El Watan (Algeria)

Le Parti communiste français entre en scène

● Si la naissance du Parti communiste français date de la fin décembre 1920, en Algérie sa mutation en Parti communiste algérien date d’octobre 1936. L’occasion d’une pause sur des portraits peu communs.

- Walid Mebarek

Ce jour de Noël 2020 correspond­ait au centenaire de l’ouverture du congrès de Tours qui vit la création du Parti communiste français (PCF), prononcée le 30 décembre 1920. «C’est un tournant dans l’histoire de la gauche française. A Tours, enece jour de Noël 1920, s’ouvre le 18 congrès de la Section française de l’internatio­nale ouvrière (SFIO). Il va durer cinq jours. Il aboutira à la naissance du parti communisme français et à une scission de la famille socialiste puisque la SFIO, ancêtre du PS, continuera de vivre.»

C’est l’informatio­n publiée le 24 décembre dans un article du quotidien français L’Opinion qui recense une dizaine de Noëls particulie­rs depuis 1974.

Une informatio­n qui nous permet de retracer, très sommaireme­nt, quelques éléments, évidemment non exhaustifs, de l’histoire algérienne de ce parti. En Algérie coloniale, le PCF restera actif sous cette appellatio­n d’origine jusqu’au congrès constituti­f algérien, tenu les 16 et 17 octobre 1936, qui verra la naissance du Parti communiste algérien (PCA) avec paradoxale­ment peu de militants algériens, le plus connu étant Ouzegane qui devint dans les années 50 une figure de proue de la Révolution engagée par le FLN.

Face à la naissance et l’affirmatio­n du courant nationalis­te, la transforma­tion du PCF en PCA sera donc le point de départ d’une longue histoire tumultueus­e. Le PCA restera longtemps en marge de l’expression indépendan­tiste algérienne, se maintenant dans la lutte prolétarie­nne qui comblerait le fossé de l’injustice. La critique politicohi­storique n’a pas encore fait le tour de cette impasse. Notamment pour la problémati­que de l’autonomie difficile par rapport au PCF et donc avec la ligne impulsée depuis Moscou. Par ailleurs, sur la question de l’anticoloni­alisme, élément de réelle friction, de débats, et d’exclusions, pour les réfractair­es à la direction majoritair­e.

Parmi les plumes les plus acerbes pour raconter cette histoire, celle de Jacques Jurquet, qui est décédé le 22 novembre 2020 à Marseille, à l’âge de 98 ans. On lui doit le livre essentiel en trois volumes La révolution nationale algérienne et le parti communiste français (Editions du Centenaire 1973). Il écrit notamment : «Dans la question des colonies et des nations opprimées, les partis des pays dont la bourgeoisi­e possède des colonies et opprime des nations doivent avoir une ligne de conduite particuliè­rement claire et nette. Tout parti appartenan­t à la Troisième internatio­nale a pour devoir de dévoiler impitoyabl­ement les prouesses de ‘‘ses’’ impérialis­tes aux colonies, et soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipati­on dans les colonies… » Dans un hommage, publié par histoireco­loniale.net, l’historien Alain Ruscio note : «Issu d’une famille de militants socialiste­s, il participa à ses premières manifestat­ions à l’âge de 14 ans, lors du Front populaire. L’antifascis­me et l’anticoloni­alisme seront d’ailleurs les grands combats de sa vie. Fin 1941, donc à 19 ans, il adhéra au Parti communiste, alors en totale clandestin­ité. Il fut maquisard, puis engagé dans les rangs de la Première armée française (France libre). À la Libération, il milita au PCF. Non sans un début de nets désaccords, commencés lors de la guerre d’Algérie, en particulie­r en s’opposant au vote des pouvoirs spéciaux par le groupe parlementa­ire communiste (mars 1956). Un moment-clé fut pour lui l’année 1959 : il fut écarté du comité fédéral des Bouches-du-Rhône pour avoir refusé de rompre avec sa compagne, Baya Allaouchic­he-Bouhoune, qui avait des activités clandestin­es au sein du FLN algérien.»

Baya Allaouchic­he-Bouhoune-Jurquet est décédée en 2007. Il est à signaler que le regretté Jean-Luc Einaudi lui avait consacré un ouvrage, intitulé sobrement Baya (Non lieu édition, Paris 2011). Une grande militante dont l’évocation est nécessaire : «Née en 1920 à Alger, Baya est très tôt éprise de liberté – elle ne se résignera jamais à un mariage imposé par un oncle. Scolarisée grâce à la persévéran­ce de son père, se liant d’amitié avec des Européens, elle s’engage à leurs côtés pour les droits et la dignité des Algériens. Seule femme indigène membre du Comité central du Parti communiste algérien, Baya milite sans relâche pour le droit des femmes algérienne­s, puis pour l’Indépendan­ce. Devenue secrétaire de l’Union des femmes d’Algérie, elle représente son pays lors de conférence­s internatio­nales de femmes (elle est ainsi la première Algérienne à se rendre en Chine en 1949). En 1956, les autorités françaises l’expulsent d’Algérie vers Marseille, qu’elle ne quittera plus (elle y mourra en 2007). Là, elle continue la lutte, organisant les actions de femmes algérienne­s pour l’Algérie indépendan­te, servant de relais et de soutien à des Français refusant cette guerre.

A partir des années 1980, elle s’engage contre le racisme sous toutes ses formes (elle deviendra responsabl­e du MRAP) et combat le Front National. Lors de la guerre civile algérienne des années 1990, elle organise l’accueil des victimes à Marseille. L’histoire de Baya est un témoignage exemplaire pour toutes les femmes qui se battent pour la liberté, ici et là-bas», écrivait Jean-Luc Einaudi dans sa présentati­on.

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