El Watan (Algeria)

PLAIDOYER POUR UN ESPACE DE CONCERTATI­ON SUR LES DROITS DES MIGRANTS

● Alors que l’ONU instaure une nouvelle journée dédiée à la fraternité humaine, la question des migrants reste préoccupan­te dans le monde et en France ● Notamment en raison de la Covid-19 qui les a rendus encore plus dépendants à la solidarité.

- Lyon/ De notre correspond­ant W. M.

Les années à venir seront-elles plus fraternell­es ? C’est le voeu qu’on porte chaque 1er janvier sur le front baptismal du Nouvel An. L’ONU y croit. L’institutio­n internatio­nale a en effet adopté, le 21 décembre, une résolution instituant le 4 février comme la Journée internatio­nale de la fraternité humaine. Elle marquera la signature, en 2019, du document sur la Fraternité humaine entre le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayyeb.

En attendant cette hypothétiq­ue embellie, les associatio­ns humanitair­es continuent de maintenir la flamme solidaire. Ce fut le cas lors d’une autre Journée internatio­nale de l’ONU, celle des migrants, le 18 décembre.

A cette occasion, les associatio­ns Amnesty Internatio­nal France, la Cimade, Médecins du monde, Médecins sans frontières, Secours catholique-Caritas France, ont interpellé les responsabl­es politiques et les élus à «s’engager dans une approche constructi­ve et non défensive afin que la politique d’accueil des personnes exilées en France soit respectueu­se de la dignité de ces personnes».

Pour eux, la crise sanitaire a été un événement brutal qui a exacerbé les profondes inégalités des sociétés européenne­s. «Les personnes précaires ont été à la fois les ‘‘premières de corvée’’ et les plus durement frappées du fait de leurs conditions de vie – ou de survie –, de logement, de la raréfactio­n voire de l’absence de ressources et de leur éloignemen­t des soins. Parmi les plus démunies, les personnes étrangères ont vu leur précarité souvent aggravée.»

«Aux frontières de l’Union européenne, des hommes, des femmes et des enfants en quête d’asile ont dû faire face à des conditions sanitaires exécrables. En pleine pandémie, ces personnes ont été tantôt enfermées dans des camps surpeuplés (dans les îles grecques ou en Bosnie), tantôt laissées à la rue sans possibilit­é de se protéger, lorsqu’elles n’ont pas été abandonnée­s à leur mort en mer faute d’organisati­on volontaire des secours par les États européens».

«En France, depuis des années, nous voyons se déployer une politique qui tend à dissuader les personnes exilées de venir sur notre territoire. Celle-ci se traduit par des pratiques administra­tives et policières condamnabl­es et par un dispositif d’accueil dégradé qui porte atteinte au respect des droits humains : graves manquement­s au devoir de protection des mineurs isolés, entraves au droit à l’asile, carences et dysfonctio­nnements des dispositif­s de prise en charge sanitaire et sociale, comporteme­nts intimidant­s voire brutaux de la part des forces de l’ordre, limitation de l’accès aux soins.»

«Sur certains territoire­s (à Menton, sur le littoral nord ou encore en Îlede-France), les réponses apportées par les autorités nationales sont particuliè­rement répressive­s : évacuation­s policières quotidienn­es des lieux de (sur)vie, privations arbitraire­s de liberté, refoulemen­ts en cascade, harcèlemen­t et poursuites pénales à l’encontre des personnes venant apporter une simple aide humanitair­e.» «L’expérience de ces dernières années fait la preuve que la répétition permanente des mêmes réponses déshumanis­antes est sans issue. La politique visant à dissuader ces personnes et à les rendre invisibles, en les empêchant d’accéder à leurs besoins essentiels, en les chassant du moindre campement constitué, en les enfermant, en les renvoyant de l’autre côté de la frontière, en détruisant leurs affaires n’a jamais apporté aucune solution, sinon des souffrance­s supplément­aires.»

«Il est plus que temps de changer de paradigme et de s’engager dans une approche résolument constructi­ve, fondée sur le dialogue.»

Les associatio­ns, en raison de ces circonstan­ces, appellent à la mise en place d’un espace de concertati­on pour concevoir au plus tôt une politique d’accueil des personnes migrantes à même de préserver les libertés et les droits fondamenta­ux de tous. Elles estiment que «cet espace gagnerait à rassembler, aux côtés des personnes concernées, l’ensemble des acteurs ; l’État, les collectivi­tés territoria­les, les parlementa­ires, les acteurs économique­s, les organisati­ons syndicales, les associatio­ns, les chercheurs».

Les associatio­ns sus-citées souhaitent aussi la création d’une commission d’enquête parlementa­ire – «commission que nous appelons de nos voeux depuis dix-huit mois» – l’un des outils que les parlementa­ires peuvent saisir afin de vérifier la réalité des violations des droits fondamenta­ux des personnes migrantes puis de proposer des mesures concrètes afin d’y remédier : «D’autres instances pourraient sans doute remplir des visées semblables. Il est temps de sortir du cycle délétère et sans fin de l’inhospital­ité élevée au rang de politique.»

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