«EN MARCHE POUR LEUR DIGNITÉ ET LEUR IMPLICATION DANS LES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES»
● L’engagement et le rôle des femmes immigrées dans les mouvements sociaux des sociétés où elles vivent s’affirment sur tous les fronts ● Le numéro 1331 de la revue analyse la chronologie de leurs mobilisations depuis les années 1970, et montre comment le
L’idée d’un portfolio sur les femmes immigrées dans la photographie humaniste et commentée par des personnalités féminines relève d’un pari éditorial : produire des articles scientifiques pour accompagner la valorisation des collections photographiques du Musée», écrit dans l’éditorial qui ouvre le dossier Marie Poinsot, rédactrice en cheffe de la revue Hommes & Migration et responsable du département Éditions du Musée national de l’histoire de l’immigration. Marie Poinsot rappelle que par le passé, Hommes & Migrations avait déjà abordé les migrations au féminin : les doubles discriminations dont les femmes immigrées sont les cibles, en vertu de leur genre et de leur origine étrangère ; puis la mise en visibilité des femmes dans les migrations internationales dans les débats publics et les politiques publiques. Et elle signale que «si les migrations féminines ont longtemps été l’angle mort d’une histoire des mobilités humaines, le rôle des femmes immigrées dans les mouvements sociaux des sociétés où elles vivent en exil émerge comme nouveau domaine de recherches.»
Aussi, souligne l’éditorialiste, «les affrontements politiques et idéologiques sur l’immigration, y compris au sein du féminisme, de l’antiracisme et des luttes décoloniales, se multiplient au sein de la société française». «Les réalités des femmes d’origine étrangère sont devenues la cible d’un faisceau de dénonciations plurielles qui convergent ou s’opposent, selon les intérêts militants». «En tant qu’actrices engagées dans les luttes – et non plus objets de mobilisations –, elles suscitent l’intérêt des médias mais se font entendre avec difficulté auprès des pouvoirs publics.» Puis de préciser que la revue Hommes & Migrations propose de «refroidir les débats surchauffés du moment avec un cadre d’analyse scientifique nourri des travaux en cours pour expliquer les combats que ces femmes mènent en France depuis plusieurs décennies». L’engagement des femmes immigrées s’affirme sur tous les fronts. «Leur choix de migrer est déjà en soi une forme de
Hommes & Migrations
contestation de leur place dans leur pays natal et un calcul stratégique pour reprendre leur vie en main». «Sans oublier que le statut d’étrangère leur confère une insécurité qui les oblige à affronter une multitude de difficultés.» La crise de la Covid-19 a propulsé ces femmes en première ligne dans des secteurs comme l’hôpital ou le gardiennage où elles travaillent dans des conditions déjà précaires. Ce numéro analyse la chronologie de leurs luttes depuis les années 1970, «celles qu’elles ont investies comme celles qu’elles ont initiées à la suite d’un travail de politisation des enjeux rattachés à leurs réalités migratoires». ... Aujourd’hui, les luttes des jeunes générations «interrogent, en les combinant, les processus de racialisation et les violences corporelles, et font des identités multiples le terrain de leur émancipation». «Le transnationalisme et la religion s’immiscent dans leur répertoire militant alors qu’elles doivent aussi gagner plus d’autonomie dans les mobilisations antiracistes où elles sont les ‘premières concernées’». Contre les assignations sexistes et racisées ou racialisées, les femmes s’expriment très librement à travers la création artistique. «La part des artistes féminines dans la collection d’art contemporain du Musée atteste de leur engagement, avec leur corps et leurs oeuvres, sur le présent des circulations et de l’exil.»
Alors que Gisèle Halimi vient de s’éteindre, la revue esquisse un premier «panthéon» des personnalités féminines d’origine étrangère à partir duquel le Musée pourrait bâtir un «parcours matrimonial» original. La rentrée littéraire au féminin, les sorties de films et les entretiens de militantes, éditrices et réalisatrices engagées convergent vers ce «front de libération personnelle» que Faïza Guène, dans son dernier roman (La Discrétion, 2020), «invite à adopter contre la résignation».
«Les femmes immigrées sont en marche pour leur dignité et leur implication dans les sociétés contemporaines» affirme en conclusion Marie Poinsot.