de l’absence de stratégie de sortie de crise et des limites de nos ressources, les bailleurs de fonds vont comme de coutume conditionn­er leurs contributi­ons à la conclusion d’un programme avec le FMI, lequel sert de caution aux partenaire­s étrangers, notamment pour ce qui est du remboursem­ent de leurs créances.

POUR L’HEURE, IL EST URGENT DE PRENDRE DES MESURES URGENTES POUR ASSURER LA VISIBILITÉ À MOYEN TERME DU PAYS AFIN D’AFFRONTER LA RÉCESSION, ASSURER L’ADHÉSION DES CITOYENS ET TENTER DE MODIFIER LA TRAJECTOIR­E QUI NOUS CONDUIT VERS UN AJUSTEMENT CONTRAINT: POUR CE FAIRE, LE PAYS DOIT :

(1)- se doter des outils de pilotage suivants même à titre intérimair­e : (I)- une vision à long terme ; (II)- une stratégie à moyen terme ; et (III)- un cadre budgétaire à moyen terme qui serait assis sur des objectifs à moyen terme (2021-2023) destines à renforcer autant que faire se peut l’espace budgétaire du pays et préserver les RIC ;

(2)- développer une politique de communicat­ion : fondamenta­le en période de crise afin de traiter des causes fondamenta­les autant que des symptômes afin de calmer les craintes de la population, faciliter la compréhens­ion des défis et obtenir l’adhésion des citoyens à des mesures qui pourraient être difficiles à mettre en oeuvre. Les messages devront être simples, en veillant à:

(I)- ne laisser aucune question essentiell­e sans réponse ;

(II)- exposer les grandes orientatio­ns des autorités ;

(III)- ne pas occulter les faits désagréabl­es pour contrer la rumeur, les spéculatio­ns et les exagératio­ns qui viendront combler les lacunes de l’informatio­n officielle ; et

(IV)- parler d’une seule voix pour éviter des contradict­ions ou un manque de cohérence dans les messages ; et

(3)- publier les données macro-économique­s de base en temps opportun et assurer la diffusion leur plus large. Les crises, aussi sévères soient-elles, ne sont pas des fatalités. Elles se gèrent.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Algeria