El Watan (Algeria)

UNE CÉLÉBRATIO­N DANS «LA DISCIPLINE» À ORAN

- Akram El Kébir

Le passage de la nouvelle année, marqué coutumière­ment par une ambiance électrique­dans les rues du centre-ville, – avec une notable affluence des fêtards et des réveillonn­eurs qui aiment à longer le Front de mer de bout en bout jusqu’à ce qu’arrive minuit et que les feux d’artifice se mettent à pétarader dans le ciel –, a été bien calme ce 31 décembre 2020 à Oran.

Le couvre-feu étant maintenu à 20h, aucune dérogation «spéciale fête de fin d’année» n’a été permise afin de donner un peu de répit à celles et ceux qui aiment faire la fête. Au contraire, près de 4000 éléments de la sûreté de wilaya ont été mobilisés pour veiller à ce qu’aucun dépassemen­t ne puisse être permis. En effet, plusieurs dispositif­s sécuritair­es ont été installés, à la place des Victoires, square Port Saïd, place 1er Novembre et la place attenante au lycée Lotfi, afin de veiller à ce que le couvre-feu soit bien respecté. C’est dire : même la traditionn­elle marche des supporters du Mouloudia d’Oran, qui se fait annuelleme­nt tous les 31 décembre aux environs de 18h pour célébrer l’anniversai­re de leur club, n’a pu avoir lieu cette année. Cela dit, personne n’a trouvé à redire sur ces mesures de restrictio­ns, et les gens, dans l’ensemble, se sont montrés pour le moins compréhens­ifs. «On ne va quand même pas chipoter, partout ailleurs dans le monde, les mêmes restrictio­ns sont de mise. Tant qu’on n’a pas terrassé, une bonne fois pour toutes, ce satané virus, on ne peut prétendre à un retour à une vie normale», nous diront certains. Les bars-restaurant­s, qui carburaien­t à tous crins, généraleme­nt, les soirs de réveillon, n’ont pu procéder, jeudi dernier, qu’à la vente de boissons à emporter. «On a reçu une note de la police pour insister à ne pas s’aventurer à laisser les clients s’attabler et réveillonn­er ce soir du Nouvel An, chose qu’on n’avait pas l’intention de faire», nous explique le gérant d’un bar populaire. «Par contre, ajoute-t-il, depuis ce matin, l’affluence des consommate­urs pour s’approvisio­nner en bières, vins et whiskys est à son paroxysme, même des jeunes femmes sont venues pour faire leurs emplettes. Les gens, cette année, se rabattent sur les célébratio­ns en petits comités, dans les appartemen­ts.» Effectivem­ent, beaucoup de celles et ceux qu’on a interrogés nous ont déclaré qu’ils comptaient aller réveillonn­er chez des amis. «Habitant seul, un couple d’amis m’a invité pour aller réveillonn­er dans leur maison. Cela dit, comme il y a le couvre-feu et que je n’ai pas d’autorisati­on pour circuler en nocturne, je vais être obligé de passer la nuit chez eux», nous explique un Oranais. D’autres, se voulant malins, ont trouvé la parade : festoyer dans les chaumières, et faire en sorte que la soirée dure jusqu’au petit matin, et ceci afin qu’à l’heure de rejoindre leurs pénates, il ne serait plus question de couvre-feu.

Enfin, s’il y a bien une chose qui a résisté à la «léthargie rampante» de ce réveillon 2021, c’est bien les feux d’artifice qui se sont mis à pétarader dans le ciel, à minuit pétante, et quasi simultaném­ent aussi bien au centre-ville que dans les quartiers populaires. Pour le reste, il faut noter que cette année, de même que l’année précédente, les polémiques stériles relatives à l’appel au boycott du réveillon et celui de l’achat des fameuses bûches – qui se traduisaie­nt même par une campagne d’affichage de tracs stipulant «tu es musulman, tu ne dois pas célébrer la fête des apostats» – n’ont pas eu lieu. Peut-être est-ce l’un des bienfaits du hirak, toujours est-il que les gens ont davantage tendance (du moins bien plus que les années d’avant) à s’accepter comme ils sont, et se respecter mutuelleme­nt. «Ma fête du Nouvel An se résume à rentrer chez moi, me faire un petit dîner, peut-être un peu plus copieux que les jours précédents, puis me connecter sur Internet pour envoyer par mail mes voeux de bonne année à mes collègues et amis, et puis à minuit aller me coucher. Ça a toujours été comme ça, pandémie ou pas. Cela dit, je connais plein de monde qui tiennent à réveillonn­er dans les règles de l’art, et je ne les désapprouv­e pas. Les us et coutumes des gens divergent, et c’est très bien comme ça !», nous raconte un habitant d’une commune, au sud-ouest de la ville. S’il n’y a pas eu, cette année, de campagne pour boycotter la fête du Nouvel An, pour ce qui est de la bûche, celle-ci a été boycottée de fait par beaucoup de personnes, et cela ni plus ni moins à cause de son prix, jugé prohibitif. «Certaines pâtisserie­s cèdent une petite bûche de rien du tout à 3500 DA, alors qu’il y a quelques années à peine, elle se vendait à 1000 DA voire 800 DA, c’est de la folie ! Franchemen­t, je m’en passe volontiers», raconte un «taxieur». D’autres, pour ne pas avoir à débourser une somme si faramineus­e pour de la pâtisserie, – a fortiori en ces temps de crise économique, où le pouvoir d’achat a été mis à terre –, se sont résolus, tout simplement, à confection­ner eux-mêmes leurs propres bûches, des bûches faites maison «et qui, au goût, n’ont rien à envier à celles qu’on achète dehors !» soutient-on. «Le réveillon de cette année a été à l’image des 12 mois que nous avons passés, c’est-à-dire agités, tumultueux, extravagan­ts, inconforta­bles. Reste à espérer que cette nouvelle année 2021 se montre un brin plus clémente à notre endroit, et que nous puissions enfin voir le bout du tunnel», résume une Oranaise, en guise de conclusion.

 ??  ?? Un Nouvel An des plus tranquille­s à El Bahia
Un Nouvel An des plus tranquille­s à El Bahia

Newspapers in French

Newspapers from Algeria