«La finance islamique n’est pas l’ultime recours»
Le gouvernement a fait plusieurs tentatives pour récupérer l’argent de l’informel, mais en vain. La dernière option, c’est la finance islamique. Pensez-vous que cela peut faire un effet sur la grande masse monétaire en circulation en dehors des circuits bancaires ?
De toute évidence, le gouvernement est très mal conseillé en termes de mécanismes et méthodes appréhendés à adopter, notamment dans le produit bancaire ; en plus, les banques en Algérie ne proposent pas un produit attractif, surtout pour propulser les PME et PMI, ou pour séduire le citoyen algérien qui est mentalement très craintif par rapport la banque ; hélas, l’Algérien est très réticent en termes de confiance envers les banques algériennes. Donc, le divorce est déjà consommé entre le citoyen et les institutions financières de l’Etat ; cependant, cela est récupérable pour peu qu’on laisse les spécialistes de la finance et de la banque travailler. La finance islamique ne doit absolument pas être un ultime recours ou la dernière option comme vous le citiez dans votre question ; certes, elle a le potentiel de cibler une niche très particulière en Algérie, mais limitée sur l’ensemble des consommateurs dans le marché algérien de masse. Le mourabaha et l’ijara sont les produits de la finance islamique les plus utilisés et leur potentiel en Algérie reste énorme, mais penser que la finance islamique serait la solution pour récupérer l’argent qui circule dans l’informel, c’est une preuve confirmée que le gouvernement ne comprend rien au marché algérien.
Qu’est-ce qui peut empêcher les citoyens d’opter pour ce produit bancaire ?
Ce qui empêche le citoyen, c’est encore une fois l’absence de produits bancaires attractifs ; si vous n’allez pas vers le client avec de la nouveauté, le client algérien ne viendra pas vers vous pour la demander. Inciter le citoyen est un chantier très intéressant en Algérie, il y a les TIC comme outil principal et les partenaires commerciaux qui vendent tout ce dont le citoyen a besoin de consommer tous les jours. Encore une fois, la finance islamique intéressera une niche limitée des clients en Algérie ; comparée à la masse populaire, elle s’orientera vers les clients qui ont une mentalité conservatrice et dont les principes de la charia passent avant tout, donc il y aura là des produits taillés sur mesure pour eux comme la «mourabaha» et l’«ijara» qui sont des produits de la finance islamique les plus utilisés et leur potentiel en Algérie est énorme, mais de là à penser que la finance islamique serait la solution pour récupérer l’argent qui circule dans l’informel est une preuve confirmée que le gouvernement ne comprend rien au marché algérien. Pour ma part, j’estime que la finance islamique pourra récupérer 10 à 15 % de l’argent informel, pas plus.
Que faut-il faire afin de moderniser ce système bancaire qui demeure peu attractif pour les épargnants ?
Pour résoudre le problème, là encore une fois nous entrons dans l’étude psychologique des clients potentiels, le parc des smartphones via le mobile banking, orienté vers les besoins de tous les jours et exploiter ce parc pour générer de la richesse via les frais d’utilisation, c’est du tout bénef pour le Trésor public, si vous me permettez l’expression. Il faut comprendre que l’analyse et la compréhension du marché sont basées sur la conception du citoyen et de son attitude en société ; à partir de là, je n’ai jamais compris pourquoi l’Etat n’a jamais exploité le secteur des TIC, notamment la téléphonie mobile pour développer un réseau bancaire parallèle. L’Algérie est un mass market (un marché de masse) où il est possible de créer de la demande, une véritable aubaine parce que c’est un marché qui possède un potentiel de croissance de consommation énorme. Je saisis cette occasion pour pointer un élément massivement important, l’annonce récente du ministre des TIC concernant la position de l’Algérie vis-à-vis du déploiement de la 5G en téléphonie mobile. Je suis pour ainsi dire éberlué par cette décision du gouvernement de ne pas déployer la 5G. C’est une illustration parfaite d’une totale incompréhension des enjeux économiques du monde actuel. Les TIC, c’est l’arme principale de l’économie mondiale aujourd’hui, c’est le levier principal de la croissance, de la création de richesse et d’emplois, de modernisation des services, notamment bancaires de E-payment, numérisation de l’administration, des opérations financières et fiscales, mais de là à dire que l’Algérie n’aurait pas les moyens financiers de déployer la 5G, c’est une déclaration des plus choquantes et irrationnelles.
Quelle est alors la place et le rôle du système bancaire ?
Il faut absolument diversifier les départements-clés du système bancaire ; par exemple, il faut permettre aux banques de développer leur propre processing center au lieu de dépendre toutes de la SATIM qui n’a jamais réussi à cerner le problème de la monétique en Algérie et qui continue de bénéficier d’une carte blanche de l’Etat. Cela est inadmissible dans un marché de concurrence. Aussi, les banques publiques doivent se débarrasser de 70% de leurs agences à travers le territoire national. Il ne faut laisser que quelques agences à travers le territoire et tout orienter vers les agences online. Ma vision et mon conseil, c’est la construction immédiate d’une application nationale de paiements, activée sur AppStore et Google play ; elle sera une structure moderne et sophistiquée qui sera la propriété de l’Etat et gérée par une équipe dédiée, un projet qui est très facile à faire et à mettre en place. Son nom serait «DZ PAY».
Pour finir, je le dis encore une fois et de façon crue : si l’Etat s’entête à ne pas vouloir faire appel aux professionnels et experts du système bancaire – TIC et numérique –, le problème de l’argent de l’informel ne sera jamais réglé et maîtrisé, le produit bancaire ne sera jamais prêt, la réforme du système bancaire n’aura jamais lieu et l’économie ne démarrera jamais ; le système bancaire est la colonne vertébrale de l’économie, il faut absolument comprendre cela.