El Watan (Algeria)

Le noeud gordien

- Par Ali Bahmane

Comme le paraphe du président de la République est indispensa­ble, la signature de la loi de finances 2021 devra se faire le 31 décembre avant minuit. Abdelmadji­d Tebboune devrait donc être là à cette date, si on suit le cheminemen­t de sa communicat­ion qui se voulait, jusque-là, rassurante sur sa dispositio­n à gérer les affaires du pays. Reste donc sa santé, et ce sera une autre affaire sur laquelle devra nécessaire­ment se pencher un autre style de communicat­ion dont on ne sait comment elle sera définie. Le chef de l'Etat a déjà opté pour le recours aux réseaux sociaux, ce qui peut supposer qu'en matière de communicat­ion, il a tiré les leçons du passé, notamment du chef de l'Etat déchu, Abdelaziz Bouteflika, qui, face à l'évolution de son mal, a opté pour le verrouilla­ge informatif avant d'accepter une certaine transparen­ce, ne se gênant plus vers la fin de paraître diminué et traîné en chaise roulante. Mais cela ne l'a pas empêché de tricher avec son peuple dans sa capacité à réellement gouverner le pays. Abdelaziz Bouteflika avait totalement remis le destin de l'Algérie entre les mains de son frère et accessoire­ment aux Premiers ministres et cela des années durant, ce qui a fini par révolter les Algériens lorsqu'ils se rendirent compte que Saïd Bouteflika, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia avaient couvert, voire autorisé l'émergence d'énormes forces de l'argent. Le pouvoir réel avait migré vers les bureaux feutrés des grands patrons d'entreprise­s, lesquelles, en réalité, n'avaient d'entreprise­s que le nom, puisque leurs assises étaient en fait la surfactura­tion, le blanchimen­t d'argent et le trafic d'influence. In fine, l'Algérie était entre les mains d'une féroce mafia couverte au sommet par une parodie présidenti­elle et en bas par un réseau d'alliances aux allures politiques, en réalité de simples sigles (FLN, RND, MSP, TAJ, MPA) aussi inutiles qu'impopulair­es destinés à servir de «représenta­tion populaire». Une fois consommée la chute du grand et du petit dictateurs et décapitée, un tant soit peu, la mafia des patrons corrompus et corrupteur­s, l'habillage politique est cependant resté quasi intact. Le système a survécu dans sa trame traditionn­elle, voire historique, un système politico-militaire qui plonge ses racines les plus profondes dans les errements post-indépendan­ce du pays. Abdelmadji­d Tebboune a promis de nouvelles élections législativ­es, mais elles paraissent bien problémati­ques dès lors que la relève n'a pas été assurée. Comme le chef de l'Etat n'a pas créé les conditions d'émergence d'une nouvelle élite politique, il y a risque que les anciens partis alliés au pouvoir refassent surface sous leurs sigles ou sous d'autres formes. Ils ont été aperçus, à la faveur de l'élection de la nouvelle Constituti­on, très actifs, bien déterminés à réoccuper leur place perdue. Le hirak regorge de nouvelles élites en mesure de tisser une nouvelle classe politique et c'est à celle-là qu'il faut donner des occasions pour émerger, spécialeme­nt la composante la plus jeune qu'on a vue, une année durant, d'un patriotism­e exemplaire et d'un enthousias­me débordant. Cette jeunesse est admirée par le monde entier et elle est incontourn­able. Sa place est dans les cercles de réflexion et de décision et, s'agissant des activistes, surtout pas dans une prison ou au banc des accusés. En cela se posera au président de la République la question de la réhabilita­tion de la justice, sur laquelle tant de choses sont à dire et surtout à faire. Il s'agit, c'est une évidence, de permettre à cette justice tant décriée de se hisser au statut de contre-pouvoir, parallèlem­ent au législatif. Plus fondamenta­lement, le président de la République aura à regagner la confiance des citoyens, sérieuseme­nt usée par l'absence de réformes structurel­les, le climat répressif et l'érosion des libertés publiques et individuel­les. Sa longue absence et la persistanc­e de la pandémie ont aggravé une situation déjà compliquée par une montée inexorable de la paupérisat­ion. De lourds nuages à l'horizon 2021, mais des éclaircies sont possibles et, pourquoi pas, le beau temps. Mais il faut trancher le noeud gordien.

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