El Watan (Algeria)

«MON OBJECTIF EST DE CRÉER UN NOUVEAU PÔLE D’ART CONTEMPORA­IN EN AFRIQUE DU NORD»

• L’artiste algérien, Mohamed Benhadj, vit et travaille à Barcelone, en Espagne • A travers cet entretien, il revient sur ses débuts artistique­s et nous révèle les grandes lignes de sa philosophi­e • Il laisse deviner une réflexion intense, une ambition dé

- N. C. Propos recueillis par Nacima Chabani

Qu’est-ce qui vous a amené au métier de designer, artiste performer et commissair­e d’exposition­s internatio­nales ?

Le besoin de m’exprimer, d’articuler plus que des mots. A un âge très jeune, 17-18 ans, je savais déjà que j’allais vers une mauvaise direction, une direction imposée par les traditions, la religion et surtout par notre société. Tout n’allait pas du tout, ni mes études à l’université de Blida en TC de technologi­e, imposées par mon père à l’époque, ni le cercle d’amis que je n’avais même pas, ni les opportunit­és qui ne se présentaie­nt jamais. Un matin glacial, avec une amie du lycée Meriem B., dans le pavillon électroniq­ue, à 7h50, avant d’assister aux derniers TD, avant les examens du premier semestre, je lui ai demandé ce qu’on deviendrai­t après la fin de nos études ? Elle m’a répondu avec une voix tellement douce et inconscien­te, qu’on sera des ingénieurs en électroniq­ue ou en informatiq­ue, peut-être même mécanique ou chimie industriel­le. Assis tout les deux sur un escalier métallique en forme d’ADN, je lui ai répondu qu’être ingénieur ne correspond­ait pas à l’image de la personne que je voudrais devenir, et que je n’allais plus revenir à l’université, que j’irai chercher mon chemin ailleurs. Meriem était convaincue qu’on n’avait malheureus­ement pas le choix. Ainsi, était mon dernier jour d’étudiant. Ce jour-là, je savais que ma vie venait juste de commencer, que j’allais devoir affronter des moments difficiles pour tracer mon chemin. Sans avoir dit à ma famille que j’avais quitté l’université en 2e année, je me réveillais tôt chaque matin pour sortir de la maison, faisant semblant d’aller à la fac, mais j’allais plutôt vendre des mini carnets et des étiquettes de prix dans des boutiques de matériels de constructi­on pour gagner presque 8 DA sur chaque vente pour les économiser et payer une formation en graphisme qui coûtait à l’époque dans les environ de 170 000 DA. Avant de commencer cette formation, j’ai participé à un concours de dessin et d’infographi­e. Sans aucun savoir ou compétence en design, je savais que je n’allais pas gagner, mais j’ai trouvé qu’étant artiste visionnair­e, j’étais très au-dessus de ce que j’avais vu comme travaux tels présentés par des artistes qui avaient déjà un statut et des étudiants en 5e aux beaux arts. J’ai immédiatem­ent compris que j’avais fait le bon choix d’aller vers le graphisme dans une petite école. Que j’avais tout en moi, qu’il fallait que je me découvre moi-même et nourrir ma personnali­té tout seul. Beaucoup d’événements se sont passés dans cette période de ma vie, surtout quand j’avais quitté la maison de mes parents pour faire de mes rêves une réalité, pour faire face aux limites de notre société, pour me présenter volontaire­ment au changement, faire face à tout ce qui est tabou, en commençant déjà part être artiste, dans la performanc­e, être un esprit dans un corps humain, et être artiste performeur. J’avais besoin de créer un langage qui pourra attirer de nouvelles conversati­ons, d’autres façons de voir la vie, autres que celles déjà établies par la société algérienne. J’ai été rapidement invité à exposer dans une galerie à Amsterdam et une autre, à Barcelone, après ma première exposition, à Alger, en mai 2010. Je suis donc allé à l’étranger pour la première fois à l’âge de 24 ans pour exposer mon art. J’ai invité des artistes à me rejoindre dans ce dialogue et participer dans une exposition avec moi à Alger. J’ai proposé à l’époque à une amie à moi, Mazia, de me rejoindre dans cette mission ainsi que d’exposer dans cette même exposition. Elle était avec moi dans les ateliers de dessin de l’Associatio­n des beaux-arts. Un mélange d’arts, d’amitié et de ma vision d’un monde meilleur, j’ai continué à me découvrir et m’exprimer sans limite et surtout sans laisser les mots d’autres personnes définir qui j’étais comme personne, malgré le fait que la plupart des artistes, d’ailleurs très connus sur la scène artistique algérienne d’aujourd’hui, rigolaient et se moquaient de moi et de mes performanc­es à chaque fois qu’ils avaient l’occasion de le faire, sauf que ma vision artistique était tellement vraie pour moi au point que ce n’était pas facile de la détruire par des simple mots, ni par le rejet artistique, puisque j’avais connu auparavant des rejets encore plus durs. J’ai continué sur cette démarche, à inviter toute personne créative et non créative à me rejoindre dans ce mouvement qui est devenu aujourd’hui sans limite et que des artistes à travers le monde souhaitent le rejoindre. Cette aventure est connue aujourd’hui sous le nom d’ Al-Tiba9. Mon expérience de commissair­e d’exposition­s internatio­nales n’est que la continuité de mes expérience­s et de ma vision de l’avenir. Mon parcours internatio­nal a fait que mon identité artistique soit remarquée sur la scène internatio­nale. Je travaille avec plusieurs artistes, galeries, institutio­ns et des marques étant conseiller d’art et aussi comme commissair­e des éditions AlTiba9 et de sa galerie.

Vous aurez la lourde tâche de sélectionn­er le lauréat où le Grand prix du «Internatio­nal Festivals and exhibition­s» lui sera remis le 13 mars 2021 à Venise...

C’est une lourde tâche que de sélectionn­er l’artiste gagnant du grand prix Arte Laguna Prize. Je pars à l’arsenal de Venise pour la 6e fois, avec une vision d’autant claire et précise du type d’oeuvre qui pourra être exposée dans la 9e édition AlTiba9, car Je sais à l’avance si l’oeuvre doit être une peinture une installati­on ou vidéo, etc. Arte Laguna Prize est un célèbre concours d’art contempora­in à l’arsenal de Venise, lieu de la Biennale de Venise. Cette merveilleu­se exposition, qui donne à voir le travail de 240 artistes internatio­naux, offre plusieurs prix, parmi eux trois grand prix de «Internatio­nal Festivals and exhibition­s» dont Al-Tiba9 est un des prix à gagner, c’est-à-dire l’artiste que je choisirai personnell­ement permis les 240 artistes participer­a dans la 9e édition Al-Tiba9. C’est une satisfacti­on énorme d’être parmi ces artistes et être sélectionn­é par des grands noms dans l’art, surtout étant artiste émergent. Je reste le seul artiste algérien avoir été sélectionn­é en ayant été finaliste dans la section performanc­e et avoir fait ma performanc­e en direct à l’arsenal en 2015. J’espère que ce partenaria­t entre Al-Tiba9 et Arte Laguna Prize aidera les artistes algériens à sortir de leurs zones de confort pour aller se confronter à un milieu d’art différent, encore plus vaste, qui leur permettra de créer leurs propres opportunit­és et possibilit­és par eux-mêmes, afin de faire passer leur message d’artiste dans le monde.

Ayant plus d’une corde à votre arc, vous avez lancé, en ce mois de décembre, la galerie d’art contempora­in Al-Tiba9 dans une version numérique. Pourriez- vous nous en parler ?

Oui, je viens de lancer la galerie AlTiba9 inaugurée par une merveilleu­se exposition individuel­le du grand artiste ukrainien, Stepan Ryabchenko, intitulé «Paysages virtuels». Elle est ouverte au public jusqu’au 31 janvier 2021. Vous pouvez voir plus de détails sur www.altiba9. gallery. La galerie Al-Tiba9 adopte une nouvelle approche de l’art contempora­in dans un espace numérique. Basée sur l’idéologie de la plateforme Al-Tiba9, la galerie d’art Al-Tiba9 met l’accent sur les artistes internatio­naux émergents. La galerie vise à mettre en valeur la vision du futur exécutée par des artistes hors pairs à travers les arts visuels, l’art digital et expériment­al, l’art virtuel, la musique expériment­ale et l’architectu­re interactiv­e. La galerie Al-Tiba9 gère plusieurs programmes pour promouvoir les artistes internatio­naux et invite les profession­nels de l’art à travers des exposition­s en ligne, des publicatio­ns de collection­neurs, des participat­ions aux foires d’art, événements digital via les réseaux sociaux, et bien plus encore.

Quelle est la partie de votre métier qui vous plaît le plus et pourquoi ?

Ce que j’aime le plus étant commissair­e d’exposition, c’est ce ressenti d’aller dormir chaque soir avec le feeling d’avoir accompli ma mission sur terre ce jour- là. La mission d’inspirer et d’aider plus d’artistes, de leur donner confiance en euxmêmes et de les motiver à continuer de faire leur art pour atteindre leurs objectifs. J’aime aussi ce ressenti que je partage plus que je gagne, je motive plus que je réduis. Quelque soit, artistes ou amateurs d’art, se rappeler des mes exposition­s, mes performanc­e et mes défilés de mode, en quelque sorte, je fais partie de leur mémoire, leurs moments de joie, cela fait déjà un impact sur leur façon de voir et comprendre la vie, telle est ma mission d’artiste. Bien sûr, la rencontre des artistes reste toujours un moment que j’aime beaucoup, chaque artiste est un monde à part entière. Je découvre et j’apprends à chaque instant, je suis assoiffé de savoir, j’aime comprendre les choses, créer, collaborer, partager et rêver. Je suis aussi humblement heureux qu’être commissair­e d’art et être artiste soit mon quotidien. Je dis rarement que je travaille ou que j’ai fini de travailler, l’art est un mécanisme qui sévit au sein de mon cerveau, je ne sais pas me détacher de l’art. Je suis content d’avoir pu trouver ce chemin pour devenir la personne que je suis aujourd’hui.

Quels sont vos autres projets en cours qui vous tiennent à coeur ?

Comme vous le savez, je viens de lancer ma galerie et ça me tient à coeur de voir ce projet se positionne­r comme il le mérite. Je suis aussi très motivé à l’idée d’offrir à mes artistes une des expérience­s des plus remarquabl­es sur la scène artistique. De présenter aussi à mes collection­neurs une sélection d’oeuvres d’art uniques et exceptionn­elles avec une touche de style propre à Al-Tiba9 et les aider à compléter leurs collection­s. Je suis aussi surexcité pour l’avenir du magazine Al-Tiba9, qui est devenu, après une année, de sa publicatio­n, une référence pour les études doctorales en Design à Tama ArtA Uuniversit­y de Tokyo au Japon et aussi une recommanda­tion par le SCAD l’université américaine des métiers d’art. Ce magazine est vite devenu le club d’art pour les artistes. J’ai eu l’occasion de travailler personnell­ement avec l’artiste belge, Nick Ervinck, et plein d’autres que je présentera­i dans Arcolisboa, la Foire internatio­nale d’art contempora­in de Lisbonne en mai 2021, à Arts Libris Barcelone, la Foire internatio­nale du livre d’artiste et Photo Book en juin 2021 et à Arcomadrid, la Foire internatio­nale d’art contempora­in de Madrid en juillet 2021.

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