Les limites de la finance islamique
● Dès l’été 2020, plusieurs banques publiques se sont lancées dans des produits bancaires de type islamiques, à l’instar de la BNA, le Crédit populaire d’Algérie (CPA) et la CNEP Banque.
Officiellement, 50 milliards de dollars circulent en dehors du circuit bancaire. Certaines sources vont jusqu’à annoncer que le volume du marché informel se situe entre 70 et 80 milliards de dollars. Que faut-il faire alors pour intégrer cette colossale masse monétaire dans le circuit formel ? Miser sur la finance islamique pour capter l’argent circulant dans le circuit informel constitue la troisième tentative des autorités ces cinq dernières années afin de convaincre les citoyens de bancariser leur argent.
Dès le recul des recettes des hydrocarbures en 2014, les banques ont subi rapidement les conséquences du recul des dépôts bancaires et les autorités ont fait appel à l’option de l’emprunt obligataire, dans l’espoir d’inciter les citoyens et les investisseurs à contribuer directement à l’épargne publique ainsi qu’à la croissance économique. Mais cette opération n’a pas intéressé grand-monde, à part certains organismes et organisations qui ont souscrit à l’offre, sans atteindre réellement les effets escomptés.
En 2018, des facilitations sont accordées pour les personnes morales et physiques afin d’ouvrir des comptes bancaires et déposer leur argent en devise ou en monnaie nationale. Dans une instruction de la Banque d’Algérie, les banques de la place ont été invitées à cesser d’exiger, lors de tout dépôt de fonds en caisse auprès de leurs guichets, des justificatifs, au-delà de ceux relatifs à l’identité du client dans le cadre des exigences réglementaires en matière de connaissance du client. Mais cette mesure n’a pas incité les citoyens ou acteurs économiques à déposer leur argent en Banque. Dès l’été 2020, plusieurs banques publiques se sont lancées dans des produits bancaires de type islamiques, à l’instar de la BNA, le Crédit populaire d’Algérie (CPA) et la CNEP Banque. Plusieurs agences ont entamé la commercialisation de ce produit à travers différentes wilayas du pays. Mais jusqu’à présent, aucun chiffre n’est encore communiqué sur l’afflux des citoyens sur ces produits de la part de ces banques.
COMMERCIALISATION DE PRODUITS BANCAIRES ISLAMIQUES
Le chargé de communication de la Banque nationale d’Algérie (BNA), Smaïl Chalal, a affirmé que «plusieurs milliers de comptes liés à la finance islamique sont déjà ouverts au sein des agences de la BNA, ce qui est très satisfaisant pour la première phase de ce lancement». Mais il a estimé qu’il est encore tôt pour faire une première évaluation, considérant que la BNA est en train d’élargir son réseau d’agences qui offrent ce produit financier et qui a atteint le nombre de 64 agences en cette fin d’année. S’agissant des produits proposés, M. Chalal a indiqué que la BNA présente jusqu’à 9 produits diversifiés entre la collecte d’épargne et l’investissement.
La même banque travaille aussi sur d’autres produits afin de cibler de potentiels clients, comme les opérateurs dans le commerce extérieur, ou bien les promoteurs immobiliers. Pour l’économiste Yacine Ould Moussa, «l’effet de la finance islamique est très modeste sur l’économie nationale puisque elle s’intéresse uniquement aux financements des petites opérations rentables sans aller vers des projets d’investissements importants», signalant au passage la non-vérification de l’origine des fonds déposés. Selon lui, le problème «ne réside pas dans le mode de financement, mais dans le fonctionnement du système financier et bancaire lui-même».
Majdi Chaabouni, managing partner auprès d’un cabinet international spécialisé en finance islamique, considère pour sa part que «si les banques proposent des produits attractifs avec beaucoup d’avantages, il sera possible de capter entre 10 à 13% de l’argent de l’informel». A ce propos, il a expliqué que «s’il y avait des produits où la banque partagera le risque avec les clients, notamment les PME, cela pourra intéresser les petits investisseurs». Selon M Chaabouni, «il est important de relancer la confiance et la transparence entre les citoyens et les banques afin d’espérer un peu plus d’inclusion financière».
Mais dans le fond, le problème de l’informel est plus profond que ce qu’il donne à voir. Touchant plus de 40% de l’économie nationale, l’informel est devenu un mode de fonctionnement auquel même les sociétés qui travaillent dans le cadre réglementaire font appel.
Il est tout le temps alimenté et contribue à la croissance économique et à l’absorption de l’emploi, au point où tout le monde y trouve son compte.
De ce fait, mettre un terme à l’informel est visiblement une mission presqu’impossible pour les autorités, même en usant des méthodes les plus strictes.