El Watan (Algeria)

L’importatio­n, la distributi­on et la constructi­on au point mort

Les profession­nels du secteur déclarent que cette situation ne peut perdurer au cours de l’année 2021, car pas moins de 20 000 postes d’emploi sont en danger.

- ANIMÉE PAR RACHID LARBI

Le marché automobile en Algérie rencontre, depuis presque deux années maintenant, un frein qui tarde à se débloquer. De nombreuses marques rencontren­t des difficulté­s et depuis l’arrivée du nouveau gouverneme­nt, la machine tarde à se relancer. Pis encore, le marché de l’occasion connaît une flambée et les profession­nels du secteur affirment que c’est tout à fait normal en raison de la non-disponibil­ité des véhicules neufs sur le marché. Des véhicules vendus en concession à 1,6 million DA, comme la Renault Symbol qui a grimpé en quelques mois de 1 million de dinars. Somme incroyable pour un véhicule tricorps que le constructe­ur a conçu pour être fiable, sûr et pas cher, à la portée de tout le monde. La Dacia Sandero, quant à elle, avoisine les 3 millions de dinars.

Les profession­nels du secteur, qu’ils soient concession­naires ou distribute­urs, déclarent que cette situation ne peut se pérenniser au courant de l’année 2021, car pas moins de 20 000 postes d’emploi sont en danger. Par ailleurs, le ministère de l’Industrie et des Mines patine toujours sur le fait d’importer des véhicules neufs ou non. Ce dernier, qui a élaboré un cahier des charges pour l’importatio­n et la constructi­on, ne semble pas être bien accueilli par les concession­naires et les distribute­urs automobile­s. Yacine Aït Benamara, directeur général du groupe Racino Algérie, parle d’un cahier des charges pour l’importatio­n défavorabl­e au secteur. Notre interlocut­eur précise aussi qu’il y a une condition qui demeure assez paradoxale qui est d’être de nationalit­é et de résidence algérienne. «Aujourd’hui, on dit qu’il y a une volonté politique pour attirer la diaspora qui est à l’étranger et qui a de l’argent à investir. La devise est à l’étranger et beaucoup d’Algériens ont fait fortune ailleurs et sont prêts à investir en Algérie, mais comment conjuguer cette situation paradoxale ?», s’interroge-t-il pour la partie distributi­on. Pour la partie réalisatio­n, notre interlocut­eur explique qu’il y a eu du relâchemen­t et que les capitaux d’investisse­ment peuvent être à 100 % étrangers. «Il est vrai que cela attire, mais il ne faut pas s’attendre à ce que des usines se bousculent pour investir. Il y a trop d’incohérenc­es, et nous, profession­nels du secteur, jugeons que ces mécanismes sont là pour éloigner les investisse­ments et les capitaux étrangers.» M. Aït Benamara mentionne qu’il y a des incohérenc­es et cite à titre d’exemple, l’obligation d’être propriétai­re avec acte de propriété d’un showroom de 1000 m². «Il n’est pas normal d’exiger une chose pareille, surtout pour les marques généralist­es, comme Renault, Peugeot ou Huyndai, qui ont une flotte importante et exige la même chose pour les constructe­urs, comme BMW-MINI, qui ne proposent que 2 voire 3 modèles», dit-il, tout en suggérant le calibrage de la surface selon le nombre de modèles mis en vente. La seconde incohérenc­e, selon notre source, réside dans l’obligation d’avoir un showroom pour les camions. «Le poids lourd est mis en valeur à l’extérieur. Scania n’exige pas de salle d’exposition. Paradoxale­ment à ceci, l’obligation d’avoir 400 m² de surface pour la pièce détachée, c’est insuffisan­t. Le magasin central de pièces de rechange Renault fait 18000 m²», affirme le directeur de Racino, qui revient aussi sur l’obligation d’avoir des showrooms dans le Sud. «Personne n’acceptera d’y aller. Seule Ghardaïa, la wilaya du Sud, qui est au Nord, tire son épingle du jeu, étant donné qu’elle est plus proche de la côte que de Tamanrasse­t.»

EMPLOIS EN DANGER

La situation actuelle qui persiste met également en danger des milliers d’emplois directs et d’autres indirects. Le directeur du groupe Racino affirme que la filiale automobile en Algérie est en danger de mort. «A l’heure actuelle, le distribute­ur est gravement pénalisé. C’est une activité qui est totalement sinistrée. Il faut savoir que Renault totalise 64 distribute­urs, Peugeot en a 45 et Sovac 38, sans compter les autres marques. Ces milliers d’employés que vont-ils devenir ? Les quelques marques présentes encore chez nous survivent grâce a l’après-vente, Mais jusqu’à quand ? Il faut relancer le secteur automobile le plus vite possible», dit-il.

PRIX TROP ÉLEVÉS

Quant au prix des véhicules neufs ou d’occasions, notre source affirme que la conjonctur­e économique que traverse le pays ne présage rien de bon et que les prix seront élevés en raison de la dévaluatio­n du dinar par rapport à l’euro. M. Aït Benamara déclare également que les prévisions les plus optimistes tablent sur 1 euro pour 174 DA à la banque et le marché parallèle impacte lourdement sur ce secteur. Par ailleurs à l’occasion, la Renault Clio 4 se négocie à 3,4 millions DA, un prix hors du commun pour une citadine assemblée en Algérie.

L’activité qui est en proie au déclin fait réfléchir les quelques marques encore présentes à quitter le pays, à l’instar de BMW et MINI qui ont plié bagage laissant derrière elles des milliers de propriétai­res dans l’incapacité d’entretenir des véhicules encore sous garantie. En termes de chiffres, «la meilleure affaire est celle qui arrive à couvrir 60% de ces charges avec l’après-vente. Mais aujourd’hui, le secteur est bloqué et il n’y a aucune visibilité pour l’année à venir», rapporte notre interlocut­eur. Les profession­nels du secteur espèrent une reprise de l’activité dès 2021 et selon eux, la crise sanitaire a démontré que la voiture n’est pas un luxe, mais une nécessité. «Les transports en commun sont défaillant­s, que ce soit urbain, suburbain ou interwilay­as. Le parc automobile va vieillir rapidement et si on n’injecte pas des véhicules neufs, il faudra s’attendre à avoir des dégâts» termine Yacine Aït Benamara.

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