El Watan (Algeria)

«J’AI CRÉÉ UNE BRIQUE À PARTIR DE LA TERRE RETROUVÉE DANS LES ZONES D’EFFONDREME­NT DE LA CASBAH»

A seulement 22 ans, Céline Djaout est l’initiatric­e d’un projet innovant visant à restaurer La Casbah d’Alger à partir de ses débris. Portrait d’une visionnair­e.

- Par Sofia Ouahib souahib@elwatan.com

Originaire d’Azeffoune, la jeune Céline, diplômée d’un Master en architectu­re, spécialité patrimoine urbain et architectu­ral au départemen­t d’Alger centre, se dit chanceuse d’avoir eu droit à un parcours scolaire très riche grâce auquel elle a pu découvrir et redécouvri­r Alger, Adrar, Ghardaïa ou encore Laghouat. mon cursus, je me suis beaucoup «Durant intéressée civilisati­ons à mondiales l’art, la et leurs culture, identités les à plus travers qu’évident leurs constructi­ons. pour moi que Il était faire donc des études en architectu­re était le meilleur choix. Même si j’avoue que j’ai failli abandonner à plusieurs reprises à cause des difficulté­s rencontrée­s», confie-telle. L’idée de son projet lui est parvenue lors de troisième année licence pendant sa première «véritable» visite à la Casbah avec un groupe d’amis. «Le parcours touristiqu­e que je prenais auparavant ne laissait pas prévoir sa véritable situation. Et c’est à partir de là que je me suis lancée dans la recherche sur la réhabilita­tion», se souvient-elle. Son projet d’étude consiste à proposer, en premier lieu, un plan d’aménagemen­t général pour la Casbah et ses abords, avec comme problémati­que : Restituer l’image identitair­e du tissu urbain ainsi que l’extraversi­on de la Casbah envers ses abords. «J’ai donc proposé un plan d’aménagemen­t détaillé de l’Axe Ourida Meddad tout en adaptant son parcours aux personnes à mobilité réduite. Je l’ai ensuite clôturé avec la conception architectu­rale d’un centre communauta­ire, et la reconversi­on du marché de la Lyre», explique-t-elle. Étant donné que la restitutio­n de l’image identitair­e de la Casbah dépend de la reconstruc­tion des zones vides, actuelleme­nt occupées par les déchets et gravats d’effondreme­nt, Celine a eu une idée de génie : Valoriser les débris afin de permettre à la Casbah de renaître de ses cendres. «Jai donc pensé à ‘‘créer’’ une brique à partir de la terre retrouvée dans les zones d’effondreme­nt, imitant ainsi la technique ancestrale déjà utilisée à La Casbah», assure-t-elle. Après avoir eu cette idée, Celine décide de réorienter son mémoire de recherche vers ce sujet et de se diriger vers le Centre National des Etudes et Recherches Intégrées au bâtiment. «Les ingénieurs et responsabl­es ont très bien accueilli mon idée et m’ont donné le feu vert pour débuter la recherche dès que possible», raconte elle. Mais le parcours n’était pas sans embûches. Céline raconte qu’il lui a fallu passer par plusieurs étapes pour réaliser ses briques. Pour la première étape de son processus, Celine avait besoin de matière première sauf qu’elle a eu du mal à trouver de l’aide pour faire sa collecte de terre et débris. Elle a donc contacté des gens de la Casbah et se sont eux qui se sont proposés en premier, notamment Fateh, qui l’a aidé à collecter la plus grande quantité de débris possible. La deuxième étape consistait à réduire la terre avec les débris en une poudre fine à l’aide d’un broyeur mécanique. Là encore, Celine se rappelle de l’épreuve endurée pour en trouver un sur Alger et ses environs. «J’ai finalement utilisé le concasseur des laboratoir­es du CNERIB, et j’ai reçu de l’aide de la part d’un ami suite à un appel que j’ai lancé sur les réseaux sociaux», ajoute elle. Vient ensuite l’étape des stabilisan­ts pour la confection de la brique. Celine a reçu l’aide d’un des premiers fabricants des blocs de terre comprimés en Algérie. «Nous avons procédé à l’élaboratio­n de la brique en variant les paramètres des stabilisan­ts, que l’entreprise algérienne Granitex m’ont procurés ainsi que de tous les autres produits dont j’avais besoin pour mon étude, pour enfin aboutir à celui qui convenait le mieux pour ma recherche», soutient-elle. TRI Céline dit ensuite avoir suivi les étapes traditionn­elles de la fabricatio­n du BTC, à savoir le broyage, le malaxage de la terre avec les stabilisan­ts, la compressio­n et enfin le séchage des blocs. «Le résultat était à la hauteur de mes espérances. J’étais ravie !», se réjouit-elle. D’ailleurs, Céline à même reçu les félicitati­ons ainsi que les encouragem­ents de la part des profession­nels du domaine : «Suite à ma participat­ion à un webinaire organisé par l’associatio­n arts et cultures d’Alger pour le 28e anniversai­re de l’inscriptio­n de la Casbah dans le programme de l’Unesco, j’étais à la fois surprise et contente d’être encouragée par des personnes du domaine, notamment des architecte­s et amoureux du patrimoine, qui, comme moi, voient du potentiel dans cette démarche.» Du haut de ses 22 ans, Céline rêve de voir renaître la Casbah de ses cendres. Si, selon elle, sa réhabilita­tion et sa reconstruc­tion est très complexe, cela n’est pas impossible. A croire que sa devise est : Pour qui ose, rien n’est impossible. «Plusieurs secteurs doivent collaborer ensemble pour parvenir à sauver le coeur battant de la capitale. Je pense qu’il est nécessaire d’établir un plan de gestion qui divise la Casbah en plusieurs îlots ou agrégats par quartier, et classer ces derniers par état d’urgence. Car il est juste impossible d’entamer les travaux sur l’ensemble du tissu à la fois. La Casbah est beaucoup trop complexe», explique-t-elle. Cette dernière espère que son projet apportera des solutions concrètes à de nombreux problèmes. D’abord, sur le plan urbain : «Les passages bloqués par les maisons effondrées seront dégagés. Cette première étape permettra d’amoindrir les problèmes d’assainisse­ment enregistré­s à cause du poids exercé par les débris sur les conduites d’eau qui finissent toujours par exploser», explique Céline. Ensuite, la jeune fille assure que la collecte de la terre et des débris constitue une parfaite occasion de faire le tri sélectif des matériaux. «Nous pourrons retrouver les carreaux de zelij, ou du moins, ce qu’il en reste, ainsi que les briques et les éléments de maçonnerie qui ont gardé leur forme initiale et peuvent être utilisés dans les travaux de réhabilita­tion des maisons encore debout», poursuit-elle. Aussi, la terre et les débris les plus détériorés peuvent être, selon Céline recyclés et servir dans l’élaboratio­n de sa brique. Et cette brique, pourrait selon Céline, à son tour, servir dans la réalisatio­n de plusieurs projets, notamment la constructi­on de maisons de relogement pour abriter les familles des demeures les plus détériorée­s lors des travaux de réhabilita­tion ou encore la constructi­on de maisons d’artisanat dans chaque quartier afin de valoriser les efforts des artisans, et faire renaître ces merveilleu­ses pratiques d’autrefois. Si le brevetage de l’idée serait la suite logique de tout ça, Céline assure vouloir temporiser un peu, ayant encore quelques pistes de recherches à explorer afin d’améliorer les caractéris­tiques de sa brique avant de passer à cette étape. «J’ai par contre rejoins l’associatio­n Bani Mezghenna de la Casbah d’Alger, afin de poursuivre mes recherches au centre national, sous un cadre associatif», affirme-t-elle. Cette dernière compte également faire participer les habitants ainsi que les amoureux de la Casbah dans ses prochaines interventi­ons et collectes de débris sur site, afin de leur transmettr­e sa volonté et son espoir de faire avancer les choses

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PHOTOS : DR
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